CLEMENTE PAOLI À L'ABBAYE DE VALLOMBROSA.
CLEMENTE PAOLI À L'ABBAYE DE VALLOMBROSA.

CLEMENTE PAOLI À L'ABBAYE DE VALLOMBROSA.


              Le patriote corse, Clément Paoli, frère du général de la nation Pascal Paoli, s'est retiré dans l'abbaye de Vallombrosa à partir de 1769  et ce, jusqu'à son retour en Corse après la Révolution française de 1789.

Il aurait donc passé une vingtaine d'années dans ce lieu.

Vingt ans, ce n'est pas rien.

Mais malheureusement, on ne sait pas grand chose de plus des années d'exil du frère de Paoli en Toscane.

Et pourtant, c'est un personnage clé de la résistance corse contre l'envahisseur génois d'abord, puis français.

Tous ceux qui se penchent sur l'histoire de la Corse du 18e siècle le rencontrent plusieurs fois, au cours de fameux épisodes aussi bien politiques que militaires.

Il sauve la vie de son célèbre frère Pascal durant la guerre civile contre Matra, il brille à la bataille de Borgo de 1768.

Sorte de "moine soldat", Clément Paoli passe son existence dans la fureur des champs de bataille et dans le silence des cloîtres. 

« Mon sang et ma vie appartiennent à la Corsemais mon âme et mes pensées sont à Dieu », c'est en quelque sorte son mot d'ordre, sa devise. 
  

          Au cours de mon travail, j'ai essayé de chercher l'homme.
 
Je me suis interrogée sur ce qu'il a pu ressentir en 1769 quand il suit son frère dans l'exil.
 
Il a déjà 58 ans, il est veuf depuis plusieurs années, il a perdu sa fille ainée Dionisia deux ans auparavant.
 
Il ne lui reste qu'un fils et un petit-fils qui portent tous deux le prénom de Giacinto, en l'honneur de son père, le grand Giacinto Paoli, lui aussi un des héros de la Révolution corse, mort en exil à Naples en 1763, à l'âge de 82 ans.
 
Quand il est à bord du bateau qui le porte en exil pour Livourne, aura-t-il pensé à son père qui a connu le  même sort?
 
Pendant ces vingt ans d'exil, aura-t-il renoncé à une lutte qu'il a au fond toujours mené?
 
Comment a été sa vie à Vallombrosa 


          Hier, je suis allée au couvent de Vallombrosa pour la première fois: je ne connaissais ce site qu'à travers les livres ou les superbes tableaux de Louis Gauffier.

J'ai envie de vous raconter mes impressions.

Sur les traces de Clemente Paoli à Vallombrosa.

Mon cher Clément, Mio caro Clemente, mi sento cosi legato a te. 

J'ai marché dans ses pas.

Je l' ai cherché, comme une ombre du passé.

Je l'ai imaginé se promener dans l'allée, j'ai pensé au bruit de ses pas qui foulent le sol, j'ai cherché sa voix, ses mains tenant la plume quand il écrit à son frère et aux patriotes, son regard se posant sur les fresques de l'église du couvent.

Où es-tu amico mio?

 
 


           Ce qui m'a d'abord frappé, c'est l’extrême ressemblance avec la Castagniccia corse.

Les sentiers, la pierre, l'eau de source qui coule en pleine montagne...

Paoli  y aura-t-il été sensible, à cette ressemblance avec sa terre natale?

Cela lui aura-t-il donné l'illusion, au fond, de n'avoir jamais quitté sa Corse?

Son exil en a-t-il été plus doux?

Cette idée m'a réconforté.

La Corse lui a ainsi sans doute semblé plus proche.

Peut-être.

Si loin en même temps. Semblable mais en même temps, ce n'est pas elle et cela ne remplace pas.

Doux et en même temps douloureux.

Entre douceur et douleur, il n'y a jamais qu'une petite lettre de différence. 

            Vallombrosa,  même aujourd'hui, est une roccaforte perdue dans la montagne.

Y monter n'a pas été de tout repos tant certains passages sont escarpés et étroits.

 Qu'en aura-t-il été au 18e siècle?

Je n'en avais pas eu conscience jusque-là de cette quasi inaccessibilité de Vallombrosa.

Florence et Livourne semblent si loin, au fond.

Deux idées me sont ainsi venus à l'esprit: la liberté d'action de Clément Paoli mais aussi son risque d'isolement.

S' il était effectivement une sorte de chef de la résistance corse depuis Vallombrosa, il fallait nécessairement qu'il ait un réseau bien consolidé d'hommes au service de sa cause, corses et non corses, ne serait-ce que pour les déplacements.

Il fallait des hommes qui connaissent les sentiers.

Loin de Florence, de Pise, de Livourne, de la Maremma, lieux peuplés par les "fuorusciti" corses, il avait besoin de compatriotes qui le tiennent informé et qui lui permettent d'agir directement ou indirectement.

J'ai imaginé ces aller -et- venus à cheval, dans cette montagne, entre mille et une difficultés.

Toutes les lettres échangées.

L'argent reçu et donné pour maintenir en vie tout le réseau.

Quelle entreprise merveilleusement complexe et passionnante aussi. J'imagine aussi les espions à la solde des Français  qui devaient surveiller de près les patriotes corses et Clément Paoli.

Soudoyaient-ils de pauvres paysans en échange de quelques informations.

Quelles intrigues s'étaient -elles jouées entre ces murs et ces chemins?

Clément était-il à l'abri dans l'enceinte de cette abbaye qui a tant l'air d'une forteresse?

A-t-on essayé d'attenter à ces jours?

Tant de questions restent sans réponse.
             
             Entre hier et aujourd'hui, le paysage alentour a beaucoup changé car c'est la  forêt qui a pris le dessus: il n'y a plus de champs cultivés et si l'on ne se penche pas tout près du muret, on ne voit plus l'abbaye ni le bassin d'eau.

Louis Gauffier: vous avez arraché au temps un moment de ce dix-huitième siècle si propice à la rêverie avec ces voyageurs du Grand Tour qui semblent parler avec passion aux moines de l'abbaye.

Avec votre pallette, vos mille nuances de vert, l'arrondi des collines, et la douceur de la lumière, au fond, c'est à l'harmonie et à la paix que vous avez su donner vie.   

Moi aussi, contre le silence des pierres, l'absence de témoignages écrits et le vide de la mémoire, je tente avec mes mots de redonner vie.

Oui, redonner vie à ce que tu as été Clément.

J'aimerais tellement me rapprocher le plus possible de toi, caro Clemente Paoli.

Riposi in pace, amico mio.

 

Source : mathilde-corvaia.blogspot.

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