Levie – Capula, la fortification médiévale
Prospection thématique (2018)
Responsable d’opération : Émilie Tomas
Notice rédigée avec  Laetitia Dufour, Chantal de Peretti et Gildas Le Marchand

Bénéficiant d’une protection au titre des Monuments historiques suite à son classement par arrêté daté de 1990, la fortification de Capula se situe sur la commune de Lévie.

Elle a fait l’objet de plusieurs fouilles archéologiques menées entre 1970 et 1986 par F. de Lanfranchi – opérations qui avaient pour objectif premier l’étude des niveaux antérieurs à la fortification médiévale.

Les résultats acquis par ces travaux ont ainsi permis de dresser l’histoire plus large des différentes occupations qui se sont succédé sur ce massif formé d’énormes boules granitiques.

 

2C’est la chronique de Giovanni della Grossa (1388-1464) qui constitue la principale source d’informations textuelles pour la fortification médiévale (Graziani 2016).

On y apprend que Bonifacio, dit « il Bianco », fils aîné d’Ugo della Colonna, est à l’initiative de la construction de Capula dès le ixe s. D’après le chroniqueur, le château de Capula devient le siège des seigneurs Biancolacci.

Deux branches distinctes apparaissent suite à la dispute des deux fils de Bianco : le plus fort devient seigneur de Capula et de la pieve de Carbini, et l’autre, seigneur de la pieve de Bisoggie.

Malgré une longue période de troubles dans le comté des Biancolacci, l’unité et la paix reviennent avec le seigneur Simoncello della Rocca, dit « Giudice de Cinarca », au xiiie s.

Ce dernier soumet alors Ladro Biancolacci, seigneur de Capula, et détruit le château (1245/1250). Plus précis, un texte daté de 1258 (Cancellieri 1997, texte 93) atteste que Guido Biancolaccio était seigneur du lignage des Biancolacci, enraciné dans la pieve de Carbini et dans une partie du Sartenais.

On apprend également dans ce texte que ses gens se sont cachés à Capula. Le 24 mai 1289, Ladro Biancolaccio, seigneur de Capula, prête serment de fidélité à la commune de Gênes, puis c’est au tour de Guglielmo Biancolaccio, seigneur de Capula, le 6 octobre 1289 à Aullène (Bibolini 2000).

Les annales génoises (Aurie 1930) nous confirment qu’à cette période, Luccheto Doria entame une campagne militaire de plusieurs mois, entraînant l’allégeance des seigneurs corses.

 

3Concernant la destruction de Capula, peu documentée dans les sources écrites, elle aurait eu lieu au début du xvie s. et serait le fait d’un capitaine génois nommé Andrea Doria, agissant sur ordre de l’Office de Saint-Georges lors des terribles répressions qui mirent fin à l’époque féodale en Corse.

 

4L’organisation générale du site est globalement définie : la tour perchée sur le point culminant du relief, en contrebas de laquelle se développent au moins deux pièces protégées par un mur d’enceinte coiffant la colline qui se détache du Pianu di Livia.

Au pied de cette enceinte se trouvent de nombreuses boules granitiques entre lesquelles des murs en condamnant les accès ont été construits, structures qui ont également servi d’habitat.

Ces espaces ouvrent sur une prairie où se dressent les vestiges d’un édifice de culte dédié à San Larenzu.

Fig. 1 – Fortification médiévale et statue-menhir

Fig. 1 – Fortification médiévale et statue-menhir
Cliché : Drac de Corse.

5La tour dominant le dôme rocheux est de plan presque quadrangulaire (dimensions extérieures : 4,78 x 2,84 x 4,42 m, le quatrième parement n’étant pas visible).

On note cependant que l’angle nord-est n’est pas régulier et suit un profil en arc de cercle.

Cette forme particulière pourrait être expliquée par la présence de structures antérieures sur lesquelles les bâtisseurs ont voulu s’installer.

Il n’est d’ailleurs pas exclu que le plan de la tour ait été agrandi puisque cet angle correspond à la présence du mur de refend dont les liens stratigraphiques sont indéterminés pour ce côté.

Les élévations nord et sud y sont conservées sur une hauteur moyenne de 2 m (à l’extérieur), et seulement d’une quarantaine de centimètres pour le parement interne. Les murs ont une épaisseur moyenne de 1,10-1,20 m.

 

6En contrebas de la tour, se développe également une plate-forme dont le profil dessine la forme d’un éperon délimité au nord par un mur de soutènement édifié en appareil cyclopéen.

Au moins trois bâtiments y sont identifiés dont deux de plan trapézoïdal et un de forme rectangulaire orienté dans le sens de la plate-forme.

Pour ce dernier bâtiment, les fouilles menées par F. de Lanfranchi dans celle-ci permettent de proposer une chronologie appartenant à la couche IVa datée des ive-xie s.

La technique de construction employée diffère de l’ensemble du site dans la mesure où l’appareil est constitué de modules quasiment cyclopéens, et ce à l’inverse des deux autres salles, présentant quant à elles une mise en œuvre de moellons de moyennes dimensions assez similaire à la technique observée pour la tour.

Comme cela est fréquemment observable sur les sites fortifiés, les surfaces du substrat affleurant conservent les stigmates de son extraction et de ses aménagements.

Ainsi, des supports taillés dans les boules granitiques sont encore visibles : elles devaient servir à loger des poutres, ou d’autres éléments faits de bois, et permettant d’élever les cellules sur au moins un niveau.

De nombreuses emboîtures témoignent à leur tour des travaux d’extraction ou des besoins pour alimenter le chantier de construction, et nécessaires pour édifier la fortification sur ce relief modulé par d’innombrables boules rocheuses.

 

7Ces contraintes naturelles ont bien évidemment eu un impact sur l’organisation et la qualité du système défensif.

Les bâtisseurs ont tiré profit de la présence des énormes blocs granitiques pour assurer leur sécurité et limiter ainsi la construction de murs.

L’enceinte, nettement visible au niveau d’une des rampes d’accès, présente une élévation certes restaurée, mais dotée d’une semelle de fondation, à partir de laquelle l’appareil est disposé en assises régulières via des moellons parallélépipédiques, sans liant et adossé au substrat.

Compte tenu du tracé de l’enceinte, il est possible de supposer que le mur ne se poursuivait pas dans le sens de la pente, mais au contraire qu’il ait pu se refermer sur la paroi rocheuse, protégeant ainsi la tour qui se trouve immédiatement dans son axe.

D’autres portions de murs d’enceinte sont encore observables sur la terrasse intermédiaire, où l’appareil se distingue par la mise en œuvre de blocs cyclopéens ; ce mur pourrait toutefois résulter d’occupations antérieures à la fortification en elle-même.

 

8Au-delà de cette enceinte, de petites terrasses s’organisent entre les boules granitiques et ont été occupées par des habitations, communément désignées comme « village de Capula ».

La difficulté pour appréhender ces structures réside cependant dans leur chronologie d’occupation, les fouilles archéologiques ayant identifié des niveaux se superposant de la fin du Néolithique jusqu’au xvie s., avec une sépulture datée du Bas-Empire.

 

9Cette relecture des vestiges archéologiques a également été élargie à un inventaire des découvertes archéologiques réalisées dans le cadre des différentes opérations de fouilles menées sur le site.

Ainsi, après examen de la littérature grise, le mobilier est constitué de 29 416 tessons, 736 éléments en terre cuite architecturale, 1 443 fragments d’argile, 796 roches et minéraux, 226 objets métalliques, 925 os et coquillages, ainsi que de 86 éléments en verre.

 

Référence électronique

Émilie Tomas,  Laetitia Dufour, Chantal de Peretti et Gildas Le Marchand, « Levie – Capula, la fortification médiévale »

© ministère de la Culture et de la Communication, CNRS

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