Rien de plus beau et de plus apaisant que la Corse vue de loin, depuis le rivage toscan, quand un vent du nord balaie la brume marine et dévoile la grande île dans ses moindres détails, avec une visibilité que seul un temps d'hiver peut donner.

Cachée
 ces derniers jours par le mauvais temps, la Corse réapparaît majestueusement entre l'île d'Elbe et la petite île de Capraia. La silhouette effilée du Cap corse, la pointe du Monte Grosso derrière la montagne de Bastia et, à moitié caché par l'île d'Elbe proche à toucher, le massif enneigé du Monte Cinto qui brille au soleil : la réalité géographique que la Corse fait partie de l'archipel toscan, plus que de "l'hexagone".

Ce n'est pas un hasard, du reste, si la Corse apparaît dans un encadré à gauche des Pyrénées sur ma carte routière française, bizarrement perdue dans le Golfe de Gascogne, alors qu'elle est parfaitement à sa place entre Gênes et la Sardaigne sur ma carte italienne. D'où vient alors cette sensation que la Corse est "ailleurs", pas vraiment française mais pas du tout italienne ?

La séparation dans le temps, alors que la Sardaigne reste ici un prolongement naturel ? La douceur et la tolérance des Toscans, qui va jusqu'à faire voter les immigrés et les apatrides aux élections locales ? Ou le ton très "nationaliste" de Radio Corse Frequenza Mora, qu'on capte parfaitement mais qui finit par lasser à force de décliner la corsitude à toutes les sauces ?

Une chose est certaine, en tous cas. Lorsque Napoléon était retenu sur l'île d'Elbe, pouvant voir la Corse d'encore plus près, ses pensées n'allaient pas vers sa terre natale. Elles allaient vers le continent. Aucune idée de prendre le maquis ou de retourner à Ajaccio. Comme beaucoup de Corses, il avait décidé que son destin était ailleurs. Peut-être n'imaginait-il pas que Sainte-Hélène serait bien pire que Portoferraio et l'Atlantique sud bien plus rigoureux que la mer thyrrénienne...


Pierre Bayle.

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