PASQUALE PAOLI ET L’EXPÉDITION DE LA MADDALENA. LA RUPTURE AVEC LA FRANCE ET LES BONAPARTE.
PASQUALE PAOLI ET L’EXPÉDITION DE LA MADDALENA.
LA RUPTURE AVEC LA FRANCE ET LES BONAPARTE.
Décidée à Paris dans le cadre de la guerre contre l'Autriche, l'opération militaire a pour objectif de neutraliser la Sardaigne, son alliée.
La Convention ordonne à Bonaparte de s'emparer de la Maddalena et à l'amiral Truguet de prendre Cagliari,
L’île voisine est en effet jugée alléchante pour ses ressources en céréales et en chevaux.
La Convention décide l’envoi de troupes, notamment constituées de volontaires nationaux du Var et les Bouches-du-Rhône.
C’est-à-dire d’hommes qui n’ont pas de spéciale instruction militaire et sont indisciplinés.
A peine débarqués en Corse, les Provençaux commettent des atrocités, s’amusant à assassiner et à pendre jusque parmi les volontaires locaux.
La partie corse de l'affaire est placée sous la responsabilité de Paoli.
Il s'agit de s'emparer de l'îlot de la Maddalena qui contrôle le trafic maritime du détroit de Bonifacio.
Paoli en confie l'exécution à l'un de ses affidés, Colonna Cesari, sous les ordres duquel est placée l'unité d’Ajaccio-Tallano de Napoleon Bonaparte.
L'affaire est délicate pour Paoli.
Par Autriche interposée, la Sardaigne est l'alliée de l'Angleterre que Paoli a sans doute promis à son roi de ne pas combattre en se ralliant à la Révolution.
De plus, dans la vendetta qu'Aréna lui avait déclarée, il lui fallait coûte que coûte triompher, et, lorsqu'il se vit obligé d'agir malgré lui, il ne put que laisser échapper une critique à l'adresse de cette expédition, « qui ne peut réussir que par un de ces miracles de la sainte Liberté ».
Le plan était mal combiné, disait-il, et il valait mieux agir contre Turin;
Paoli ne voulait pas combattre personnellement le roi de Piémont.
C'était déjà la même pensée qu'il devait exprimer plus tard, sous une forme plus nette, à son neveu Colonna-Césari commandant la contre-attaque de la Maddalena:
« Fais que toute cette affaire s'en aille en fumée. »
Le 19 février 1793, huit cents soldats embarquent depuis Bonifacio sous pavillon français en direction de la Sardaigne sous les ordres du colonel Quenza.
À 23 ans, Napoléon Bonaparte qui vient d'être nommé lieutenant-colonel adjoint de la Garde nationale, est impatient de livrer sa première bataille et de faire ainsi ses preuves.
Le contre-amiral Truguet part pour Cagliari, qu’il fait bombarder sans aucun succès et face à laquelle ses troupes débarquées, désemparées par la résistance farouche des Sardes, se débandent, apeurées.
La diversion que tentent les Corses, par le Détroit de Bonifacio, sur l’île de La Maddalena, ne rencontre pas une plus grande réussite.
Bonaparte, officier d’artillerie, qui connaît là sa toute première campagne, fait tonner ses pièces avec adresse.
Mais une mutinerie des marins le condamne à décamper piteusement, dans une évacuation précipitée au cours de laquelle il manque de peu d’être capturé.
On ne peut plus mal conçue et dirigée, l'entreprise tourne à la pantalonnade.
Napoleon Bonaparte en éprouve, pour son baptême du feu, une profonde humiliation.
L'enquête en responsabilité diligentée par Paris soulève d'accablants soupçons de double jeu de Paoli.
On lui reproche de n'avoir pas fourni tous les moyens nécessaires et surtout la douteuse conduite de l’opération.
Ses anciens amis, tels Arena et Salicetti, se font ses plus ardents procureurs.
Lucien Bonaparte ourdit alors contre lui un complot qui échoue et qui provoque le bannissement de Corse de toute la famille Bonaparte.
Paoli s'indigne sans convaincre de la mise en cause de sa loyauté.
Quelques jours après la calamiteuse expédition de la Maddalena, Napoleon Bonaparte a une entrevue houleuse au couvent de Morosaglia avec Paoli.
Paoli lui confie ses doutes sur l’alliance avec la France révolutionnaire de Robespierre.
Déjà l'insurrection du 10 août 1792 des sans-culottes parisiens qui prennent d’assaut le palais des Tuileries où demeure le roi, puis les massacres dans les prisons de la capitale de nombreux prisonniers royalistes, le bannissement des prêtres réfractaires, la suppression des ordres enseignants et hospitaliers, vont alerter Paoli pour le danger de ce nouveau régime.
Puis le lundi 21 janvier 1793, l'exécution de Louis XVI, en application de la condamnation à mort de l'ancien roi de France prononcée par les députés de la Convention nationale à l'issue de son procès et le régime de Terreur qui durera jusqu’à la mort des principaux députés Montagnards dont Robespierre finira de le persuader de demander la protection du roi d’Angleterre.
Pour Napoleon Bonaparte, Pasquale Paoli foule aux pieds ses serments de fidélité à la France.
La rupture des deux hommes est désormais consommée.
L'enquête sur l'affaire de la Maddalena conclut finalement à la culpabilité de Paoli.
L'historien Renucci dévoilera plus tard la consigne secrète donnée par Paoli à Colonna Cesari :
« Souviens-toi, Cesari, que la Sardaigne est l'alliée naturelle de notre île, qu'elle nous a toujours secourus en vivres et en munitions. Le roi du Piémont (dont relève la Sardaigne) a toujours été l'ami des Corses et de leur cause. Fais donc en sorte que cette expédition s'en aille en fumée ».
Et Cesari en personne confirmera l'affirmation de Renucci pour se justifier.
Un décret de la Convention du 17 juillet déclare Paoli « hors la loi et traitre à la patrie ».
Napoleon Bonaparte tente malgré tout de le défendre en invoquant des circonstances atténuantes.
Rien n'y fait.
Paris ordonne la mise en arrestation du félon et de son influent conseiller Pozzo di Borgo.
Le royaume de Corse ou Royaume anglo-corse durera du 15 juin 1794 au 19 octobre 1796.
Augustin Chiodetti.
Source : Lieutenant E.-J. PEYROU. Expédition de Sardaigne.
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