Dans les environs de Codogno (une des villes italiennes contaminées), les habitants font la queue devant un supermarché, masques sur le visage.  LP/Philippe de Poulpiquet

Dans les environs de Codogno (une des villes italiennes contaminées), les habitants font la queue devant un supermarché, masques sur le visage. LP/Philippe de Poulpiquet

CORONAVIRUS :
L'ÉCONOMIE MONDIALE CONTAMINÉE.

La crise sanitaire qui se rapproche de la France, avec deux nouveaux cas confirmés ce mardi, inquiète les marchés et le ministère de l’Économie.

Pour 2020, la croissance a d’ores et déjà été revue à la baisse.

Ce n'est pas un grain de sable, mais un virus qui grippe la machine mondiale.

Le coronavirus a pour ainsi dire mis à l'arrêt la Chine, véritable usine du monde.

Comme dans la théorie des dominos, les économies de tous les pays subissent les répercussions de cette gigantesque panne moteur.

« Lors d'une crise sanitaire de cette ampleur, l'impact économique peut être aussi significatif que lors d'une crise pétrolière », prévient Etienne Sebaux, associé au cabinet de conseil Kearney.

A ce stade, Bercy n'a pas encore révisé ses prévisions de croissance (attendue à 1,3 % en 2020), mais table déjà sur un impact négatif de - 0,1 point.

De son côté, la Banque de France a déjà annoncé qu'elle allait « réviser légèrement à la baisse » sa prévision (1,1 % en 2020).

Les marchés dévissent

Les marchés financiers, eux, n'ont pas attendu pour dévisser.

Dans la zone euro, les cours ont dégringolé en moyenne de 5 % ces derniers jours.

Comment expliquer cette panique soudaine ?

« Jusqu'ici, les malades étaient à 95 % Chinois, observe François Chaulet, le directeur général de Montsegur Finance.

Mais aujourd'hui, le virus se rapproche de nous.

Les indicateurs de volatilité, c'est-à-dire le sentiment de risque qu'éprouvent les investisseurs, ont bondi à 25 %, alors que ces cinq dernières années, ils avoisinaient les 14 %. »

Des investisseurs qui redoutent que des mesures de confinement prises les gouvernements en cas de pandémie mondiale plombent la consommation.

Signe parmi d'autres du principe de précaution mis en œuvre un peu partout : sur la ligne Paris-Milan, les contrôleurs SNCF ne vont plus jusqu'en Italie mais descendent à la frontière où ils sont relayés par leurs collègues italiens.

Avec les risques de repli de la consommation, « le deuxième motif d'inquiétude, le plus préoccupant, est celui des chaînes d'approvisionnement industriel », précisait récemment le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, en visant notamment les secteurs de l'automobile et de la santé.

En Chine, d'innombrables usines sont encore à l'arrêt et de nombreux porte-containers sont bloqués dans les ports.

« Ici, sur place, toute l'activité économique est gelée », indique un fonctionnaire du consulat français à Wuhan, l'épicentre de la crise sanitaire.

Des ruptures de stock à prévoir à partir de mi-mars

« Il y aura certainement des ruptures de stock ou des décalages de livraisons liés à l'approvisionnement dans certains secteurs », assure Etienne Sebaux. 

L'automobile, mais aussi l'électronique - écrans LCD, smartphones, etc. - ou les biens de consommation sont durement frappés.

Ainsi, les sept usines de Seb en Chine, dont une à Wuhan qui emploie 1300 personnes, sont fermées depuis la mi-janvier à la demande de Pékin et pour une durée indéterminée.

Depuis, plus rien ne sort des usines chinoises du leader mondial du petit électroménager dont les usines en France risquent de souffrir, elles, du manque d'approvisionnement en composants venus de Chine.

Une situation qui a fait chuter le cours de bourse de Seb qui doit faire ce jeudi une communication aux marchés financiers.

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Dans d'autres secteurs, la situation est moins critique car les entreprises ont encore des stocks.

Exemple dans le textile où les collections printemps-été sont déjà livrées.

Mais entre le voyage en bateau — qui dure un mois et demi — et l'éventuel travail d'assemblage à l'arrivée en Europe, les biens de consommation devraient commencer à manquer dans les rayons d'ici quelques semaines ou mois.

« Il pourrait y avoir un effet dans les magasins à partir de la deuxième quinzaine de mars », confirme Jean-Charles Vogley, délégué général de la Fédération de l'Ameublement et de l'équipement de la maison (FNAEM).

Pour éviter la paralysie du trafic maritime, certaines entreprises se tournent vers un train de marchandise — l'une des nouvelles routes de la soie — qui relie en quinze jours les 11 300 km entre Lyon et Wuhan avec, à son bord, des wagons remplis de matières premières et de produits semi-finis.

Des relocalisations en Europe ou au Maghreb

« Environ 30 % de tout ce qui se produit en valeur sur la planète est fabriqué en Chine, insiste Etienne Sebaux, de Kearney.

La crise du coronavirus est un révélateur du poids de l'Empire du Milieu dans la production mondiale de produits semi-finis. »

Le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, a enfoncé le clou ce mardi.

« Le coronavirus est un game changer (NDLR : un événement qui change la donne) dans la mondialisation ».

« Les entreprises et les Etats prennent conscience de leur dépendance vis-à-vis de la Chine, confirme Etienne Sebaux.

On s'attend, d'ici cinq ans, à ce que les entreprises fassent des démarches de relocalisations, en Europe de l'Est, au Maghreb ou en Turquie par exemple.

Cette dynamique est déjà enclenchée à suite de la guerre commerciale entre la Chine et les Etats-Unis ou de la crainte des menaces climatiques.

Mais il est clair que la crise sanitaire du coronavirus sera un accélérateur.

Désormais, la considération compétitivité-prix va être modifiée par la considération compétitivité-risque. »

Au final, est-ce grave, docteur, pour notre économie ?

Pour l'instant, les symptômes sont encore légers.

Mais tout dépendra de la durée de l'infection.

Du côté des marchés, on espère très vite des signaux « rassurants ».

« Si l'Organisation mondiale de la santé assurait que le pic est passé, si les entreprises communiquaient de manière crédible l'impact réel de la crise sur leur bilan ou si les banques centrales s'organisaient pour faire face, cela pourrait calmer, enfin, la panique. »

Source : Le Parisien.

Par Aurélie Lebelle et Matthieu Pelloli avec Odile Plichon et Catherine Lagrange, correspondante à Lyon (Rhône)

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