HISTOIRE :   CE QUE L'ÉCOLE DOIT ENSEIGNER.

HISTOIRE :

CE QUE L'ÉCOLE DOIT ENSEIGNER.

 

 

Faut-il recentrer l’enseignement de l’histoire sur la France, au risque d’un repli national ?

Véhiculer une image plus positive, plus fédératrice de notre passé ?

Réhabiliter la chronologie à tous les étages ?

La préparation des nouveaux programmes est l’occasion d’un vif débat, qui dépasse largement le cercle des spécialistes.

Quelle histoire pour l’école d’aujourd’hui ?

S’appuyer sur le patrimoine local

Cette expression, note le spécialiste de l’éducation Claude Lelièvre, renvoie à « une histoire exaltante, romanesque, voire légendaire, qui frappe les imaginaires pour façonner une unité nationale ».

Cette approche, popularisée par les manuels d’Ernest Lavisse fin XIXe -début XXe , présentait la Gaule « comme un espace historico-géographique présent de toute éternité » et « plaçait la France à la tête de la civilisation en marche ».

Mais que l’on ne s’y trompe pas, insiste Claude Lelièvre, le roman national ne s’est jamais imposé qu’à l’école primaire. 

« Dans le secondaire, l’enseignement était déjà largement ouvert sur l’Europe et le monde », souligne l’historien.

 

Plaide pour le roman national l’idée selon laquelle la vie des grands personnages offre – comme le montrent bien des succès de librairies – un moyen efficace de donner le goût de l’histoire.

Mais aussi la volonté de faire de nouveau de notre passé un objet de fierté.

Comment peut-il devenir à tout le moins un élément fédérateur, alors que se côtoient des élèves aux origines variées et que les attentats de janvier ont révélé les fractures identitaires ?

« En s’appuyant sur le patrimoine local, en étudiant l’histoire industrielle de la région, en montrant comment les cités ouvrières ont été un lieu d’intégration », suggère Jean- Pierre Rioux.

Cet historien, chroniqueur à La Croix, invite aussi les enseignants à tirer profit des commémorations.

On pense notamment à celles des deux guerres mondiales, qui peuvent être l’occasion d’évoquer le rôle des troupes coloniales.

La sénatrice Fabienne Keller (Les Républicains) va plus loin et propose d’écrire « un manuel d’histoire franco-africain », sur le modèle du manuel franco-allemand.

Aborder les pages sombres du passé avec justesse

Mais pour Denis Peschanski, spécialiste de la collaboration, il faut surtout « insister sur le message universaliste que porte la France et qui la rend attractive ».

Pour lui, il s’agit d’évoquer notre pays « tel qu’il est, un creuset, qui construit son identité à partir de la multiplicité d’identités secondes ».

Ces appartenances identitaires doivent être « reconnues ». 

« Pour autant, il ne faut pas – c’est l’origine de la crise actuelle – qu’elles prennent le pas sur ce qui constitue notre socle commun, les valeurs héritées des Lumières, de la Révolution, des dreyfusards et de la Résistance », soutient Denis Peschanski, pour qui l’enseignement de l’histoire « ne saurait être déconnecté d’un projet politique, la construction de la cité ».

 

Cela suppose de ne pas effacer les pages sombres de notre passé mais de les aborder avec justesse.

En évitant les deux écueils que pointe François Portzer, le président du Syndicat national des lycées et collèges (Snalc) : une histoire « nationaliste », coupée du reste du monde, et une approche qui ne serait que « repentance » face à la concurrence des mémoires.

« S’agissant par exemple de la colonisation, il faut faire sortir les élèves d’un manichéisme qui leur aurait été transmis par l’entourage familial », abonde Jean- François Chanet, recteur de l’académie de Besançon. 

« Il faut évoquer la brutalité de la conquête et du maintien de l’ordre mais aussi les apports en termes d’infrastructures, d’éducation et de santé, de même que les violences survenues pendant et après le processus d’indépendance », plaide-t-il.

La chronologie, remède au diktat de l’immédiateté.

Plus généralement, pour l’historien Jacques Semelin, qui a travaillé sur le sauvetage des juifs sous le régime de Vichy, il faut montrer les « zones grises », faire percevoir que, dans tout événement historique, les « méchants » peuvent aussi se muer en « gentils ».

Au fil des décennies, on est passé d’une histoire largement diplomatique et militaire à un enseignement souvent centré sur la souffrance des victimes.

Est-on allé trop loin dans cette direction ?

 « Avec de jeunes élèves, il serait vain de chercher à s’abstraire de l’émotion, répond Jean-François Chanet. 

L’empathie peut constituer une bonne porte d’entrée.

Mais à condition que l’on ouvre les suivantes », glisse-t-il.

 

« Il faut étudier des documents, savoir contextualiser, construire un raisonnement,avance François Portzer, du Snalc, ce qui suppose de bons repères chronologiques. »

L’histoire, outil de compréhension du présent.


De l’avis de beaucoup, l’école n’est pas là pour transformer les élèves en chercheurs en herbe mais bien pour leur montrer, comme le résume Bernard Phan, vice-président d’honneur de l’Association des professeurs d’histoire-géographie, que « des phénomènes contemporains plongent leurs racines dans le passé ». 

« Le passé n’est intéressant qu’en ce qu’il nous permet de mesurer la distance parcourue, de relever les similitudes, tout en ayant en tête que l’histoire ne se répète jamais à l’identique », poursuit Jean-François Chanet.

 

 

DENIS PEIRON.

Source : La Croix.

Dessin : DELIGNE.

 

 

Retour à l'accueil