JOSEPH CONRAD SUR LES TRACES DE DOMINIQUE CERVONI.

JOSEPH CONRAD SUR LES TRACES DE DOMINIQUE CERVONI.

Le 3 février 1921, c'est un Joseph Conrad vieillissant, âgé de 63 ans, et fatigué qui embarque à Marseille sur "l'Iberia" à destination d'Ajaccio.

Le but de ce voyage est de faire aboutir un roman qu'il a commencé et qui raconte la vie de Napoléon 1er, mais en réalité il s'agit aussi d'un voyage souvenir, qui fait avancer le vieil écrivain, au sommet de sa gloire, sur les traces de Dominique Cervoni, marin capcorsin de Luri, avec lequel il avait navigué lorsqu'il était jeune mousse. 


A Ajaccio, Joseph et Jessie Conrad logeront au Grand Hôtel Continental.

Joseph Conrad se rendra plusieurs fois dans la maison de Napoléon afin de s'imprégner des lieux et de trouver des éléments pour son livre. 


Puis ils traverseront l'île en passant par Corte et arriveront à Bastia où ils s'installeront  à l'hôtel Cyrnos, place Saint-Nicolas. 

Joseph Conrad envisage de poursuivre son voyage jusqu'à l'île d'Elbe qu'il aperçoit au large de Bastia. 


Joseph Conrad peine à écrire son livre sur Napoléon, l'image de Dominique Cervoni, son ami le marin capcorsin, s'imposant à celle de l'empereur.  



La vie de Joseph Conrad, jeune homme de la bonne société devenu marin puis écrivain.


Joseph Conrad, né en 1857, et issu d'une famille de la noblesse polonaise est orphelin à l'âge de 11 ans.

Il arrive à Marseille en 1874 à 17 ans pour apprendre le métier de marin.

Marseille est un avant-port du monde qui brasse une population de toutes origines ou nationalités et notamment des corses.

Joseph Conrad va participer à plusieurs embarquements.

Il navigue d'abord sur "Le Mont-Blanc" un trois mâts barque, en direction des Antilles.

Puis le 8 juillet 1876, il partira vers l'Amérique du Sud sur le "Saint-Antoine", Dominique Cervoni fait partie de l'équipage. 


Un peu plus tard, Joseph Conrad achètera une balancelle, le "Trémolino", il embarquera avec Dominique Cervoni sur ce bateau et feront de la contrebande.

Mais dénoncés, ils seront poursuivis par un bâtiment des douanes et devront saborder leur embarcation.

Plus tard, établi comme écrivain, Joseph Conrad racontera ces épisodes de sa vie dans "Le miroir de la mer" et "La flèche d'or". 


Joseph Conrad et Dominique Cervoni reviendront à Marseille dans le quartier du Panier.

Mais Joseph Conrad est en situation irrégulière et ne trouvera pas de nouvel embarquement.

Dans les mois qui suivront ce retour, il s'emploiera à brûler sa vie.

Dominique Cervoni est reparti voguer sans lui à l'autre bout du monde.

Joseph Conrad qui ne peut travailler sur un bâtiment français songe alors à rallier la marine marchande britannique.

Il finit par embarquer et jamais plus il ne reverra Dominique Cervoni, son ami le marin de Luri.

Il prendra la nationalité britannique et naviguera sur des navires anglais. 


Il commence à écrire, en anglais, alors qu'il est encore marin.

Sa première oeuvre "La folie Almayer" paraît en 1895.

Il reste marin jusqu'à son mariage en 1896.

A partir de cette date, il se consacre à l'écriture. 


Après ce voyage de plusieurs semaines en Corse, en 1921,  Joseph Conrad rentrera avec Jessie en Angleterre, dans leur maison du Kent.

Il écrira alors "Le frère de la côte", c'est son ultime roman.

Il mourra trois ans plus tard, en 1924, en laissant inachevé son roman napoléonien "L'attente".

 
 
Odile AURACARIA.
 
Source : Corse Net Infos.
 

 

Maison de Dominique André Cervoni. Photo : Âme Nomade.

Maison de Dominique André Cervoni. Photo : Âme Nomade.

LE TREMOLINO.
 
Le dernier texte de ce recueil parfait, intitulé "Le Tremolino", raconte les débuts du jeune Conrad, en Méditerranée.
 
Vers 1875,  il fréquente à Marseille un groupe de pieds nickelés :
Un américain "catholique et gentilhomme", un londonien myope "ses longs pieds précédant son corps d'un quart d'heure, son nez blanc et sa moustache rousse plongés dans un livre ouvert, car il avait l'habitude de lire en marchant", un scandinave "descendant de pirates normands", trafiquants d'armes au profit des carlistes (monarchistes espagnols comploteurs) actifs en Catalogne, près du golfe de Rosas.
 
Leur égérie, la belle et aguichante Doña Rita, entraine dans sa sarabande le jeune Joseph, qui fait alors ses premières armes de marin sur le Tremolino.
 
Tartane
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Cette tartane de 60 tonnes "était une véritable balancelle avec deux grands mats très bas et inclinés, et deux antennes courbées aussi longues l'une et l'autre que la coque : véritable enfant de la Mère latine avec le déploiement de deux énormes voiles qui ressemblaient à des ailes en pointes sur le corps svelte d'un oiseau de mer; et, comme un oiseau, en effet, elle rasait les mers plutôt qu'elle n'y flottait". 
 
La figure du capitaine, Dominic Cervoni, "méridional d'un type concentré" évoque un personnage des Tontons flingueurs.
 
"Moustache roulée au fer chaud chaque matin", ce padrone corse, "fertile en stratagèmes impies", est l'ennemi déclaré des "puissances de la terre que représentaient l'institution de la douane et chacun des mortels qui y appartenaient, scribes, officiers, garde-cotes, à flot ou à quai". 
 
Il a en charge, à la suite d'une obscure affaire de vendetta, son neveu, César, grand dadais disgracieux, paresseux et fourbe. 
 
Son oncle se charge de son éducation, à chaque incartade :
"On voyait le bras musclé de Dominic décrire avec calme un ample geste horizontal, une courbe très digne, et César s'abattre comme une quille..." . 
 
On se gardera de révéler au lecteur l'histoire du Tremolino et de sa cargaison.
 
"Un navire ne peut jamais être qu'innocent des pêchés, des écrits et des folies de son équipage".
 
On peut seulement dire que les personnages ont existé.
 
Dominic Cervoni commandait, en 1876, le Saint-Antoineenregistré à Marseille.
 
 Il a initié le jeune Conrad à l'art de la mer au cours de deux voyages aux Antilles, et l'écrivain s'en souviendra toujours.
 
A ce moment, la vie de Teodor Józef Konrad Korzeniowski h. Nałęcz, bascule : revers de fortune, tentative de suicide (plutôt que duel).
 
Ne pouvant avoir d'emploi en France, il devra quitter Marseille pour l'Angleterre, où il passera son brevet de capitaine, sillonnera les océans pour devenir l'un des plus grands auteurs de langue anglaise sous le nom de Joseph Conrad. 
 
Mais dans la truculence de ce récit perce à coup sûr l'accent marseillais avec lequel l'auteur n'a jamais cessé de parler le français !

"C'est un aussi bel art de savoir se conduire envers les hommes que de savoir se conduire envers les navires".


Joseph Conrad, Le miroir de la Mer, -"Le bel art"-

Source : ​​​​​​​DIACRITIQUES.

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