LES RELATIONS ENTRE LA CORSE ET PISE A LA FIN DU MOYEN AGE.

Il est intéressant de noter que, pour la période allant du milieu du xiV siècle au milieu du XVe, les chroniques corses, principalement celle de Giovanni della Grossa, ne mentionnent plus de rapports entre la Corse et Pise.

Or des recherches patientes menées depuis trois ans dans les Archives pisanes nous ont apporté une riche moisson de documents dont les plus nombreux concernent précisément cette période de l'histoire corse dans ses liens avec la république toscane. 

La fin du XIV et le début duXV siècle voient en effet se poursuivre le commerce entre la Corse, Livourne et Pise, avec l'émigration des Corses vers des régions qui leur offrent encore la paix et le travail, alors que les émigrants antérieurs se sont définitivement fixés à Pise et dans le « contado ». 

Dès la fin du XIII siècle, les liens entre la Corse et Pise ne sont déjà plus maintenus que par les barques et les galères qui, bravant les dangers de la mer accrus par la présence de pirates génois, catalans et, voire, corses, font la navette entre les ports du nord-est de l'île ou Bonifacio, et Piombino ou Livourne pour remonter ensuite l'Arno jusqu'au Pons Maris, premier point de débarquement pour tous les marchandises s'arrêtant à Pise. 

Les magistrats de la cité facilitent ce commerce : abaissement ou exemption des droits de gabelle sur les produits venant de Corse, protection accordée aux marchands et aux navigateurs originaires de Corse ou de Pise, hésitation à user de représailles contre les pirates insulaires malgré les plaintes répétées de leurs victimes pisanes.

 En 1404, de la mi-septembre à la mi-octobre moment d'un trafic plus intense du vin une série de mesures, individuelles ou collectives, confirme la liberté de ce commerce : Laurent Vinciguerra, commerçant de Bonifacio obtient un sauf-conduit d'un an pour vendre toute marchandise à Pise, et dans son contado et dans le contado de Florence ; Manfredino, de Nonza dans le cap Corse, en obtient un pour huit mois ; à deux reprises la commune de Pise décrète que l'universitas des hommes et des personnes de l'île de Corse, désireux de venir à Pise avec leurs barques, leurs marchandises et leurs marins, pourront le faire librement.

 

Aussi n'est-il pas nécessaire de s'attarder sur les procès de quelques marchands pisans contre leurs confrères ou leurs débiteurs corses, et sur le droit de représailles que les magistrats de la commune de Pise leur accordent parfois contre eux.

En juillet 1392, à Pise, un marchand de la ville se plaint, devant le Conseil des Anciens de ce que plusieurs Corses résidant dans l'île ont refusé de s'acquitter de leurs dettes envers lui : malgré des lettres officielles de recommandation, il a été expulsé de Corse sans obtenir satisfaction.

Ces dettes sont élevées : sept débiteurs, résidant à Canari, Venzolascha, Brando, Biguglia et Calvi, lui doivent 583 florins d'or 43 sous et 6 deniers, sans compter les intérêts.

Prudents, les Anciens accordent alors un nouveau délai de deux mois aux accusés corses et adressent des lettres de réclamation au gouverneur génois de l'île.

 Le citoyen pisan lésé, sans être débouté de sa plainte, se voit contraint à adopter la même attitude de patience qui permet aux magistrats d'éviter la rupture définitive avec une terre qui enrichit encore le commerce de leur ville. 

D'un tel exemple, comme de bien d'autres similaires, il faut retenir le souci, pour une ville décadente, de sauvegarder les derniers vestiges de son ancienne expansion impérialiste en Méditerranée.

Même après sa soumission à Florence, elle continue à voir accoster au Pons Maris les barques corses : de mai 1441 à juin 1443, 50 patrons de barques et marchands corses s'acquittent du droit de gabelle pour les divers produits qu'ils font entrer dans la ville.

Comme pour les siècles antérieurs, c'est d'une part le nord de l'île, de la Balagne à Bastia en passant par le cap corse, et Bonifacio d'autre part, qui sont les points de départ et d'accostement de ces barques corses ou pisanes.

Notons que Bonifacio ou Calvi qui, commercent régulièrement avec Pise, sont les principaux bastions génois. 

Mais Pise n'accorde-t-elle pas, à plusieurs reprises, des sauf-conduits à des marins génois associés à des Corses.

Tant il est vrai que les intérêts du commerce sont plus forts que les rancunes nées de la rivalité et des guerres.

 Des régions ainsi délimitées de la Corse ne plus, comme au XII siècle ou au début du XIII, les esclaves (des femmes uniquement) vendues par leurs compatriotes. 

Dans ce genre de commerce qui sévit encore aux XIV et XV siècles, le courant semble plutôt s'être inversé et nous voyons des Corses de Nonza et et de Bonifacio acquérir à Pise des esclaves « tartares ». 

En revanche, l'exportation des produits de l'élevage et de l'agriculture se maintient au XIV et au XV siècles comme par le passé.

 

Le bétail sur pied, les peaux et les fromages font l'objet, certaines années, d'exportations massives. 

Le livre de compte d'un marchand pisan, établi de la fin d'octobre 1388 à juin 1390, est presque uniquement consacré au commerce des peaux, des agneaux, du vin et du drap avec la Corse : le 4 septembre 1389 le marchand mentionne environ 700 agneaux provenant de Brandi dans le Cap corse; en mai-juin 1390, plus d'un millier de castroni de la même région sont portés au solde débiteur du marchand.

Il est possible, à partir des quelques chiffres dont nous disposons de parler d'une véritable entreprise d'exportation du bétail du nord de la Corse, aux mains d'un petit nombre de courtiers corses que nos documents situent précisément à Nonza et à Brando. 

Mais c'est le vin qui reste, de loin, à la fin du XIV et au XV siècles, la principale matière d'exportation de la Corse vers Pise.

Nous avons calculé, pour une période allant de 1375 à 1380, la vente et la redistribution à Pise et dans le contado de plus de 2 000 barils (mesure pisane) de vin corse. 

La première moitié du Xsiècle nous fournit des chiffres analogues : le livre de compte du monastère d'Ognissanti {Pise) porte la mention d'achats de vin corse et de sa distribution à l'occasion des fêtes religieuses, régulièrement de 1408 à 1430, et plus particulièrement pour les mois d'octobre à décembre, ceux du vin nouveau seul buvable alors.

Une grande quantité de vin corse est cependant déclaré piqué (infectum-acetosum) à la vente, ou plutôt aux percepteurs des droits de gabelle, ce qui pourrait nous faire avancer l'hypothèse de la fraude fiscale. 

Le vin piqué est taxé moins cher et les autorisations de le liquider rapidement et en gros sont plus facilement accordées.

Certes, les procédés de vinification étaient alors rudimentaires et, même de nos jours, en Corse, beaucoup de petits propriétaires savent mal conserver leurs vins qui ne supportent pas l'exportation.

Toutefois le vin Corse est, au Moyen âge, apprécié et recherché à Pise,

On l'offre aux hôtes officiels de la commune. 

Il sert de moyen de paiement pour leur loyer aux Corses qui s'installent dans la ville. 

Il est enfin la monnaie de change des marchands corses qui viennent s'y approvisionner en produits artisanaux inexistants chez eux.


Les draps de différentes couleurs et de différentes qualités constituent le fret de retour des barques corses.

Consultons, parmi bien d'autres, le livre de vente du marchand de drap pisan, Baldassare Botticella en 1419. 

Nous y trouvons régulièrement mentionnés un Corse de Brando, Giorgio di Strena, un autre de Bonifacio, Guglielmo, et plusieurs autres de Canari et Furiani dans le Cap, pour l'achat de draps pisans, italiens (de Brescia par exemple) ou étrangers.  

 

 

Les grands courants du commerce du drap flamand aboutissent depuis la fin du XII siècle dans ces villes italiennes d'où partent, vers la France, la Flandre, l'Angleterre, les courtiers, les commerçants, les banquiers qui ont redonné son plein essor au commerce de l'Europe occidentale.

Comme tant d'autres, les Corses vont chercher à Pise et à Florence les draps de qualité dont la vente est monopolisée : Giorgio de Brando s'acquitte en quatre fois d'un achat de drap bruschvno de Wervicq. 

Dès lors, il n'est pas étonnant de constater que, dans les livres de comptabilité des marchands pisans, dont les tractations d'achat et de vente sont régulières avec les Corses, ces derniers restent leurs débiteurs pour de fortes sommes : sur les 77 Corses mentionnés dans le registre de compte du pisan Raniero, astaio, plus des trois quarts restent ses débiteurs. 

Les barils de vin corse ne suffisent pas à solder les mesures de draps. 

Ce commerce se révèle déficitaire pour les Corses qui s'y adonnent, et cela est compréhensible pour une île qui n'a aucune activité artisanale importante et reste un réservoir de matières premières pour l'artisanat extérieur (peaux d'agneaux, de chèvres...).

Cependant, une place doit être faite au petit groupe des Corses qui profitent de ces relations commerciales. 

A la différence de ce que nous avons constaté jusqu'ici pour le XIII siècle, nous voyons apparaître aux XIV et XV siècles à l'occasion de voyages vers la Corse ou vers Pise, des contrats de societas maris dont l'une des parties est corse.

 Ce n'est plus uniquement l'association de deux Pisans, le marchand et le navigateur, mais c'est très souvent un patron de barques corse, résidant dans l'île ou à Pise, qui devient l'associé du marchand pisan.

Ce dernier en retire l'avantage d'une plus grande sécurité dans le voyage, en des temps où, nous l'avons dit, les Pisans se font facilement expulser de Corse ou piller leurs barques par les pirates corses. 

Le Corse, lui, participe aux bénéfices une fois l'affaire conclue, comme le veut le contrat. Nous pouvons citer plusieurs exemples d'achats de barques à Pise par des Corses que nous voyons mentionnés sur les registres de la gabelle : en décembre 1425, un Corse achète à Pise un « navire » pour 1500 florins. 

Moins rares sont les exemples d'association entre marins corses et italiens pour l'achat d'une barque et les risques du voyage.

Si pour les XII et XIII siècles, voire même le début du XIV, notre documentation pisane nous permet d'évoquer en détails la domination et la juridiction religieuses de Pise en Corse, pour la fin du XIV et le XV siècle elle nous amène à parler uniquement des relations

Certes, l'archevêque de Pise est toujours primat de Sardaigne et de Corse » ou du moins continue à en porter le titre. Mais les évêchés suffragants depuis 1133 lui échappent.

 

 Les inventaires des biens des Chartreux, héritiers des Bénédictins de l'île de la Gorgone, en Corse, s'arrêtent au XIV siècle.

Seules quelques nominations de « recteurs » pour les paroisses qui continuent à en dépendre (Santa Reparata de Balagne, Santa Lucia délie Venzolascha) rappellent la présence des Chartreux en Corse.

La permanence des relations maritimes entre la Corse et Pise, dans les derniers siècles du Moyen Age, explique déjà la continuité de l'émigration des Corses vers la cité marchande en une période où, ne l'oublions pas, il ne fait pas bon vivre dans l'île déchirée par les rivalités intestines.

Déjà au XIII siècle nous voyons apparaître des indices de dépeuplement.

En 1253, l'évêque d'Aléria appelle les Toscans à repeupler le chef-lieu de son diocèse où la population s'est tellement amoindrie qu'elle n'est plus en mesure de résister aux incursions et aux spoliations des pirates et des nonnuïli magnates. 

Au même moment les Génois organisent des colonies de peuplement, noyaux ruraux et militaires ou bastions stratégiques.

On voit ainsi surgir Castel Lombardo, Sapaladonna, fiefs génois d'outre-mer, alors que la population génoise de Bonifacio et de Calvi s'accroît.

Certes, la population de l'île peut grandir après de telles mesures, mais l'exode des indigènes continue parallèlement. 

La consultation des archives pisanes nous permet d'évaluer approximativement et de regarder vivre à Pise et dans ses environs, les émigrés corses.

Nous n'avancerons de chiffres, difficiles à établir, que pour le XIV siècle et le début du XV siècle, où notre documentation est plus abondante et plus riche. 

Un seul livre de compte d'une boutique de Campiglia nous révèle au milieu du XV siècle la présence dans ce castrum d'une communauté corse très nombreuse : 

de 1433 à 1446, 59 Corses, la plupart chefs de famille, figurent sur la liste des clients. 

A Pise et dans le contado, on a pu recenser pour la période 1350-1400, 447 Corses différents. 

Tous ne sont pas des immigrants récents : certains sont propriétaires de terres et de maisons; pour beaucoup leur lieu d'origine est oublié et ils ne sont plus N. de Nonza ou de Bonifiacio, mais N. « corse ».

L'arrivée de parents et d'amis de l'île continue et accroît le pourcentage des Corses dans la population de la ville. 

S'il nous est impossible de le préciser, en l'absence d'une évaluation globale de la population pisane, nous remarquons cependant que le pourcentage des immigrants récents passe de 8 % (1300-1350) à 19 % (1350-1400) au sein de la population corse de Pise qui a pu être repérée. 

 

D'où émigrent-ils précisément?

 Des mêmes régions de la Corse que nous avons signalées dans les relations commerciales.

Mais pour essayer d'expliquer ce que nous avons considéré comme un accroissement du volume de l'émigration à partir de 1350, tournons-nous vers la chronique de Giovanni délia Grossa, où, entre autres exemples des guerres et ruines sur la terre corse, nous relevons la naissance, peu après 1350, des factions rivales des Caggionacci et des Ristagnacci dans le Cap corse, le Nebbio et la Terra Bagnaninca. 

Le gouverneur génois Tridano délia Torre ne peut en venir à bout et les hostilités enflamment toute la Corse :

 « cette querelle prit tout à coup de telles proportions qu'en quelques jours toute la Corse était partagée en Caggionacci et Ristagnacci ». 

Cent ans plus tard, vers 1450, la situation n'est pas meilleure : 

« Les troubles continuels que les caporaux excitaient chaque jour dans l'île avaient tellement lassé et abattu les populations qu'en voyant encore de nouvelles guerres sur le point d'éclater, elles ne se sentirent plus la force de les supporter et conspirèrent toutes ensemble contre les auteurs de ces désordres... »

Après avoir quitté une île, où seule l'anarchie règne durablement, comment sont accueillis à Pise ces Corses à la recherche de la paix et d'un gagne-pain?

Nous pouvons parler de «communauté corse» de Pise en constatant que la plupart d'entre eux, depuis leXIII siècle, se fixent au point même de leur débarquement : la paroisse San Vito de Pise.

 Elle constitue avec celles qui lui font face sur la rive gauche de l'Arno, San Paolo a Ripa d'Arno, l'entrée de la ville pour qui vient de la mer.

Reliées par le Pons Maris, elles sont le lieu de décharge et de contrôle des marchandises importées, et les barques de vin corse leur sont familières. 

La fixation à la ville, Pise ou Livourne, de la majorité des immigrants corses, est naturelle en une période où l'exode affecte déjà le monde rural.

Les mariages avec les Pisans, la pleine citoyenneté obtenue au bout d'un an facilitent l'intégration. 

Le contado pisan aussi accueille les Corses.

 Ils y sont cultivateurs des terres de l'archevêché ou du chapitre cathedral et de ces mêmes communautés religieuses (Hôpital de Pise, Chartreux) qui ont des biens en Corse.

Pourtant, ce ne sont pas les travaux des champs qui attirent les Corses hors des murailles de Pise. 

Les contrats de livéllo qui existent encore au XIV siècle ne concernent qu'une infime partie d'entre eux.

Ce sont, le plus souvent, leurs fonctions dans les milices pisanes, où ils s'enrôlent volontiers et très nombreux, qui justifient leur présence dans les castra et les rocchae de l'intérieur.

 

Nous avons signalé plus haut le noyau corse de Campiglia, vers le milieu du XV siècle.

Or les listes de sergentes, caporales, balistarii de la commune de Pise tout au long du XIV siècle, mentionnent pour cette localité des soldats corses.

Ainsi, ceux qui ont pu par commodité s'enrôler dès leur arrivée dans les milices destinées à la défense de plus en plus impérieuse de la ville contre ses rivales toscanes, se fixent par la suite aux endroits de leur première mobilisation, y fondent une famille et font venir auprès d'eux les proches parents restés dans l'île natale.

A Pise même, ceux qui ne font pas partie, comme la majorité des Corses, des soldats, marrabenses (Garde personnelle du Conseil des Anciens de la ville de Pise.), officiers de la gabelle ou gardiens de nuit aux entrées de la ville, s'intègrent parfaitement, après un certain temp, au sein de la population « active » de la cité.

On a pu calculer que pour le XIV siècle, 21 Corses, dont 8 marchands de vin, figurent parmi les « gens de métiers ». 

Hors de Pise, dans les villes voisines, nous trouvons aussi quelques artisans corses : Guido Antonio Ucoli de Marianda, originaire de Farinole en Corse, est associé, au début du XV siècle, à l'orfèvre Lucquois Cola di Nicolo d'Arezzo.

 La faible proportion des artisans parmi les immigrants corses s'explique du fait de leur manque de qualification à leur arrivée dans des villes où l'artisanat est depuis longtemps florissant. 

Ceux qui ne peuvent se faire une place dans la classe la plus fortunée de Pise se contentent d'être manuales, journaliers au service du Dôme pour l'entretien des pelouses, les travaux des champs sur les terres du chapitre cathedral.

Les femmes se placent comme domestiques dans les maisons pisanes et il n'est pas rare pour nous de les retrouver sur le testament de leurs patrons en récompense de leurs services.

Certaines, après avoir amassé un petit pécule, assurent leurs vieux jours en le mettant en dépôt auprès de l'Hôpital de Pise.

Arrêtons-nous ici sur cette catégorie des Corses qui vivent à l'Hôpital ou de l'Hôpital et qui sont presque uniquement des femmes, des veuves.

 Les oblates, les converses, soumises à la règle de Saint-Augustin, ne mènent pas nécessairement la vie communautaire dans les bâtiments surpeuplés de l'Hôpital.

Après avoir offert la propriété de leurs terres ou de leurs petites économies au recteur de l'Hôpital, elles sont exemptes des impôts de la commune et peuvent garder l'usufruit viager de leurs biens.

Celles qui n'entrent pas dans la communauté peuvent néanmoins bénéficier de la protection de l'Hôpital en recevant, contre une donation préalable, une rente annuelle en grains ou en argent.

 

En Corse même, l'Hôpital qui possède deux filiales près de Bastia joue ce rôle de protecteur.

Du milieu du XIV siècle au milieu du XV, le rôle politique de Pise en Corse est nul. Les magistrats de la commune doivent essayer de régler les affaires concernant leurs administrés en rapport avec les Corses par l'intermédiaire des gouverneurs génois. 

Mais alors que les chroniqueurs nous montrent l'inefficacité ou la dureté de la domination génoise dans le nord de l'île, nos sources pisanes nous prouvent que cette même zone continue, à la fin du Moyen âge, à bénéficier du commerce maintenu avec l'ancienne puissance colonisatrice.

Ceux des Corses qui ne peuvent s'enrichir dans le trafic du vin ou du bétail et qui ne veulent pas rester dans la misère où les conduisent les haines des factieux, prennent le chemin, suivi par beaucoup de leurs ancêtres, de la côte toscane, et retrouvent leurs parents dans la paroisse San Vito de Pise, à Livourne, à Campiglia et dans tout le contado. 

S'il nous est permis, au terme de plusieurs mois passés à recueillir les documents intéressant la Corse médiévale dans les archives pisanes, de caractériser brièvement ce qu'ont été les relations entre la Corse et Pise au Moyen âge, nous devons, avant tout, distinguer deux moments de leur histoire.

Jusqu'au XIII siècle, Pise a tenté de coloniser l'intérieur de la Corse, et les églises romanes de style pisan sont encore là pour en témoigner.

Jusqu'au milieu du XIII siècle, l'archevêque de Pise a pu se faire obéir de ses suffragants, les Bénédictins de l'île de la Gorgone ont pu, régulièrement, faire l'inventaire de leurs biens et percevoir les loyers de leurs terres corses. 

L'Hôpital de Pise, dont les filiales corses datent de la seconde moitié du XIII siècle, ne perd pas contact avec elles même au XIV siècle.

Mais dès le milieu du XIII siècle, Pise n'est plus intéressée qu'à sauvegarder les dernières positions fortes qui lui sont inféodées le long de la côte Nord-Est et protègent l'arrivée de ses marchands.

A la fin du XIV siècle, elles lui ont échappé.

En Italie, la ville voit consacrer sa décadence par sa subordination à Florence. 

Tous les liens avec la Corse ne sont pourtant pas rompus et ne peuvent l'être brutalement en raison des intérêts économiques des deux partenaires et du brassage de leur population dans l'ancienne métropole.

 

Huguette TAVIANI.

Source : Persée. 

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Annales du Midi : revue archéologique, historique et philologique de la France méridionale

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