AJACCIO : GRAND HÔTEL CONTINENTAL

AJACCIO : GRAND HÔTEL CONTINENTAL

Ils goûtaient à l’élégance des lieux.

Ils ne cessaient de s’enchanter de la lumière méditerranéenne et élargissaient leur palette d’un surcroît de couleurs.

Ils étaient, en plus, persuadés que les conditions météorologiques considérées comme optimales leur permettraient de se refaire une santé.

 

A la fin du XIXe siècle et au début du XXe, Ajaccio porte les rêves de Méditerranée pour les touristes aisés venus d’Angleterre et d’ailleurs.

C’est le Grand Hôtel d’Ajaccio et Continental, construit entre 1894 et 1896, sur le cours Grandval, qui est leur point de ralliement.

Conçu par l’architecte Barthélemy Maglioli, l’établissement veut offrir une halte raffinée aux amateurs de dépaysement et de bien-être. Le concepteur a visé haut : son édifice, il l’a voulu beau, élégant mais aussi spacieux et fonctionnel.

Aussi a-t-il opté pour des salons luxueux, des colonnades en trompe-l’oeil. Sa salle à manger est monumentale – tout y paraît démesuré : les glaces, la cheminée, les peintures...

Maglioli a aussi eu le souci d’aligner pas moins de cent chambres avec bains, puis d’aménager un parc de 12 000 mètres carrés. Confort assuré jusque dans le moindre recoin.

Sissi impératrice

Le bâtisseur a bien étudié le cahier des charges qu’on lui a remis.

Pour l’inspiration, son regard s’est tourné vers la Riviera, du côté de Menton, ainsi qu’à Londres et à Rome. Le bâtiment abonde en références.

C’est aussi sa manière de faire converger les horizons.

Et cette architecture rehaussée de loggias, de motifs variés tels que fleurs, guirlandes et autres volutes, produit l’effet escompté.

L’écrivain Victorien du Saussay ne s’y est pas trompé, qui tombe sous le charme des lieux.

Il croit avoir trouvé sa terre promise ou du moins, « le palais moderne de la ville.

Il s’élève au-dessus de luxuriants jardins, sur le flanc d’une colline verdoyante où grandissent et fleurissent les fleurs et les arbres les plus divers.

Toutes ses fenêtres s’ouvrent sur le Sud.

Il domine la mer avec une riante majesté.

Du large, il s’offre comme un caravansérail de rêverie dans sa parure de palmiers géants. »

Il n’est le seul à se sentir ébloui et à se trouver à l’aise dans ce décor.

L’hôtel, au comble de sa gloire, voit défiler du beau monde, surtout en hiver. Tout le gotha européen ou presque ressent le besoin de vivre cette expérience ajaccienne haut de gamme.

Des princes, des comtes, des barons autrichiens, allemands, anglais ou Français franchissent les grandes portes.

Dans la liste figurent quelques clients plus prestigieux que les autres, à l’image de François-Joseph 1er, roi d’Autriche et de Hongrie.

Son épouse, Amélie-Eugénie Elisabeth de Bavière, - Sissi impératrice - l’accompagne.

On y croisera aussi le romancier Joseph Conrad, le duc Georges II de SaxeMeiningen.

Le service est exécuté à la perfection.

C’est le gérant, un Suisse du nom de Téophile Hofer qui veille, avec son équipe, à satisfaire les moindres désirs d’une clientèle triée sur le volet, aussi fortunée qu’exigeante.

Hofer sera remplacé tour à tour par Paul Lafond- Prével, propriétaire de l’Hôtel de la Trémouille à Paris, puis par Maurice Prével, propriétaire du Grand Hôtel de la Paix et de l’Hôtel Méditerranée à Nice.

Le savoir-faire acquis ailleurs est mis au service d’Ajaccio et, quelle que soit la période de l’année, l’hôtel doit rester un lieu de divertissement et de plaisir où l’on s’affranchit des guerres et des autres tensions internationales.

Car l’établissement offre aussi une juxtaposition de petits rituels qui excitent l’insouciance.

La fête est finie

On s’autorise une balade au bord de mer ou jusqu’à la grotte de Napoléon, on en profite pour se mêler au grand souffle de l’Empire, on boit le thé à heures fixes, puis on danse dès que l’orchestre italien donne le tempo.

Des rapprochements s’opèrent parfois avec l’aristocratie locale.

Entre gens de bonne compagnie, on s’invite dans les salons du Grand Hôtel et on se rend l’invitation chez le Préfet, chez le vicomte Sébastiani ou encore dans la résidence de Jean Lanzi, un riche négociant de la ville.

Dans la ville natale de Napoléon, on côtoie encore des noceurs parfaitement capables de mener le bal, ainsi que l’observe le bon docteur Bennet, qui soigne ses patients anglais à coup de rayons de soleil.

Dans son carnet d’adresses, il a retenu « les juges, les magistrats, les officiers de la garnison, les ingénieurs, les hauts employés et beaucoup d’anciennes familles corses ».

Il n’est jamais déçu.

« Tous ceux avec lesquels j’ai été en rapport m’ont semblé imbus de sentiments d’une extrême bienveillance pour les visiteurs tant nationaux qu’étrangers, et désireux de leur être utile ».

Tout va pour le mieux dans ce meilleur des mondes à l’ajaccienne.

La grande fête s’achèvera dans les années 1910.

En 1914, une autre histoire débute.

Celle d’une guerre qui laminera l’Europe et éteindra les flonflons des bals du Grand Hôtel Continental.

 

Source : Corse Matin.

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