En Corse, les premiers castra voient le jour vers la fin de la première moitié du XIIsiècle dans le cadre de l’effondrement du pouvoir marquisal, lui-même lié au conflit pisano-génois pour la domination de l’île.

Ces premiers châteaux sont avant tout des outils de coercition, d’accaparement de l’autorité et du pouvoir banal.

Dans le courant de la première moitié du XIIIsiècle apparaissent les premiers réseaux structurés et cohérents;

ils permettent le contrôle de vastes territoires par des familles d’origine insu-

laire ou continentale organisées, le plus souvent, en consortium.

Pour au- tant, le château n’a que peu d’influence sur le peuplement, même si sa construction implique la création d’un territorium qui est à l’origine du découpage communal actuel.

Il n’engendre pas un remembrement massif et des transformations en profondeur. Les nouveaux finages qui en découlent ne font que se superposer à un découpage préexistant, lui même condition- né par un relief contraignant.

Plus que création, il y a affirmation et scelle- ment de ce territoire à partir du XIIIsiècle.

Toutefois, de vastes espaces restent à l’écart du phénomène.

Il s’agit des propriétés monastiques qui, à aucun moment, ne font l’objet de remembrement ou d’une quelconque réorganisation qui aurait facilité la gestion de ce patrimoine trop frag- menté.

L’affaiblissement du pouvoir politique des abbayes toscanes dans l’île dès le milieu du XIIsiècle et les rapineries des laïques entraînent des pertes importantes que les efforts des moines au XIIIsiècle n’arriveront pas à stopper.

La concentration de la population reste limitée, tant géographique- ment que quantitativement. Mais le castrum populatum n’en demeure pas moins une réalité que l’on ne peut ignorer ou négliger, tant en raison de sa force politique – plusieurs d’entre eux sont érigés en communes au XIIIou XIVsiècle – que par son rôle économique dans un milieu où la ville est ab- sente jusqu’au XVIsiècle.

Néanmoins, ces notions restent difficilement perceptibles dans nos sources.

Une étude régressive à partir de la documentation écrite du XVsiècle pourrait permettre de mieux cerner ce problème et celui de la disper- sion de la population des bourgs castraux au moment de leur abandon vers la fin des années 1350.

Ce mouvement de désertification touche la quasi- totalité des châteaux mais seulement une partie des habitats fortifiés.

Il nous semble résulter de la révolte anti-seigneuriale de 1357-1358, largement soutenue par le gouvernement génois de Simone Boccanegra, organisateur, dans les années suivantes, d’expéditions militaires, dont certaines conduites par son propre fils, pour raser les châteaux et soumettre la noblesse insulaire

Qu’il soit érigé à l’initiative d’une puissance étrangère (pisane ou génoise) ou d’une famille d’origine locale, ce castrum, petit édifice à l’aspect rudimentaire, revêt une fonction économique que nous connaissons encore très mal.

Outre des textes, c’est de l’analyse archéologique que viendront les informations relatives au système productif et commercial insulaire dans ses relations avec l’espace toscano-ligure.

Une étude typologique, quantita- tive et surtout comparative plus large de l’ensemble des vestiges, mobiliers et immobiliers, devrait permettre de mieux appréhender les réseaux de dis- tribution, la chronologie et l’intensité des échanges, mais aussi les muta- tions techniques qu’elles ont entraînées, leurs causes et leurs conséquences.

Daniel ISTRIA

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