LES CASTELLI, MARQUEURS DU PAYSAGE MÉDIÉVAL DE LA CORSE.

Conférence le dimanche 2 juin à 16h salle des fêtes de Levie.

LES CASTELLI, MARQUEURS DU PAYSAGE MÉDIÉVAL DE LA CORSE.

Dans l’imaginaire collectif, le Moyen Âge est immédiatement associé à l’image du château fort et à la figure du chevalier.

En Corse, on estime à environ 300 le nombre de fortifications liées à la période médiévale (XIIe-XVe siècle).

Comme ailleurs en Occident, les châteaux ont donc constitué de véritables marqueurs paysagers, au même titre que les églises romanes qui ont cependant laissé plus de traces dans les paysages actuels.

Les castelli ne subsistent en effet qu’à l’état de ruines et, dans la plupart des cas, seul l’œil exercé du spécialiste permet de les identifier.

Largement méconnus, ces castelli n’en demeurent pas moins les principaux témoins de 400 ans d’histoire faite de faides (vengeance privée opposant deux familles ennemies, deux clans, deux tribus,), de guerres et de révoltes mais également de relations commerciales, de transferts de techniques et d’échanges culturels.

Omniprésentes sur le territoire insulaire, ces anciennes forteresses seigneuriales continuent de donner aux paysages de l’île leur forme spécifique :

que serait le Lion de Roccapina sans les ruines du château du comte Polo della Rocca qui lui servent de couronne ?

Les sources écrites témoignent du rôle stratégique mais également symbolique joué par les châteaux.

Situés sur les principaux axes de communication, au cœur des zones de production, les fortifications permettaient de contrôler le territoire et d’imposer aux communautés paysannes le pouvoir militaire, judiciaire et fiscal de son propriétaire.

Accroché sur des pitons rocheux, visible de loin, le château matérialisait dans l’espace l’usurpation de la puissance publique par les nouveaux seigneurs.

Ce processus de fortification est décrit par le chroniqueur Giovanni della Grossa selon lequel aux alentours de l’an mil, après l’assassinat du comte Arrigo Bel Messer, la Corse se serait couverte de torre, de rocche et de castelli.

Cette rupture marquerait donc la fin du bon gouvernement des « comtes de Corse » et le début de l’anarchie féodale à l’origine de tous les maux de l’île, comme le résume la célèbre formule :

È morto Arrigo bel Messer et Corsica non avrai mai bene !

Le développement de l’archéologie dans l’île a permis de corriger ce récit et de proposer une nouvelle datation du phénomène castral qui ne serait pas antérieur au début du XIIe siècle.

Les fouilles programmées menées sur certains sites (Rostinu, Baricini, Litali, Sia) ont par ailleurs mis au jour un mobilier riche qui renseigne sur la vie quotidienne dans ces châteaux corses du Moyen Âge et sur leur intégration dans les réseaux d’échanges méditerranéens.

Très récemment, dans le cadre du projet Les Espaces de la Corse médiévale porté par l’UMR 6240 LISA et financé par la Collectivité de Corse (programme FEDER), une enquête systématique a été menée sur une soixantaine de sites mentionnés par Giovanni della Grossa, répartis sur l’ensemble du territoire insulaire.

Ces sites font état des évolutions successives qui ont structuré le phénomène castral dans l’île :

tour de contrôle, château résidentiel, ou encore fortification perchée de la fin du Moyen Âge.

Ce sont également autant d’exemples qui témoignent des techniques et des matériaux de construction qui ont été mis en œuvre pour leur édification sur des reliefs naturellement défensifs.

 

Avec cette étude, c’est donc un paysage castral mais également toute une histoire sociale du Moyen Âge qui se donnent à voir.


À la fin du Moyen Âge, les armoiries des derniers Cinarchesi attestent du rôle du castello dans la définition d’une identité seigneuriale.

Tous les seigneurs se faisaient représenter par leur château qui renvoyait à la fois au nom de leur lignage (Leca, Istria, Ornano, Bozzi, Rocca) et à celui du groupe familial des Cinarchesi (terme formé sur le nom de la forteresse de Cinarca et du héros légendaire de la Reconquista, Cinarco).

Cette identité profonde entre les châteaux et les seigneurs fut l’une des causes de leur disparition.

La démolition pierre après pierre du château de Cinarca fut ainsi orchestrée par l’Office de Saint-Georges au lendemain de sa victoire contre le dernier comte de Corse, Giampaolo di Leca.

Si cette démolition répondait à des motifs stratégiques – empêcher que la forteresse ne puisse servir de point d’appui à une nouvelle révolte – il s’agissait également d’effacer toute trace de ce qui avait constitué la capitale seigneuriale de l’île.

Dans le même temps, était édifiée la nouvelle ville d’Ajaccio (1492) destinée à devenir la capitale du « Delà-des- Monts » (ancienne Terra di Signori).

Ainsi était matérialisée dans le paysage, la victoire de Gênes contre les « tyrans » corses.

L’examen des cartes de l’île du début de l’époque moderne témoigne néanmoins que le souvenir de Cinarca survécut longtemps à cette destruction.

Vannina Marchi van Cauwelaert

Maître de conférences en histoire médiévale à l’Université de Corse Université de Corse - UMR 6240 LISA

Emilie Tomas

Archéologue médiéviste Responsable d’opération, ARKEMINE

Conférence le dimanche 2 juin à 16h salle des fêtes de Levie.

Avec Vannina Marchi van Cauwelaert & Emilie Tomas

« Les castelli, marqueurs du paysage médiéval de la Corse ».

organisée par l’association Livia Via

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