Tableau de Louis Duveau (1818-1867), « La Peste d’Elliant », 1849, huile sur toile, 154 x 267 cm, transfert de propriété de l’État au musée des beaux-arts de Quimper en 2013. (© Musée des Beaux-Arts de Quimper)

Tableau de Louis Duveau (1818-1867), « La Peste d’Elliant », 1849, huile sur toile, 154 x 267 cm, transfert de propriété de l’État au musée des beaux-arts de Quimper en 2013. (© Musée des Beaux-Arts de Quimper)

CORSE : REMARQUES SUR LES EPIDEMIES  AU COURS DES SIECLES.

 

INTRODUCTION: 
La Corse a été relativement peu touchée par les grandes pandémies antiques, médiévales et d’« Ancien régime » :

« peste antonine» au IIIe et IVe siècle de notre ère, « peste justinienne » du VIe au VIIe siècle et même peste noire en 1348-1352 , grandes pestes du XVIIe siècle.

C’est probablement particulièrement vrai pour le Celavu qui était une zone de faible peuplement.

 

AUX ORIGINES:


A l’arrivée de Rome la population de la Corse pourrait avoir été voisine de 30000 habitants.

En quatre à cinq siècles de « paix romaine », associée à des conditions climatiques favorables, ce chiffre aurait pu presque doubler passant à 50000 habitants, soit un rythme de croissance spectaculaire, de loin plus important qu’à aucun moment de la protohistoire de l’île. 

Un ordre de grandeur de la population du Celavu au premier millénaire de notre ère pourrait être de 500 personnes.

L’Empire romain a été affecté par de grandes épidémies comme la « peste antonine » (probablement une épidémie de variole) d’environ 165 à 180, avec une reprise vers 250-270, et surtout par les atteintes répétées de la peste bubonique (la « peste justinienne ») à partir de 541 qui pourraient avoir cassé la croissance démographique au VIe siècle, si croissance il y avait.

Pendant le règne de Marc Aurèle, l’Empire Romain fut en proie à une épidémie redoutable et prolongée que l’on nomme la ‘‘ peste antonine ’’

Elle commença à la fin de l’année 165 ou au début de 166, en Mésopotamie, pendant la campagne parthique de Vérus et gagna Rome en moins d’un an.

L’épidémie dura au moins jusqu’à la mort de Marc-Aurèle en 180 et sans doute pendant la première partie du règne de Commode.

Elle fit d’innombrables victimes.

Galien avait une connaissance de première main de la peste antonine.

Il était à Rome lorsque l’épidémie commença en 166. Il était également présent pendant l’hiver de 168-169, auprès des troupes stationnées à Aquilée et qui étaient touchées par l’épidémie.

Il avait une considérable expérience de la maladie.

Les notes de Galien sont éparses et brèves, souvent sommaires, mais elles évoquent très fortement le diagnostic de variole.

La description qu’il donne de l’exanthème est typique de la variole, particulièrement à la phase hémorragique de la maladie.

Fièvre

Des visions catastrophistes courantes il y a quelques décennies mettaient en avant des chutes de 20 % à 30 % de la population pour l’ensemble de l’Empire.

Les effets démographiques de ces pandémies sont très discutés aujourd’hui et les recherches récentes réduisent considérablement ces effets.

Des régions entières comme l’Africa n’ont pas été touchées par la peste antonine.

Aucune source ne permet de dire dans quelle mesure la Corse fut concernée.

Le caractère dispersé de la population, en l’absence de villes importantes, la probable rareté des implantations pourraient avoir limité la propagation de ces pandémies, à supposer qu’elles soient arrivées jusqu’en Corse, dans un contexte de faible intensité des liens maritimes avec le monde méditerranéen oriental, le plus touché.


Pas plus de 10 % de cette population de la Corse aurait vécu dans les villes c’est-à-dire rien de plus que les deux belles cités romaines côtières : Aleria et Mariana, ne réunissant pas plus de 5000 personnes à elles deux […]

C’est dire que le gros de la population de l’île vivait à l’intérieur de l’île. 

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AU MOYEN AGE:


Le chiffre de la population de l’ensemble de l’Empire romain a connu de spectaculaires reculs du IIIe au XIe siècle, sans doute à cause d’une suite de chocs épidémiques, dont le plus grave fut la « peste justinienne » qui a sévi dans tout le monde méditerranéen pendant la deuxième moitié du VIe siècle mais a connu des retours de flamme pendant un total de deux siècles (environ 550 à 750).

La Peste Justinienne est la première pandémie de Peste. 

Elle résulte en réalité de l'addition d'une quinzaine d'épidémies qui sévissaient dans tout le bassin méditerranéen du VIe au VIIIe siècle.

 

  • la peste bubonique : apparition de bubons résultant d'une inflamation et d'une infection des ganglions lymphatiques au niveau de l'aine, du cou et des aisselles. La transmission se fait uniquement par la morsure d'une puce.
  • la peste pulmonaire : problèmes respiratoires, expectorations visqueuses et sanglantes. La transmission se fait par voie respiratoire, c'est la forme de peste la plus contagieuse.
  • la peste septicémique : forme particulière de la maladie, l'organisme est entièrement envahi par le bacille. Cela provoque des hémorragies diffuses et des problèmes neurologiques comme le délire ou la peur.

La peste a frappé de façon très inégale selon les zones et les régions montagneuses reculées semblent avoir été peu touchées parce que peu « colonisées » par le rat noir (différent du rat brun d’aujourd’hui), dont les puces sont le vecteur de la peste.

Dans ce contexte on peut penser que la Corse a peu été touchée mais aucune donnée archéologique ne permet de le confirmer.

Les vestiges des tombes mérovingiennes (deux ont été identifiées à Carbuccia) ne permettent aucune analyse biologique des ossements car, dans les sols acides de la Corse, ceux-ci ont presque totalement disparu.

Ailleurs l’analyse des ossements a parfois permis de déterminer de quels microbes (éventuels) les décédés étaient morts

La croissance démographique carolingienne (IXe-Xe siècle), relativement bien documentée pour l’Italie et le reste de l’Europe, a pu seulement permettre de récupérer le terrain perdu. 


Donc au milieu du XIe siècle la population de la Corse pourrait n’avoir été que de 60000 habitants environ, à peine plus qu’à la fin de l’Empire, en presque totalité des ruraux car il n’y avait plus de villes.

C’est le Moyen Âge qui a renoué avec la croissance rapide jusqu’aux nouveaux chocs épidémiques du milieu du XIVe siècle dont l’île ne se remettra complètement qu’au début du XVIe siècle.

En trois siècles, de 1050 à 1350, la population de la Corse serait passée de 60000 à 110000/120000 habitants soit un rythme de croissance supérieur à celui de l’époque romaine :

- un quasi doublement en trois siècles.

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On s'en remettait donc à la Vierge Marie, St Roch ou St Jean au moyen de processions religieuses, d'offrandes et de prières comme celle-ci :

"...Maria, mater gratie
Ecarte cette peste Epidemie. ...
O Sire saint Sébastien, ...
Que cesse la pestilence
Qui de lieu en heu recommence."

DE LA FIN DU MOYEN AGE A L'EPOQUE MODERNE:


Cette croissance générale a sans doute affecté le Celavu qui entre les derniers siècles du premier millénaire et le milieu du XIVe siècle a pu passer de 500 à 1000 habitants environ, sur la base de la supposition d’une dynamique de croissance semblable à celle de régions comparables. 

La Peste noire du milieu du XIVe siècle a porté un coup sévère à la croissance de la population européenne et marque peut-être le début de l’ère « moderne » du point de vue démographique, mais on ne sait pas vraiment quels furent ses effets en Corse.

Elle n’est même pas mentionnée par le chroniqueur Giovanni della Grossa.

 La Peste Noire est présente pendant le XIIIe et le XIVe siècle, et marque la fin du Moyen-Age.

Pour l’Italie on dispose de solides estimations non seulement des effets des épidémies de peste mais aussi d’un ralentissement assez brusque de la croissance démographique qui semble s’être installé dès la fin du XIIIe siècle.

Entre ralentissement et choc pandémique on donne pour l’Italie des chutes de population de 50 % à 80 % pour des périodes de un à deux siècles.

De tels coefficients ne sont pas vraisemblables pour la Corse, sans villes et de population beaucoup plus dispersée.


Toutefois l’île semble avoir subi de plein fouet certaines des poussées suivantes de peste, en particulier dans les années 1370 et ensuite vers 1400.

Il est difficile d’en mesurer l’incidence mais elle a pu être relativement importante dans un contexte de fléchissement démographique général depuis la fin du XIIIe siècle.

Ce n’est qu’à partir du milieu du XVe siècle que la croissance a repris, comme l’a montré Antoine Franzini, et qu’en un siècle le chiffre de 1350 a pu être retrouvé.

C’est seulement à partir du XVIe siècle que les accès de peste, même très violents comme à Bonifacio en 1528, Calvi en 1529 et 1530 furent plus localisés et surtout moins rapprochés. 

L’absence de « distance sociale » (comme on dit aujourd’hui, très mauvaise expression) c’est-à-dire un relatif entassement de la population était un facteur essentiel de la diffusion de la peste, non pas comme aujourd’hui par transmission virale par les voies aériennes supérieures mais parce que le réseau dense des villages et la proximité des habitations favorisait la prolifération des rats.

A la sortie du Moyen Âge vers 1500 la Corse avait environ 110000 à 120000 habitants.

18,6 % de la superficie de l’île situés au-dessus de 1000 mètres était sans habitats permanents et 7,5 % entre 800 et 1000 mètres était très peu peuplé.

Par ailleurs les 18,2 % de la superficie situés à moins de 100 mètres était déjà largement dépeuplé car le développement (attesté) des activités à proximité des mouillages était bien insuffisant pour contrer la tendance lourde à l’abandon des sites côtiers (la totalité des 1572 kilomètres carrés de l’île qui sont situés à moins de 100 mètres sont côtiers).

Ce sont donc 44,3 % de la superficie de l’île qui était vide ou presque vide.

C’est donc sur 55,7 % de la superficie totale, soit 4900 km² qu’habitaient presque tous les 120000 Corses de la fin du Moyen Âge, soit 24,5 habitants par kilomètre carré.

En 1990 sur ces mêmes 4900 km² vivaient 46,5 % de la population, soit 116000 personnes, soit une densité de 23,7 habitants par kilomètre carré .

C’est dire que la Corse du XVIe siècle vivait avec à peu près la même densité humaine que celle des villages dans la Corse de 1990, hors zones de moins de 100 mètres (plus de la moitié de la population en 1990) et hors haute montagne.

Les faibles densités qui avaient probablement protégé la Corse des grandes épidémies antiques étaient désormais situation révolue.

Et pourtant malgré cette densité relativement élevée de la Corse du XVIe siècle la peste semble avoir beaucoup moins frappé les régions rurales reculées que les villes 

S’agissant de la piève du Celavu (ou Carceri) les 25 lieux habités au début du XVIe siècle auraient réuni un millier d’habitants.

Selon la description des pièves de la Corse de Mgr Giustiniani certains de ces lieux habités du Celavu (au sens large) s’appelaient Cortiggiato, Cottoli, li Peri, Tavaco, Vero, Carbuggia, Aogiani, dans lesquels il n’est pas difficile de repérer des noms actuels (en ne perdant pas de vue d’ailleurs que ce sont des noms écrits par un Génois en italien, dont la ressemblance avec l’original parlé en langue corse n’est pas évidente).

Venu semble-t-il de Chine, où elle s'est propagée dès 1331, la peste a suivi les routes commerciales terrestre et maritimes. Vers 1346, elle est sur les rives de la mer Noire. Du comptoir génois de Caffa, des navires l'emportent à Constantinople et de là en Grèce, dans le Croissant fertile, en Egypte et, parallèlement, à Marseille, qui est touchée fin 1347. Entre 1348 et 1352, c'est toute l'Europe qui est atteinte. Seules quelques vallées montagnardes sont épargnées et, provisoirement, une partie de la Hongrie et de l'actuelle Belgique. Ci-dessous : Gênes sur un portulan du XIVème siècle. En 1347, ce port a refoulé les galères venues de Caffa et porteuses de la peste - et c'est Marseille qui, les accueillant, a permis la diffusion de la pandémie.

Venu semble-t-il de Chine, où elle s'est propagée dès 1331, la peste a suivi les routes commerciales terrestre et maritimes. Vers 1346, elle est sur les rives de la mer Noire. Du comptoir génois de Caffa, des navires l'emportent à Constantinople et de là en Grèce, dans le Croissant fertile, en Egypte et, parallèlement, à Marseille, qui est touchée fin 1347. Entre 1348 et 1352, c'est toute l'Europe qui est atteinte. Seules quelques vallées montagnardes sont épargnées et, provisoirement, une partie de la Hongrie et de l'actuelle Belgique. Ci-dessous : Gênes sur un portulan du XIVème siècle. En 1347, ce port a refoulé les galères venues de Caffa et porteuses de la peste - et c'est Marseille qui, les accueillant, a permis la diffusion de la pandémie.

LES EPOQUES PLUS CONTEMPORAINES:

Parmi les premières une maladie endémique, la malaria, frappait en Corse quelques zones côtières impaludées.

Cette maladie était très meurtrière.

Encore aujourd’hui elle tue annuellement sur la planète un à trois millions de personnes, surtout des enfants.

Le Celavu n’était pas concerné mais il est intéressant de dégager certains traits de cette maladie chronique y compris pour aider à la réflexion sur la crise actuelle du Covid 19.

La maladie était très localisée et dépendait étroitement à la fois de l’habitat naturel du moustique et de la saison.

Il en résultait qu’on pouvait sans danger vivre et travailler dans les régions à risque hors saison de prolifération des moustiques.

On sait que parmi les grandes incertitudes relatives au Covid 19 celles liées à sa saisonnalité et celles relatives aux clusters et aux différences de morbidité entre des endroits même proches sont considérables.  


L’aspect social des effets de la malaria était très important (comme sans doute pour le Covid 19) : les membres des couches supérieures de la société préféraient les hauteurs pourtant très proches des zones impaludées, alors que les membres des couches laborieuses ne pouvaient pas tous se réfugier sur les hauteurs à la saison chaude (qui est aussi celle des récoltes donc du travail nécessaire en plaine).

Ce sont ces travailleurs qui ont contracté en priorité le paludisme, grave facteur de morbidité et de décès précoce. 


Le paludisme était présent dans la basse vallée commune de la Gravona et du Prunelli fréquentée par les bergers transhumants de la haute vallée.

 

Hormis cette situation structurelle, cause de morbidité chronique, des crises sanitaires conjoncturelles ont gravement affecté la population corse en particulier au XVIIe siècle. 


La variole était une grande maladie épidémique du bassin méditerranéen dès l’Antiquité.

Ses variétés mortelles semblent avoir connu une forte expansion, à la suite d’une mutation d’un des virus responsables au début du XVIIe siècle.

Aujourd’hui éradiquée elle avait fait des millions de morts, surtout des enfants, mais les sources corses ne documentent guère ses attaques. 


Les effets de la peste sont mieux documentés à proximité de la Corse.

 

Après une certaine accalmie au début du XVIe siècle la peste recommença à frapper durement.

 

La Sardaigne fut gravement touchée en 1575-1580, puis entre 1652 et 1657 :

- plus de la moitié de la population aurait péri dans les grandes villes et presque le tiers dans les centres mineurs.

En 1656 et 1657 Gênes aurait perdu plus de la moitié de sa population.

La peste a durement frappé l’appareil productif, les ateliers et chantiers se sont dépeuplés, le produit de l’impôt s’est effondré ainsi que celui des droits de douane et le troisième quart du siècle fut difficile pour la Sérénissime. 


En Corse la peste s’est manifestée de façon assez forte dans le dernier quart du XVe siècle, en particulier en Balagne.

Par la suite le choc de la peste fut terrible à Bonifacio en 1528.

L’épidémie venue de Rapallo sur la côte ligure aurait selon certaines sources éliminé les cinq sixièmes de la population, proportion sans doute exagérée.

A Calvi en 1529 et 1530, une moitié ou peut-être les deux tiers de la population aurait péri.

Et Bonifacio fut à nouveau touchée en 1588 puis en 1658. 


Mais la Corse était relativement protégée par son insularité même

. L’essentiel de la lutte contre la peste consista en une vigilance organisée contre l’arrivée de marins et de navires contaminés.

Sur le modèle de Gênes un Uffizio di sanità fut institué (à Bastia), des commissaires furent nommés chargés de mettre en échec les possibles débarquements clandestins sur les côtes corses de personnes susceptibles de porter la maladie.

Des patrouilles de surveillance furent organisées.

En période d’épidémie la Corse était coupée du continent, l’entrée ou la sortie des navires interdite dans tous les ports.

En cas d’interception de navires suspects la marchandise était saisie et brûlée et parfois le navire lui-même.

Si la peste était présente en ville des quartiers entiers pouvaient être mis en quarantaine, parfois les maisons suspectes détruites par le feu.

Grâce à ces mesures la peste fut assez peu présente en Corse après 1530 et n’eut que peu d’effets démographiques.

En somme le procédé de lutte contre la transmission épidémique était le même qu’aujourd’hui :

- isoler et confiner.

On retrouve avec curiosité des épisodes de confinement forcé ou parfois spontané comparables à ce que nous devons pratiquer aujourd’hui (non documentés en Corse).

 

Faut-il en déduire qu’au fond l’humanité n’a guère progressé depuis le XVIe siècle et que la science est aussi impuissante dans la lutte contre les pandémies.  


Certainement pas.

La science (la biologie, la chimie organique, la physiologie, l’écologie animale et dans leur prolongement l’expérience acquise par la médecine) ont identifié les facteurs pathogènes, virus et bactéries, et le mode de transmission.

La bataille contre les pandémies ne se fait plus « à l’aveugle ».

 

Elle a ainsi établi que les conditions de la transmission sont différentes selon les maladies. 


Comme la rage, comme la malaria, la peste supposait un vecteur animal, le rat ainsi que d’autres rongeurs.

Si la promiscuité était un facteur de diffusion épidémique bien plus intense dans les villes que dans les campagnes c’est parce que la promiscuité humaine était associée à celle des animaux se nourrissant de déchets de l’activité humaine.

Ensuite la peste pouvait se transmettre par voie interhumaine mais de façon beaucoup plus limitée.

C’est ainsi que grâce aux progrès de la science pasteurienne mais aussi ceux de l’hygiène, sans doute aussi grâce aux variations des souches bacillaires la peste n’existe plus qu’à l’état résiduel.

Sa dernière manifestation en Europe occidentale a été signalée ...à Ajaccio en 1945 (une quinzaine de cas dont 10 mortels).


Les facteurs de virulence des autres grands responsables des pandémies sont bien différents et chaque époque a eu ses propres agents à combattre.


La grande suite de pandémies du XIX siècle en Europe occidentale et méditerranéenne est celle du choléra dans un contexte de disparition de la peste.

 

On ignore ses effets en Corse.


Les pandémies virales du début du XXIe siècle ont failli arriver jusqu en Corse.

Comme le souligne Frédérique Audoin-Rouzeau grande historienne des pandémies (autrement connue comme Fred Vargas, auteur de brillants romans policiers) c’est miracle que nous ayons échappé à Ebola, aux diverses grippes aviaires.

Les virus existent par millions à l’état naturel dans les espèces animales, des mammifères supérieurs (y compris l’homme) aux insectes.

L’immense majorité n’est pas pathogène.

Mais deux phénomènes font dérailler la nature :

- les mutations virales et le franchissement de la barrière d’espèce, c’est-à-dire le fait pour certains virus, habituels habitants de telle ou telle espèce animale, de tout d’un coup se trouver bien dans les corps humains et d’y prospérer aussi longtemps qu’ils peuvent trouver le moyen d’ y entrer.

La possibilité de cerner les effets démographiques en Corse de la peste est assez limitée.

Les registres de décès tenus par les curés seraient la principale source.

Mais là où les archives sont de loin les plus riches, à Bonifacio (petite ville d’environ 2000 habitants au XVIIe siècle) les premiers registres ne datent que de la fin du XVIIe siècle.

Ensuite au XVIIIe siècle la peste a disparu en Europe occidentale méditerranéenne y compris en Corse.

La dernière grande peste a été celle de Marseille en 1720 qui occasionna la mort de la moitié de la population de la ville et une proportion notable de celle du reste de la Provence.

Elle ne semble pas avoir touché les ports de Corse.

La remarquable étude de Bonifacio à l’époque moderne écrite par le regretté Antoine-Laurent Serpentini ne concerne que le XVIIIe siècle (pour l’aspect démographique).

Le Celavu n’a probablement pas été gravement touché par les pestes du XVIIe siècle.

Mais les sources manquent pour en faire la démonstration.

On suppose seulement qu’en Corse les campagnes, et donc le Celavu, ont beaucoup moins souffert que les villes .

REMARQUES FINALES:

Le Covid 19 est une pandémie virale.

On a la malchance que la souche virale, au milieu d’une multitude d’autres Corona virus, se soit révélée à la fois très transmissible c’est-à-dire contagieuse, et très mortifère avec une particulière dangerosité pour les personnes fragiles, au premier rang desquelles les personnes âgées.

La Corse est particulièrement menacée car âgée, et en Corse les villages de l’intérieur sont souvent plus âgés encore que les villes.

D’où la nécessité particulièrement importante dans les villages du Celavu d’appliquer avec la plus grande rigueur les mesures barrière.


Mais dans cette malchance on a la chance que la transmission n’ait qu’un seul vecteur et une seule porte d’entrée dans l’organisme.

Le virus ne procède pas de piqûres animales, ne passe pas par le sang, ni par l’eau, ni par les plantes, ni par les milieux organiques souillés à la différence de beaucoup des grands vecteurs pathogènes des époques passées.

Et sa porte d’entrée dans l’organisme est unique :

- la bouche, le nez, les yeux ;

- pas la peau, les autres muqueuses, les plaies etc.

Si on bloque cette porte d’entrée on ne risque rien.

D’où l’importance de la non-proximité, du lavage des mains et de tout contact avec le visage des mains touchées par le virus.


L’expérience historique permet de mettre en évidence le fait que les mesures de protection sont efficaces.

Le ravage de Marseille en 1720 vient de graves négligences dans l’application des mesures barrière face au risque (l’entrée d’une cargaison d’étoffes infestées de puces).

L’expérience de la Corse au XVIIe siècle prouve a contrario que des mesures rigoureuses sont efficaces.

ANNEXES:


Note annexe sur l’importance du Celavu par rapport à la Corse dans son ensemble.


Le Celavu pourrait avoir eu environ 500 habitants, avec des hauts et des bas, du Ve siècle de notre ère au XIe siècle.

De nouveaux habitats se sont probablement créés au Moyen Âge sans doute sous la forme de petits points de fixation très peu peuplés.

En deux siècles le XIIe et le XIIIe la population pourrait avoir doublé.

Peste noire ou pas la population aurait atteint un millier d’habitants au début du XVIe siècle répartis en environ une vingtaine de lieux habités dont près d’une dizaine sur le territoire de l’actuel Bocognano et une demi douzaine sur celui de Ucciani.

Ces lieux habités de 50 à 100 personnes, soit une dizaine à une vingtaine de maisons, n’étaient pas exclusifs de fermes isolées.

A Carbuccia le premier noyau se serait établi aux abords du principal sentier muletier probablement sur le trajet dans le village de la D29 reliant Ucciani à Peri.

Sainte Anne était alors hors du centre.

La Rusticaccia était encore vide.


Par la suite la population du Celavu aurait augmenté assez fortement pendant la période génoise puisqu’au début du XVIIIe siècle la première source disponible (un inventaire des ressources des différentes pièves de l’île établi à la demande de l’administration génoise par l’abbé Francesco Maria Accinelli) attribue au Celavu une population de 2456 personnes, soit en deux siècles une multiplication environ par 2,5, sensiblement supérieure à celle de la Corse dans son ensemble.

 

L’encouragement à la « culture » de la châtaigne, qui semble avoir été particulièrement vif dans le Celavu, pourrait expliquer cette croissance forte qui s’est continuée pendant tout le XVIIIe siècle.


Près de la moitié de cette population aurait vécu dans la dizaine de lieux habités constituant la paroisse de « Bogognano », suivie par celle de « Occhiani » et celle de Tavera dont chacune aurait abrité un quart de la population de la piève. Carbuccia venait loin derrière avec 137 habitants, un peu moins que Veru et sensiblement plus que Tavacu.

Manifestement la population de cette piève, qui correspond à l’actuelle communauté des communes de la haute Gravona (récemment fusionnée avec celle du Prunelli), était une zone de moyen peuplement, bien qu’en croissance rapide, par rapport aux gros villages de « Cottoli » et « Cortiggiato ».


Le résultat de cette croissance au XVIIIe siècle se traduit dans les résultats du recensement de 1801.

En moins d’un siècle la population des 5 communes du Celavu a augmenté de moitié et s’élève à 3614 habitants dont la moitié vivent au plus haut de la vallée, à Bocognano, un sixième à Tavera encore en haute vallée, un cinquième à Ucciani.

Carbuccia n’a que 270 habitants et Tavaco beaucoup moins encore.

Cet échelonnement se retrouve encore en 1936 quand le Celavu est au maximum de sa population bien que la haute vallée ait commencé un déclin relatif :

- le chiffre de la population de Bocognano a commencé à décliner à partir de 1851 et il est aujourd’hui égal à celui de Carbuccia.

Le chiffre de Carbuccia, après avoir longuement décliné depuis 1901 mais surtout à partir de 1954, est tombé à moins de 200 dans les années 1980.

Il a aujourd’hui plus que doublé.

Celui de Tavaco a plus que quadruplé depuis le lendemain de la Deuxième guerre mondiale.


Le Celavu (les 5 communes de la communauté des communes de la haute Gravona, avant la réunion avec le Prunelli) avait en 2017 une population légale de 2270 habitants soit environ 0,7 % de la population totale de la Corse à cette date, soit environ la même proportion que vers 1500.

Il faut rendre compte de cette permanence.

Si le Celavu a subi durement le dépeuplement de l’intérieur celui-ci est survenu sur la base d’une croissance exceptionnellement forte au XVIIIe siècle se prolongeant pendant la plus grande partie du XIXe siècle.

Par ailleurs le gonflement de la population de la partie basse de la zone a compensé la dévitalisation de sa partie haute.

Ces deux raisons expliquent que le «poids » de la haute vallée dans l’ensemble corse soit aujourd’hui sensiblement le même qu’au XVIe...

PIERRE SALY GIOCANTI.

Originaire de Carbuccia.

Remarques tirées de son ouvrage à paraître sur l'HISTOIRE DE LA CORSE, avec quelques considerations particulieres sur le Celavu.

Article proposé par Spaziu Celavesu

Source : Académie Nationale de Médecine. tpe104-statistiques.

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