La croix de la Punta di l'Ortu à Conca
La croix de la Punta di l'Ortu à Conca. ( Source photo Odysséa )

La croix de la Punta di l'Ortu à Conca. ( Source photo Odysséa )

Conca : La croix revenue 

Les trois pointes qui dominent ce petit village de l'extrême sud de quatre cents âmes ont retrouvé « leur croix », témoignage de l'épopée de Pierre-Baptiste Susini en Egypte au siècle dernier. 

Nos paysages en Corse sont jalonnés de croix, petites ou grandes, toutes mémoires d'une histoire, souvent d'une tragédie. Pour les habitants de Conca, la croix qui domine leur village, « a croce di a punta di l'ortu », a toujours existé, et pourtant...

Nous sommes à la fin du siècle dernier et Charles Susini, Ziu Carulinu, est maire de Conca, qui compte alors environ 800 habitants.

Son fils, Pierre Baptiste, comme beaucoup de jeunes corses déjà à cette époque, s'est expatrié pour des contrées lointaines.

Il vit en Egypte.

Là il exerce la profession de géomètre, sur l'immense chantier du canal de Suez.

Mais le pays est en proie à des troubles fréquents dus à la présence étrangère, ainsi qu'à la perçée de ce fameux canal.

Deux paramètres qui se conjuguent pour provoquer de multiples incidents et manifestations d'opposition.

Un drame en Egypte... 

C'est ainsi que le 14 juillet 1882, Pierre Baptiste Susini périt dans des conditions dramatiques; elles sont relatées, avec passion et sans nuances, dans le Progrès de la Corse » en 1883, sous la signature du journaliste Ortoli :

« Susini Pierre Baptiste de Conca, jeune homme de 23 ans et employé au cadastre, fut attaqué à Tantah par une meute de pillards et d'assassins.

Il n'eut que le temps de se barricader chez lui, et la bataille commença, terrible et sans merci. 


Chaque coup du malheureux Susini Pierre Baptiste portait, et les cadavres se couchaient sur les cadavres; les assassins, exaspérés de cette résistance, rendus féroces comme des fauves par la vue du sang de leurs complices multipliaient les assauts.


Partout, ils rencontraient la carabine ou le revolver de notre compatriote qui, la lèvre frémissante, les yeux injectés de sang, semblable à un lion au milieu de tigres altérés, portait la terreur et la mort au milieu de ses ennemis.

Déjà plus de cinquante cadavre jonchent le jardin qui entoure la maison et la bataille continue toujours implacable et féroce.


Susini Pierre Baptiste se voit perdu, mais son courage ne faiblit pas.

Une lutte au corps à corps s'engage.

Chaque coup de son revolver a fait un cadavre, puis le stylet corse commence son oeuvre.

Ainsi qu'un lion furieux, il va de l'un à l'autre par bonds, semant partout les cadavres, jusqu'à ce qu'accablé par le nombre, il tombe pour ne plus se relever.


Honneur à toi, Corse des anciens jours !

Honneur à ta vaillance et à ton courage ! » 

La croix du souvenir

L'année suivante, en 1883, son père fait ériger une croix sur la « Punta di l'Ortu » qui domine Conca, croix tournée vers l'Egypte, dédiée à la mémoire de son fils et à l'histoire de sa tragédie.

Depuis cette date, la tradition est perpétuée par la famille Susini de Conca.

Usée une première fois par le temps et l'érosion, elle est remplacée en 1952 par Charles Susini, petit fils du premier.

Le temps en ayant eu raison une nouvelle fois, en 1997, Simon Paul Susini reprend le flambeau avec les membres de sa famille et l'aide d'amis.


C'est ainsi qu'après avoir été bénie par l'abbé Serge Casanova de Porto-Vecchio, la croix, réalisée en fer galvanisé et grande de 5 m sur 2 m, prend le chemin des airs par voie d'hélicoptère pour trouver, ou plutôt retrouver, sa place sur les hauteurs de Conca.


Espérons qu'elle y restera encore longtemps, gardienne du souvenir, but de promenade, de pélerinage, pourrait-on dire, pour des générations de jeunes du village qui, le dimanche ou en vacances, montent en bande « à la croix » pour contempler Conca à leurs pieds... et l'Egypte à l'horizon.


Guy Profizi.

 

Source : paesodiconca.blogspot.
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Photo : Corse Matin (DR)

 

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