SARTENE.

SARTENE.

Le soir du vendredi saint son aspect est lugubre.

Dès le crépuscule toutes les demeures s’illuminent: aucune famille ne manquerait à ce devoir.

Alors cette ville sombre d’habitude voit ses ruelles, ses carrefours, ses plus obscurs dédales s’éclairer d’une lumière inaccoutumée.


Subitement la porte de l’église paroissiale s’ouvre toute grande et la confrérie du Saint-Sacrement s’avance.

Les pénitents sont revêtus d’une grande tunique blanche descendant jusqu’aux talons, leur tête est recouverte d’une cagoule de même couleur et sur leurs épaules s’étale un camail rouge avec un saint-sacrement brodé d’or sur la poitrine.

Ils s’avancent sur deux rangs, avec lenteur, de longs cierges à la main.

Au milieu de la haie qu’ils forment marche le catenaccio, représentant le Christ.


Ce catenaccio est vêtu d’une longue cape noire, sa tête disparaît sous une cagoule de même couleur percée de deux trous à la hauteur des yeux; il s’en va nu-pieds, traînant à sa jambe droite une grosse chaîne de fer, tandis que ses épaules courbées s’affaissent presque sous le poids d’une énorme croix.

Le porteur a fait vœu d’expier ainsi un crime ou quelque faute grave.

Souvent des bandits, de connivence avec le prieur des pénitents, sont venus se charger de ce fardeau en expiation de leurs forfaits.

Cette lugubre procession déroule ses anneaux à travers les rues tortueuses et se dirige ensuite vers l’oratoire de San Bastiano, où elle s’arrête.

Parfois la lune s’élevant derrière les montagnes est venue montrer sa face pâle et agrandie au-dessus de ce cortège fantastique qui va dévalant par les chemins aux lueurs crépusculaires.

Gaston Vuillier, à Sartène en octobre 1890.

 

 

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