Site archéologique, à la presqu'île de Duingt, le "Roselet". On peut y voir un ensemble d'anciens pilotis d'habitations de l'âge du bronze, appelées "lacustres". A l'époque, le niveau du lac se trouvait quelques mètres au-dessus de son niveau actuel.• Crédits : Xavier DESMIER /Gamma-Rapho - Getty

Site archéologique, à la presqu'île de Duingt, le "Roselet". On peut y voir un ensemble d'anciens pilotis d'habitations de l'âge du bronze, appelées "lacustres". A l'époque, le niveau du lac se trouvait quelques mètres au-dessus de son niveau actuel.• Crédits : Xavier DESMIER /Gamma-Rapho - Getty

Comment les nationalismes puisent dans les civilisations perdues ou inventées pour se construire ?

LES PHÉNICIENS.

 

Les civilisations perdues sont parfois des civilisations inventées.

Retour sur cette fabrication mythique, qui fait souvent écho aux aspirations contemporaines et aux besoins contemporains.

 

Dans un petit magasin d’antiquités, qui était en réalité un véritable bric à brac, on peut trouver une série de vieilles photographies encadrées : des portraits d’hommes et de femmes du siècle dernier, des portraits de familles, en noir et blanc, des messieurs au regard sévère et des femmes qui prennent la pose.

Le vendeur avait cru malin - et ça l’était - de placer un écriteau à côté de photographies:

« Si vos ancêtres ne sont pas beaux, achetez en de nouveaux ! »

Il aurait pu ajouter :

« Si vous n’avez pas de photos de vos ancêtres, vous pouvez en acheter ! » 

Se chercher des ancêtres honorables et un passé prestigieux, c’est ce qu’ont fait les nationalismes pour se construire, car les civilisations perdues sont parfois des civilisations qui ont été inventées pour répondre aux aspirations contemporaines !

Il n’y a jamais eu de nation phénicienne.

Mais vu de l’extérieur, pour les grecs, tous ces petits royaumes de la cote « d’en face », de l’autre côté de la mer Egée, c’étaient les phéniciens.

Mais eux même s’appelaient selon le nom de leurs royaumes d’origine.

Mais en réalité quand on regarde de près les pratiques diplomatiques, les réseaux commerciaux etc. on s’aperçoit qu’il est difficile de trouver des éléments probants quant à l’existence d’une sorte d’affiliation commune.

Il est donc très difficile de postuler d’une culture commune et donc d’une identité commune. 

 

C’est un avis partagé dans la discipline par les spécialistes du monde phénicien et punique que la notion de phénicien est une notion conventionnelle.

La déconstruction que produit Joséphine Quinn est particulièrement éloquente.

Le problème qui se pose à nous est : par quoi remplacer la notion de phénicien ?

Dès lors qu’elle nous apparait comme excessivement conventionnelle et finalement plus suffisamment utile pour reconstituer le tableau de ce qui s’est passé dans cette région, il faut encore une fois inventer quelque chose d’autre.

Depuis quelques années on utilise beaucoup cette notion de « levant » qui présente l’avantage de regrouper un territoire plus vaste qui présente des traits culturels communs.

On peut donc produire en utilisant cette expression un tableau plus fluide qui n’est pas contraint par les frontières nationales. 

Corinne Bonnet,professeure d'histoire grecque à l'Université de Toulouse, auteure de la préface d’A la recherche des Phénicien, écrit par Josephine Crawley Quinn, aux éditions La Découverte, 2019.

Source : France culture par  Xavier Mauduit.

 

Retour à l'accueil