LE MARIAGE DE JULIA BELLINI.

LE MARIAGE DE JULIA BELLINI.

 

La vie aurait pu être douce dans la famille Bellini, si la pure tradition corse avait été respectée.

Lorsqu’une sœur aînée reste célibataire, elle est maîtresse dans sa maison, dont elle a le droit, sinon le devoir de diriger si la mère n’est plus.

Éblouies par leur soudaine richesse, devenues possessives par tant d’années de privation, les sœurs et surtout Barbarella se montrèrent odieuses envers leur belle-sœur.

 

Nullement soutenue par ses frères, Julia décida de quitter la maison.

Elle regretta sans doute les partis jusqu’alors dédaignés.

Elle regretta le riche Lucchesu aux bottes de cuir, mais tout cela était bien loin...

 

Quelques années auparavant, Julia avait été demandée en mariage, par le beau-frère d’une Carbucciaise, qui était sa meilleure amie.

Sachant que cet homme était toujours célibataire, elle lui fit savoir que, si ses intentions étaient restées les mêmes, elle était prête à devenir son épouse.

 

            Promptement, il fit sa demande et Julia déclara que cela allait à l’encontre de ses espérances.

Honnête et travailleur, il était d’excellente réputation et de surcroît, fort bien de sa personne.

Pourtant, cela ne pouvait suffire pour les frères Bellini.

Dans leur famille, aucune union ne pouvait être consentie, s’il ne s’agissait d’un homme bien pourvu en terres fertiles et possédant une maison aussi confortable que celle que la jeune fille s’apprêtait à quitter. 

 

            Un ancien fonctionnaire fut chargé de se rendre au village du prétendant, afin de répertorier ses biens et de faire un descriptif précis de la demeure, mais Julia l’attendait sur la route au moment du départ.

 

Que Xavier Armani ait des terres ou qu’il n’en ait point, l’enquête devait s’avérer positive.

Julia devait quitter Carbuccia où sa vie était devenue un véritable enfer. Ainsi manipulé, le vieil homme débita un chapelet de mensonges et Julia Bellini, de Carbuccia, épousa Xavier Armani, de Véro.

 

            Le jour du mariage, Xavier déposa un Louis d’or dans le plateau présenté par l’enfant de chœur. Les Carbucciais étaient médusés. Jamais une telle générosité ne s’était vue dans le pays. La jeune épousée jubilait.

 

            Son bonheur allait être de courte durée.

Tout d’abord, elle fut décontenancée en arrivant à la maisonnette qui allait lui servir de logis, ensuite en apprenant que le Louis d’or offert pour la cérémonie nuptiale, avait été emprunté par l’orgueilleux fiancé à l’un de ses cousins.

 

            À quelque temps de là, les femmes de Carbuccia, allèrent rendre visite à la nouvelle épousée.

Comme il était d’usage autrefois, elles se firent un plaisir de composer un « Vocéro » dont on se souvient encore aujourd’hui, et qui disait entre autres, que la belle Julia Bellini avait abandonné les chandeliers d’argent pour aller à Véro, s’éclairer avec du bois gras.

 

Texte de Monique Bellini. Rédigé par MBGC Editions

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