Un chef de clan et ses partisans.

"Vous voyez notre maison.

De quatre frères, un seul est marié nous avons ainsi évité la division de nos biens et l'éparpillement de notre influence.

Un de mes frères gère nos propriétés moi, en qualité d'aîné, j'ai la direction politique. 

Je donne ma vie et je pourrais presque dire notre fortune à nos clients et nos clients nous donnent leur voix tel est notre secret [...].

Nos propriétés sont très morcelées nous en avons dans une douzaine de communes.

Elles sont louées à une cinquantaine de ménages de colons à des conditions assez douces et nous n'en exigeons pas toujours la rigoureuse exécution.

Ces cinquante ménages qui vivent par nous, nous sont entièrement dévoués.

Voilà bien près de deux cents voix déjà [...].

Dans certains villages, nos terres sont si bien mêlées à celles du reste des habitants que, si nous les interdisions aux bêtes, le pâturage serait impossible à tout le monde.

Le sol reste en friche un ou deux ans souvent sur trois pendant ce temps, nous laissons librement pâturer. 

Nos bois sont de même à l'abandon va ramasser qui veut de nos amis.

 Cette tolérance, indispensable à leur genre d'existence, nous attache encore trois cents autres électeurs.

Ils forment le premier noyau des fidèles, ceux dont nous sommes sûrs.

Jadis, ils nous auraient suivis à la guerre, maintenant ils nous suivent au scrutin [...].

Ajoutez-y des familles qui, soit à cause d'un lien de parenté, soit par tradition, sont habituées à suivre la nôtre et à prendre son mot d'ordre... 

Il encore ceux qui sont avec nous parce qu'ils ne veulent pas être avec nos rivaux.

Les haines interviennent dans ces groupements aussi bien que les sympathies.

Ces dernières catégories représentent une force moins fixe que la première, variant suivant que les circonstances augmentent ou diminuent la valeur de notre appui..."

(Bourde (P.), En Corse. L'esprit de clan, les mœurs politiques, les vendettas, le banditisme (Correspondance adressée au Temps), Paris, Calmann- Lévy, 1887, il s'agit des propos d'un "grand notable de Saint-Florent" recueillis par l'auteur)

 

"Le propriétaire corse, c'est le véritable chef de clan. 

Il a autour de lui ses partisans, qui se composent de sa propre famille d'abord et d'un certain nombre de paysans.

Ceux-ci ne lui sont fidèles qu'autant qu'ils profitent de ses bienfaits. 

Alors, il se trouve obligé de laisser ravager ses propriétés les bergers font impunément paître leurs troupeaux sur ses pâturages, les paysans lui empruntent ses enclos, les bûcherons lui coupent ses arbres. 

Toute une armée de parasites vit sur son dos [...]. 

Mais ses partisans constituent pour lui une force. 

Les politiciens de l'île le coteront selon le nombre des suffrages dont il dispose.

En Corse, un homme vaut tant de voix comme en Amérique il vaut tant de dollars".

 

(P. Piobb, La Corse aujourd'hui. Ses mœurs, ses ressources, sa détresse, Paris, Société générale d'édition, 1909.

Source : Jean-Louis Briquet ENS Fontenay/Saint-Cloud

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