Ferdinand Gregorovius  Scan von Benutzer:Goerdten Goerdten

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UNE PRESENCE LITTERAIRE DES GERMANOPHONES AU XIXème SIECLE EN CORSE

A  la fin du  XVIIIème et au XIXème siècles, on trouve au travers d’ouvrages relatant la présence de germanophones en Corse qui se sont attachés à rendre compte de l’histoire et de la situation politique de l’île à cette époque.

 Jusque là seuls des auteurs français, anglais ou italiens s’y étaient intéressés.

 Ces auteurs étaient suisses, allemands, autrichiens ou russes dont les travaux étaient pour ces derniers écrits en langue allemande.

 Ainsi, au XVIIIème siècle, Georg Von Bawier publia en 1834 « un voyage en mer d’un jeune suisse, us et coutumes des habitants de Corse ».

Cet écrivain commença par ailleurs, sa carrière dans l’armée, dans un régiment à Corte où il restera 6 ans.

 L’auteur comparant la vie locale, les techniques de production et les mœurs avec celles connues en Suisse s’étonne des différences, les souligne et les commente :

« Les Corses ne font pas comme chez nous… » mettant en avant des techniques archaïques des insulaires pratiquées par les agriculteurs ou autres bergers « … mais obtiennent les mêmes résultats ».

Indulgent quant à son jugement sur les Corses, il disait « ils n’ont pas accès à la culture mais refusent par fierté toute autorité étrangère ».

Curieuse analyse pour un suisse étranger stationné dans un régiment français en Corse.

Le plus connu des écrivains germanophones, à cette époque, est sans aucun doute Ferdinand GREGOROVIUS qui publia en 1854 en Allemagne, un ouvrage « CORSICA » traduit en 1882 par Pierre LUCCIANA.

 Connaître et comprendre la Corse d’avant, à travers des esquisses historiques et des récits de randonnées effectuées dans l’île.

 Après le décès de son meilleur ami, Ludwig BORNTRAGER et de déception amoureuses, il dira    « la Corse a apaisé mon chagrin et a purifié mon âme ».

 En avril 1854, "Corsica" est disponible dans les librairies allemandes, son succès ne fût pas immédiat mais il faudra attendre les traductions pour que l’ouvrage ait un retentissement dans toute l’Europe.

 La façon de lier l’historique et le style fluide et poétique très personnel de la rédaction est de rendre l’œuvre de GREGOROVIUS utile et attachante.

 

Josef Johann Mann (Anonymous )

Josef Johann Mann (Anonymous )

 Joseph MANN (1804 – 1889) entomologiste, collectionneur et marchand d’insectes se rendra en Corse en 1855 pour entreprendre une recherche sur les lépidoptères et publia sous le titre :

« Les lépidoptères capturés au cours d’un voyage entomologiste en Corse en 1855 ».

Cet ouvrage décrit les lieux qu’il a visités aux portraits des insulaires qu’il trouve amiables et hospitaliers pour les étrangers.

Il est noté que les bandits n’existent plus et il refuse le côté barbare attribué souvent aux Corses.

 Le médecin, Adolf  BIERMANN, originaire de Hambourg, souffrant d’une grave maladie pulmonaire se rend à Ajaccio en 1867 pour soigner son affection.

 Il est miraculeusement guéri.

En signe de reconnaissance, il rédigera un ouvrage pour vanter les avantages et les bienfaits du climat de la ville impériale, l’île de Corse avec une attention particulière pour Ajaccio, en tant que ville thermale et climatique.

 Ouvrage publié en 1868 d’une centaine de pages qui a longtemps été considéré comme un guide pour les curistes.

 Après une analyse comparative des différentes stations balnéaires en Méditerranée de l’époque, il conclut que la Corse et notamment, Ajaccio, répond le mieux aux besoins des patients atteints de différentes maladies.

 Suit une description générale de l’île, de ses habitants et de leurs mœurs puis consacre un chapitre de 35 pages à la ville d’Ajaccio : climat, environnement naturel, divertissements, communication, horaires et prix, logements.

L’ouvrage se termine par un recensement des autres stations balnéaires de l’île (Guangno, Guitera, Pietrapola, Orezza,…) accompagné de renseignements utiles aux curistes.

 Il est à noter dans cet ouvrage que curieusement à la suite de planches botaniques et relevés climatiques très utiles, l’auteur trouve judicieux de reproduire la liste des crimes commis en 1867, l’année de son séjour…

 Jacques VON BEDRIAGA

 Jacques VON BEDRIAGA

 Jacques VON BEDRIAGA sera le seul russe ayant publié un texte en langue allemande.

 Né à Moscou en 1854, il quitte la Russie après ses études pour des raisons de santé et s’installe en Allemagne.

Docteur en 1875, ses recherches portent sur les reptiles et particulièrement, sur leurs organes urogénitaux.

 Son travail, mais aussi son état de santé le contraignent à s’installer en Méditerranée à Nice, puis à Florence où il meurt en 1906.

 Au cours de l’été 1881, il se rend en Corse où il espère trouver différentes espèces d’amphibiens et de reptiles.

Il y découvre une faune différente de la Sardaigne et du continent et déplore que la Corse peu explorée jusque là reste une terra incognita sur le plan de la recherche zoologique.

 Il essaie de combler cette lacune par une recherche géo-zoologique sur les amphibiens et les reptiles qu’il recense.

Trois ans plus tard, il publiera le résultat de ses recherches dans un ouvrage intitulé « contribution à la connaissance des amphibiens et des reptiles de la faune corse ».

 Hugo TOPPEN a un itinéraire des plus singuliers.

Professeur au lycée de Hambourg et rédacteur d’une revue, il s’intéresse à la Corse, après quelques lectures dont l’ouvrage de Gregorovius. 

Son voyage répondra aux questions qu’il se posait à son sujet.

Ainsi, il affirmera après son séjour en Corse en 1882 :

« Il n’est en fait pas d’autres régions en Europe qui soit si peu connue et si rarement visitée par les allemands que la Corse, pourtant cette île est, par plus d’un côté, faite pour séduire l’étranger.

Il est vrai aussi qu’il existe un rapport entre le petit nombre de visiteurs allemands et les rares écrits germaniques sur la Corse. 

Même la littérature étrangère  n’est pas très riche, qu’elle soit française, anglaise ou italienne.

Il y manque notamment de façon générale des ouvrages spécialisés récents.

Seul celui de Gregorovius.  est connu d’un plus grand nombre de lecteurs et celui qu’il l’a lu sait que cet écrivain traite de préférence de l’histoire captivante et touchante des Corses, ce lecteur a sans doute aussi remarqué que cet auteur intelligent penche vers un certain romantisme dans les parties qui ne sont pas purement historiques et néglige les aspects géographiques.

Les modestes informations que j’ai l’intention de donner pourront peut être compléter sur certains points, l’image laissée par Gregorovius.  et l’actualiser dans d’autres ».

En tant que professeur, il s’interroge sur l’éducation comme le montre ce témoignage :

« Nous discutâmes notamment avec une jeune fille d’environ 17 ans.

Elle nous raconta qu’elle était en cours supérieurs à l’école d’Oletta, le village compte environ 1200 habitants et avec bonne volonté, elle va chercher ses livres et ses cahiers, ce qui permît de jeter un coup d’œil sur l’instruction publique.

Il y avait : grammaire française, exercices de style, histoire française, géographie, arithmétique, géométrie, dessins, etc…

On pratique aussi le chant et le sport qui sont enseignés autant aux garçons qu’aux filles : à ces dernières, la gymnastique, aux garçons, la préparation au service militaire.

On semble surtout insister sur l’histoire de France, tandis que l’histoire du pays et de la période préfrançaise, en particulier n’est apparemment pas mentionnée.

En tout cas, la petite Jinestra ne connaissait pas le grand patriote Corse du siècle précédent PAOLI, même pas son nom.

Encore quelques dizaines d’années d’un tel enseignement scolaire, le Corse aura peut être oublié son passé si glorieux, par la transmission orale s’affaiblit à mesure que le savoir de lire et d’écrire prend de l’extension ».

 

 Il publiera la relation de son voyage en Corse dans une revus sous le titre de « randonnées en  Corse » et donnera une conférence à Hambourg le 7 décembre 1892 qui sera également éditée.

 Le seul récit germanophone publié par une femme au XIXème siècle est aussi le plus folklorique et le plus médiatique, comme on le dirait aujourd’hui.

 Amanda BLANCKENSTEIN publia, en effet, dans une revue allemande sa visite chez les bandits Bella-Coscia en 1885.

Installée depuis 4 mois dans l’île, Amanda décide de se rendre à Bocognano uniquement accompagnée de sa sœur, pour rencontrer les bandits Antoine et Jacques BONELLI.

L’hôtel de l’Univers étant complet, elles trouvent à se loger chez l’habitant, la famille VESPERINI, elle-même parente des bandits.

Riche d’une lettre de recommandation d’un haut fonctionnaire du village, elles s’engagent un matin dans le maquis accompagnées d’un ami des bandits, après de longues heures de marche, elles arrivent au but et sont accueillies par les frères BONELLI qui les reçoivent courtoisement et partagent avec elles un pique-nique.

 On mange, on boit, on discute… Amanda offre un stylet acheté à Ajaccio, Antoine se vante d’avoir tué plus de 40 personnes, ce qui fait frémir Amanda sèchement effarouchée.

 On promet de s’écrire, ce qu’elle fera et de revenir…

Le docteur Von Cube en 1904. Source photo : Corse Sauvage Escalade.

Le docteur Von Cube en 1904. Source photo : Corse Sauvage Escalade.

 

 

 Félix VON CUBE est sans doute l’alpiniste le plus connu du grand public.

Il est premier, en tout cas, à faire découvrir les montagnes de l’île.

Il y séjournera à trois reprises en 1899, 1902 et 1904.

C’est en août 1899, en compagnie d’un photographe, KLEINYYES, qu’il arrive en  Corse pour escalader un mois durant les montagnes  niolines et cortenaises.

Il rendra compte de ses découvertes dans un article de 14 pages « excursions dans les hautes montagnes de Corse » qui sera publié deux ans plus tard dans une revue alpine.

Cette publication contient également une description orographique détaillée des montagnes Corses.

 La liste de la présence de germanophones n’est pas exhaustives permet de constater que tous sont venus dans un but précis, écrivains, botanistes, zoologistes, entomologistes, alpinistes…

 L’histoire pourtant suivie avec grand intérêt en Allemagne, comme en témoignent de nombreuses publications sur PAOLI, NEUHOFF et SAMPIERO, ne les a pas incitées aux déplacements dans l’île.

La plupart d’entre eux s’intéresse à une Corse plus secrète, plus mystérieuse aussi et souvent à travers les sciences.

 Tous découvrent un pays pauvre, sous développé, sauf à Ajaccio grâce à sa situation balnéaire.

 Tous ces germanophones sont agréablement surpris, en revanche, par la mentalité des habitants, car les Corses avaient plutôt mauvaise presse à l’instar des autres habitants des pays méditerranéens.

 Le bandit Corse n’a justement rien d’un brigand ou d’un voleur tel qu’on le craignait à l’époque en Espagne par exemple.

 Ferdinand Gregorovius.  (Portrait)) a certainement le mieux contribué à donner une image positive de la Corse dans les pays germanophones, laquelle n’a pas manqué de se perpétuer depuis.

 

Bernard TERRAZZONI

Source : Accademia Corsa di Nizza. Par Jean Pierre Poli.

 

accademiacorsa.org

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