ANGELIN NATALI.
Le hussard Natali au lieutenant Paul Azan. (8 décembre 1903.)
[Complément premierrécit, envoyé par M. maire d'Aullcne, 1903, réponse questions.]
 
Dans la nuit du 22 au 23, le camp avait été formé sur le bord du ruisseau.
 
On pouvait voir de cet endroit le flanc de la montagne où chargèrent les hussards, mais on ne pouvait pas voir' les chasseurs.
 
Deux compagnies étaient d'abord restées à la garde du camp.
 
Deux hussards ont apporté l'ordre à l'une des compagnies de rejoindre les autres.
 
Ce sont les chasseurs qui sont partis et il n'est plus resté au camp que la compagnie de carabiniers.
 
Les deux hussards sont retournés avec les chasseurs; ils avaient chargé tous les deux, et l'un d'eux, qui était mon camarade de lit, me raconta que de la charge qu'ils avaient poussée, il n'en était pas revenu la moitié.
Ce fut le maréchal des logis chef Barbut, accompagné d'un hussard, qui apporta cet ordre. La compagnie Burgard venait de se mettre enmarche quand Barbut arriva.
 
La compagnie de chasseurs a pu rejoindre le gros de la colonne avant d'être anéantie.
Elle arriva en réalité à un kilomètre du mamelon que défendait Courby de Cognord; mais ne rejoignit pas les trois autres compagnies, dont la défaite était, déjà consommée.
 
Je ne pouvais rien voir en ce moment, mais l'année suivante, au mois de mai, je suis revenu sur les lieux avec la colonne du général Cavaignac, et j'ai remarqué que les ossements des chasseurs étaient tous réunis au pied de la colline où ils
avaient formé le carré, et ceux des hussards sur le flanc de la montagne.
On comprend avec quel intérêt Natali a dû revoir ces lieux; il put reconstituer très bien les différentes phases du combat, ce qui explique la
clarté et l'exactitude de son récit.
 

La colline où nous voulions nous diriger en abandonnant le camp était à l'opposé de l'endroit où se trouvait le marabout de Sidi-Brahim.

Il nous a fallu presque rebrousser chemin pour nous rendre en cet endroit. C'est donc bien vers la colline au que se dirigeait de Géreaux.

Alors que nous nous rendions au marabout, les Arabes nous ont aperçus et un gros détachement se lança à notre poursuite; s'il nous était resté encore une cinquantaine de pas à franchir, leurs cavaliers y seraient arrivés avant nous.
 
L'ordre nous fut alors donné d'y pénétrer en abandonnant nos chevaux, de mettre genou à terre et de nous tenir prêts à faire feu.
 
Les Arabes qui nous s'arrêtèrent ; mais pendant ce temps nos chevaux se sont éloignés et il n'a plus été question d'eux.
On ramassa alors tout ce que nous avions de vivres.
 
Nous avions une gamelle pour six hommes remplie de pommes de terre et un pain.
 
On partagea le pain et les pommes de terre en autant de portions qu'il y avait
d'hommes, et c'est tout ce que nous avons mangé pendant les trois jours que nous avons passés en cet endroit, si ce n'est aussi les quelques figues que nous cueillions sur les figuiers.
 
Notre pénurie de vivres s'explique : 1° Nous étions partis de Djemmaa avec un jour de vivres seulement, et le matin du 23 nous devions rentrer déjeuner dans le fort; 20 en abandonnant le camp de Sidi-Moussa-el-Anber, il n'était nullement question de nous sauver, mais seulement de vendre chèrement notre vie, et alors nous n'avions rien emporté.
J'ignore complètement le fait du capitaine Dutertre et le fait du clairon qui aurait sonné un refrain.
Natali devait se trouver sur la face opposée à celle devant laquelle
Dutertre se présenta.
 
— Du marabout j'ai vu cinq ou six prisonniers français du côté du combat. Nous les plaignions bien amèrement et nous leur souhaitions de tout cœur d'être couchés à côté des autres.
Aussi nous faisions tous le serment de mourir plutôt que de nous rendre.
 
— Nous n'espérions aucun secours du dehors, car nous n'avions au- cune confiance dans les émissaires arabes.
Ils s'approchaient de notre petit fort pendant le jour.
Après nous avoir fait un geste discret, ils s'approchaient en faisant semblant de tirailler.
Nous les laissions approcher, et par le moyen de la canne nous communiquions avec eux.
Mais nous n'avions aucune confiance en ces hommes, car nous avions lieu de croire que c'était nous qu'ils trompaient.
Pendant la nuit, la surveillance était plus active.
A chaque instant nous entendions des cris que l'interprète nous traduisait :
« Sentinelles, prenez garde à vous. »
Quant à l'Arabe qui porta le billet à Lalla-Maghrnia, j'ai eu l'occasion de le voir dans la suite; voici ce qui lui était arrivé: en approchant du camp français, il cacha son billet craignant d'être fouillé et, en faisant semblant de tirailler, il pénétra dans le camp et raconta son histoire en disant qu'il avait caché la lettre.
On crut à une supercherie et le général le livra à la disposition des zouaves qui le soir le couchèrent tout nu sur un lit de chardons;
heureusement pour lui que le matin on passa près de l'endroit oùil avait caché la lettre; il s'en empara et la présenta au général.
 
Celui-ci donna alors l'ordre aux zouaves de bien le garder, mais de ne lui faire aucun mal jusqu'à vérification de ce qu'il avançait.
 
Il s'agit, sans doute possible, de l'Arabe qui porta un billet à Cavaignac, car il n'y avait de général et de zouaves que dans la colonne qu'il commandait.
D'ailleurs, Cavaignac et le capitaine Blanc parlent tous deux de cet émissaire.»
 
Dans la suite cet Arabe reçut une récompense, mais ne voulut jamais entendre parler des zouaves.
— J'ignore absolument si les Arabes nous ont offert des galettes et de l'eau pendant que nous étions dans le marabout.
 
— Lorsqu'on fit halte en face du fort (du blockhaus) nos clairons sonnèrent pour demander du secours.
Nous faisions des signaux;
mais je n'ai rien aperçu du côté du fort.
Un village arabe,Les Ouled-Ziri, que nous avions également en face était au contraire en ébullition; il se préparait à descendre la côte vis-à-vis de nous pour nous couper la retraite.
 
Arrivés au fond du ravin au milieu des figuiers nous avons alors formé notre petit carré; mais la population du village arabe, qui jusque là avait marché à l'abri des canons du fort, avait marché à l'abri du canon du fort, arriva jusqu'alors nous.
 
Ceux qui nous suivaient se jetaient également sur nous notre carré fut rompu.
 
Les trois coups de et tous les Arabes s'enfuirent.
 
Nous sommes alors montés vers le fort par la route habituelle (et non en suivant le ravin) (2), isolément ou en petits groupes, sans être aucunement inquiétés.
Il fallait remonter légèrement sur la rive droite du ravin pour arriver à la porte de Djemmaa-Ghazaouet.
 
Personne n'est venu à notre rencontre, si ce n'est le docteur que j'ai rencontré à environ 300 mètres de la porte et qui retourna avec nous.
 
C'est du docteur Artigues que veut certainement parler Natali.
 
Une lettre, adressée par l'adjoint à l'intendance Gibon à l'intendant militaire de Guiroye, vient confirmer son dire; dans cette lettre, écrite de Djemmaa-Ghazaouet le 17 octobre 1845, Gibon exprime le regret de n'avoir pu signaler, lors du court passage de l'intendant à Djemmaa, le zèle des officiers sous ses ordres, et il essaie de réparer cet oubli:
 
"Je manquerais à mon devoir, dit-il, si je vous laissais ignorer la conduite généreuse et honorable qu'a tenue M. Artigues, médecin ordinaire,
à l'époque où les débris de la colonne Montagnac sont arrivés sous la place, poursuivis par les Arabes auxquels ils ont miraculeusement échappé."
 
« Dans ce moment critique, M. Artigues, n'écoutant que son courage, est sorti de la place, et il est allé donner à chacun des échappés les secours de son art sans regarder s'il était ou non appuyé par les troupes de la garnison.
 
Cette action, dont j'ai été témoin oculaire, puisque je me trouvais, moi aussi, hors de l'enceinte lorsque M. Artigues en est sorti, dénote une grande âme et un dévouement peu commun. »
 
Et Gibon demandait pour le médecin la croix de la Légion d'honneur, il disait à l'intendant de Guiroye :
« En la faisant obtenir, vous aurez la satisfaction d'avoir récompensé un noble cœur. »
 
— L'adjoint à l'intendance Gibon à l'intendant militaire de Guiroye, de Djemmaa-Ghazaouet, 17 octobre 1845. A. A. G., dossier Artigues
 

Quant à l'Arabe qui porta le billet à Lalla-Maghrnia, j'ai eu l'oc-casion de le voir dans la suite; voici ce qui lui était arrivé: en

approchant du camp français, il cacha son billet craignant d'êtrefouillé et, en faisant semblant de tirailler, il pénétra dans le camp

niquions

et raconta son histoire en disant qu'il avait caché la

lettre. On

crut à une supercherie et le général le livra à la disposition deszouaves (5) qui le soir le couchèrent tout nu sur un lit de chardons;

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