DANIÈLE MAOUDJ, ORIGINAIRE DE ZONZA.

DANIÈLE MAOUDJ, ORIGINAIRE DE ZONZA.

«Mon pays bat la chamade de l’origine et du retour», écrit cette attachante et sympathique femme.

La Corse, chez Danièle Maoudj, sa Corse natale porte étrangement les stigmates de la mère Santoni de Zonza, alors que le sang kabyle coule immanquablement dans ses veines.

Femme des deux rives, Danièle Maoudj de père kabyle et de mère corse, a trouvé dans la poésie sa sève d’expression.

La vie et la mort, le granite mais aussi la force du caractère, la quête de l’identité et le soleil comme insigne d’espoir nourrissent les mots de cette poétesse.

Métisse insoumise comme un si Mhand u M’hand, Danièle Maoudj se veut tournée vers l’autre résolument méditerranéenne.

Rives en chamade est le premier recueil de poésie de cette femme universitaire, essayiste, enseignante à l’université de Corse qui fut également co-fondatrice du festival du film des cultures méditerranéennes de Bastia et organisatrice de rencontres littéraires à l’université de Corse.

 «Pleure tes deux continents,

La Corse et l’Algérie.

Ris de tes deux continents.

L’Algérie et la Corse.

Moque-toi de tes deux cibles.

Exige tes deux amours.

Je veux tout en double.

Deux fois autant.

Double.

Trouble du double?»


Aussi, dans Méditerranéenne je suis, Danièle écrit encore:

«Par ma silhouette et ma peau matinée.

Kabyle par les épices de mon regard.

Corse par les sonorités de la langue.

Kabyle-corse par la cuisine rouge.

Unie par l’arba barona et le cumunu.

Française par Villon et Louise Michel.

Fardées par toutes les intempéries.

Je suis femme.»

A la solitude et le «bleu de l’exil», du sentiment de vacuité succèdent le soleil, le miel des châtaignes et l’huile d’olive, pour chanter le faste de la vie.

Les souvenirs de Danièle sont souvent mêlés d’amertume, entre questionnement sur sa place au sein de la tribu et ses vagabondages d’un aéroport à un autre.

Impénitence mise à nu crépusculaire, Danièle se dévoile aussi bien sensuelle que frondeuse, amoureuse que rêveuse, malgré l’absence du père Arezki dont elle demande de pardonner les fautes des autres, elle qui continue à croire, espérer et rêver de la paix, «pourvu qu’on est la pirogue de l ‘imaginaire», dit-elle.

Riche de son métissage, Danièle écrit ici français et traduit quelques vers en corse, des mots d’amour et d’errements pour conjurer le chagrin et jouir de la liberté. Comme tout ces enfants qui grandissent dans une île, ils sont à la fois pétris de mélancolie et de silence, en perpétuel voyage en eux-mêmes vers les autres.

Une brisure vagabonde qui se déchaîne, palpitante, par les mots et regagne le récif de la solitude et des maux pour renaître inlassablement et résolument vivant entre ciel et terre. Car comme dirait René Char «un poète doit laisser des traces de son passage, non des preuves. Seules les traces font rêver».


 

 
 

L’INCESSANTE PALPITATION 
Allume le soir de ma Corse

Je veille sur la flamme des chandelles 
Qui vacillent à l’assaut de la solitude fiduciaire

L’incessante palpitation 
De ma Corse incendie

Le sang du lien 
Tissé à ma Kabylie 
Qui coule dans la rivière 
Aux confins du silence

J’entends les plaintes 
Effacés par le vent 
Retrouvés dans l’écume 
De nos cœurs exilés sur les 
Pages dispersées de l’Histoire

L’incessante palpitation 
Di à me Corsica-Amazigh

Parfum de nuit 
Amant de mes insomnies 
Ai-je besoin de te dire
Qu’au balcon de l’horizon

J’ai planté un soir de lune entière 
Un phare amoureux d’un sourire 
Enlaçant les chevilles de lumière
           
Danièle MAOUDJ

 
 

« …Et là, dans une prière païenne
Les pèlerins venus des quatre coins du maquis
Abritent leur crainte de vivre l’encerclement
Et j’entends le chant essoufflé des cloches
Qui transperce l’atmosphère inquiète d’un nouveau siège
Ruines de l’exil… »

 
 

Les improvisations chantées par deux femmes, sa mère et sa tante corses, mêlées aux contes racontés dans la langue de Villon par son père kabyle ont donné à Danièle Maoudj les mots de demain.

Bercée par la poésie de la Méditerranée, l'auteur a su porter des imaginaires venus de ses deux cultures orales interdites.

Aujourd'hui Danièle Maoudj libère ces voix venues de loin dans une langue d'amour et nous invite à entendre des mémoires inconsolées.

La poésie est venue à elle, une poésie à fleurs de mots et qui tend sa braise à tous les souffles de l'humain.

Une poésie dont la dignité émue pose la question essentielle de la fraternité au nom de toutes les confluences de la Méditerranée et de tous les ailleurs.

Quand la mer des civilisations se fait poète, il faut tendre l'oreille !

 

Source : benyaa.com

Article proposé par : Infos Santa Lucia/Zonza. D.P.

PHOTO : Danièle Maoudj lors du dernier festival du film amazigh à Tizi-Ouzou (Ph. X, service de presse).
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