HISTOIRE DE LA CORSE : 1560 - 1769.
HISTOIRE DE LA CORSE : 1560 - 1769.
SIMON GRIMALDI
Canto alla Corsica
0 di boschi superba, d'eroi
Madre antica e di libera prole,
O mia terra sorrisa dal sole,
E dal mare che sommesso, tra i fior,
A tuoi pié di granito depone Il rumor di sue collere audaci,
T'amo, O terra degli odii tenaci, T'amo, O terra degli ferviti amor.
Giuseppe Multedo.
Telle un joyau, parée des bois qui te revêtent,
Mère antique d'un peuple vaillant et insoumis,
0 ma terre..., dans l'éclat du soleil, fière, tu resplendis,
Lorsque la mer domptée, de ses folles tempêtes
A tes pieds de granit déposant ses colères,
Déroule sous tes fleurs un tapis de velours.
Je t'aime, o pays des haines séculaires,
Je t'aime, o pays des ferventes amours.
Après le traité de Cateau-Cambrésis, le 3 avril 1559, la Corse va vivre une période dite "de l'entre-deux-guerres" - de 1560 à 1564 -, séparant deux conflits :
- celui des Français et de leurs alliés corses contre l'Office de Saint-Georges, qui durera six ans (1553/1559),
- celui de Sampiero Corso contre Gênes (1564/1567).
A la mort de Sampiero en 1567, son fils, Alphonse d'Ornano, continuera le combat, vain, jusqu'en 1569.
De 1569 à 1729, durant cent soixante ans, la Corse demeurera sous l'autorité et la dépendance de Gênes.
En 1729, le soulèvement des paysans du Boziu va entamer une guerre qui se poursuivra jusqu'en 1769, date de la défaite des Corses contre les Français à Ponte Novu et de la perte de leur indépendance.
1560.
— Ainsi depuis quelques mois, après le départ des Français, la Corse est propriété de l'Office génois de Saint-Georges, Casa di San Giorgio, compagnie bancaire, puissante et souveraine à l'égal d'un Etat.
Elle le restera jusqu'au 30 juin 1562, date à laquelle la Casa rétrocédera ses droits sur l'île à la Signoria de Gênes : le doge et ses ministres.
Les commissaires-gouverneurs en place - deux anciens administrateurs de l'Office qui ont succédé à Giovan Battista Grimaldi et à Cristoforo Sauli -, sont : Andrea Imperiale et Pellegro Giustiniano Rebuffo.
Arrivés en décembre de l'année précédente, ils ont été investis de pouvoirs très étendus, d'autorità grandissima.
LA CORSE GÉNOISE
Janvier.
Comme tous leurs prédécesseurs, dès leur entrée en fonction, ces gouverneurs convoquent une assemblée générale, Veduta* ou Dieta.
Intimarono per tutta FIsola una generale Dieta in cui, oltre i soliti rapresentanti, dovessero intervenire con tutte le facultà due Procuratori per ogni distretto.
A cette convocation doivent répondre, outre deux délégués par juridiction, tous les représentants traditionnels de toutes les communautés.
Cette Veduta se tiendra hors les murs de Bastia, sur les collines avoisinant la ville, nelle colle fuori della Bastia.
Istoria della Corsica par Anton Pietro Filippini, archi-diacre de Mariana. p. 378.
Cambiagi** fait une erreur de date en affirmant que cette réunion a eu lieu à la fin du mois de janvier, alors qu'il annonce l'arrivée des nouveaux gouverneurs au début du mois de mars, ai primi di Marzo del 1560.
Le souci majeur de ces commissaires, dès leur reprise du pouvoir en Corse, au lendemain d'une guerre longue, cruelle et difficile, est de prévenir, d'enrayer et au besoin d'étouffer la moindre velléité d'action, de résistance ou de rébellion de la part d'un peuple fraîchement conquis.
Le désarmement est, à leurs yeux, l'action prioritaire.
On l'entreprend donc, au début de cette année, car il doit être soudain, rapidement exécuté et aussi complet que possible.
*Veduta, Dieta : réunion au cours de laquelle on échange des points de vue. des idées, des convic- tions ou des principes. Synonyme d'assemblée délibérante.
**Cambiagi (Giovacchino) : historien toscan né en 1740, mort à Florence vers 1801.
A toujours été très lié aux nombreux patriotes corses dont il publiera, en qualité d'imprimeur, les proclama- tions contre Gênes.
Il écrira une Histoire du Règne de Corse, Storia del Regno di Corsica (en 4 vol. Livourne 1770/74), dont la valeur critique est certes discutée, mais d'une extrême richesse en documents du plus vif intérêt.
Il a, par ailleurs, laissé un volume d'une Histoire de Sardaigne.
De nombreuses arquebuses - un millier - sont ainsi récupérées en peu de temps par le nouveau pouvoir.
On en brise aussitôt plus de six cents.
Seul est désormais permis le port d'une lame épointée, de moins de vingt-cinq centimètres de long (un palmo) et, au voyageur, une arme défensive, épée ou gaffe, spada o gancia.
Les cultivateurs sont autorisés à porter leurs rostaghje e piole pennati, serpes ou serpettes, seulement pendant les travaux.
Puis les Génois s'attaquent à la destruction immédiate et totale de toutes les forteresses non garnies de leurs effectifs, pour la plupart édifiées sous le gouvernement français de Giordano Orsino, et, plus particulièrement, celles de San Fiurenzu (Saint-Florent), Belgudè (Belgodere) et Ischia, petit bastion sur l'étang de Biguglia.
Février.
Le 11 :
Première Veduta d'après-guerre des nouveaux commissaires génois.
Malgré le froid et la neige, on y compte plus de six cents délégués.
A la première session, après les discours protocolaires et de longues arguties, on échange les serments.
Le lendemain, on élit les Douze, Dodeci : six pour le Dilà (le Nord) et six pour le Diquà (le Sud).
Les Dodeci sont des nobles dignitaires, ayant un rôle de représentation, de conseillers et de coopération auprès du gouverneur, pour tout ce qui regarde l'administration et, surtout, la fiscalité.
C'est ce point, essentiel, qui va être maintenant évoqué avec le discours du commissaire :
- il rappelle que la Banca di San Giorgio a beaucoup investi et peu récupéré dans cette affaire de Corse ; que la guerre lui a coûté vingt-cinq mille lires (alors que des comptes ultérieurs ont montré que les dépenses de l'Office n'ont jamais dépassé dix mille lires), et que, si l'on envisageait d'éponger les dettes fiscales impayées par les Corses depuis sept ans, il faudrait, dès aujourd'hui et pour un certain temps (il s'agit d'une durée de cinq ans), participer aux dépenses de toute la communauté génoise.
On discute, longtemps, le type et la forme de cette participation.
Les commissaires génois, qui n'ont jamais transigé avec l'argent, finissent par l'emporter :
- il est décidé d'une taxe dont le montant, de trois pour cent, sera prélevé sur les richesses de chacun, un impôt sur la fortune en quelque sorte, mais payé par tous les possédants, grands ou petits.
Reste à déterminer la ou les matières assujetties, le nombre et la situation des contribuables, car tout, absolument tout, doit être déclaré dans un délai de quarante jours.
"Tutti gli abitanti della Corsica nel termine di quaranta giorni dovessero dare in nota tutto il loro avere, tanto in terra, quanto in alboretti, in bestiami, in negozii, o in arti."
Istoria della Corsica. Limperani. T. II.
Chaque habitant doit estimer la totalité de ses biens :
- mobilier et immobilier, terres, arbres, cheptel, tous doivent déclarer leurs négoces, leurs activités artisanales..., avant le terme prescrit.
Pour éviter toute supercherie, il n'est pas révélé le but exact de cet inventaire.
Si bien que nombreux sont ceux qui, par forfanterie ou par intérêt, tombent dans le piège en sur-estimant très largement leur patrimoine.
Car on leur a laissé croire que ces déclarations seraient pour eux source de bénéfices, qu'ils en tireraient titres de propriété, honneurs et charges, et que le fisc s'emparerait de ce tout ce qui n'aurait pas fait l'objet d'une déclaration de propriété.
Si bien que toute chose est estimée, surestimée même, et déclarée, au grand dam des naïfs déclarants.
Le recensement des feux, le relevé de tous les biens, le rôle des contribuables rondement menés, la redevance est exigée, senza rispetto alcuno, sans ménagement aucun, sauf pour les veuves et les impotents, précise Dom Ph. Marini : Gênes et la Corse après le traité de Cateau-Cambrésis.
Cet impôt, exceptionnel et provisoire au dire des dirigeants génois, vient s'ajouter au traditionnel impôt annuel de 20 sous, soldi venti per hanetta, par béret (chef de famille), ou per testa, par tête, augmenté des taxes sur le sel, le fer et quelques marchandises...
Chaque chose payable en livres de Gênes, car toute monnaie étrangère (française le plus souvent), dévaluée et bannie, n'aura bientôt plus cours.
D'autres mesures, toutes restrictives, sont prises ou annoncées :
- interdiction à tout Corse de servir le moindre prince ou seigneur étranger sans l'auto- risation des magistrats génois ; on exige des familles de déclarer leurs parents qui se trou- vent dans cette situation, hors de l'île ;
- défense à tout étranger à la ville de circuler sur le territoire de Bastia après l'angélus.
Des notables, tel Catacciolo de Bonifacio opposé à Gênes, sont interdits de séjour chez eux ;
- ordre est donné à tous les Corses expatriés de rentrer chez eux au plus vite, sous peine d'expropriation de tous leurs biens ;
- censure de toute correspondance entrant ou sortant de l'île ; - fixation du prix de la viande salée à 20 sous...
On prépare ensuite l'élection des nouveaux podestats (sorte de baillis) dévoués à Gênes cette fois, afin de contrebalancer l'autorité des caporali - cet ordre de noblesse plébéien- ne - turbulents, insoumis, inconstants et, qui plus est, amis de la France pour la plupart.
La Casa, s'en méfiant au plus haut point, veut réduire leur puissance en restreignant leurs privilèges. Il leur est désormais interdit de défendre ou même d'assister en justice quiconque de leurs seguacci (suite de partisans).
On interdit, chose étrange, au curé de Portivechju* de résider dans sa paroisse sous pré- texte que, mis en place par l'autorité précédente, il ne peut qu'être lié à la France, donc soupçonné de ne pas être l'ami de la Casa, alors que les Anziani** de la même paroisse font don à San Giorgio de 2 000 lires payables dans un délai de quatre ans.
Le mécontentement de tous, énorme, va éclater. Certains caporali, comme Lodovico Giacomo ou Pier Antonio, parlent de s'exiler...
D'autres, comme Achille di Campocasso, incitent à la révolte ou prennent les armes. Taddeo di U Petricaghju d'Alesani, profrançais notoire qui a passé outre aux ordres de la Casa, est emprisonné, puis assigné à résidence en Terra ferma, à Levanto, à Vintimille enfin, où il vivra misérablement et très peu de temps.
Cependant, affirment les Génois, toutes ces mesures, aussi coercitives et impopulaires paraissent-elles, sont prises à seule fin de ramener la paix, la justice, et de redonner ardeur et foi dans le travail : tornare la giusticia e la fiducia nel lavoro.
Si par ailleurs, assurent-ils, les Corses ont été contraints de restituer toutes leurs armes et s'il leur est interdit désormais de conserver même les plus légères, c'est à cause des innombrables vendettas, piaga cancrenosa, plaie gangreneuse qu'il faut à tout prix élimi- ner de Corse.
Cette année, les commissaires de la Casa s'enorgueillissent d'avoir réglé une cinquan- taine de ces inimitiés.
*Porto-Vecchio, toponyme dont la signification est évidente (vieux port, Portus Vetus, ancien, antique), voit sa graphie habituelle et officielle, utilisée depuis toujours dans les textes, actes nota- riés ou sur les cartes de géographie, remplacée par une ou plusieurs formes écrites tirées de l'oralité et consacrées par l'usage de la langue : Portu-Vecchju, Purti Vechju, Porti Vecchju, Portivechju ou Porti Vettiu - cette dernière forme étant typiquement locale.
Au modeste avis de l'auteur de ce livre, toutes les formes pourraient être retenues, puisque, sans doute prononcées depuis des siècles, elles se trouvent écrites depuis fort longtemps.
Portivechju, d'un graphisme plus moderne, plus intimement lié au lieu géographique éponyme (un nom et un adjectif, lesquels, juxtaposés, sont devenus nom propre), semble être adopté. Nous l'uti- liserons donc, indifféremment, avec le toponyme classique
**Anziani. les anciens, les sages (Padri di u Cumune). Dizziunariu U Muntese.
Les résultats de cette bonne administration semblent, toujours aux dires des Génois, se manifester très tôt au niveau de la justice, rétablie et rendue avec impartialité et équité :
- tous les scélérats, malfaiteurs et voleurs, sont punis avec la même grande sévérité, et tous ceux qui, amis ou fidèles de Gênes, abusent de leurs privilèges ou de leur autorité, seront traités de la même façon.
Tel ce notable d'Erbalunga, Alfonso de'Gentili, qui, sous le prétexte de Vaccattu, rançonne et "rackette" les bergers des pièves de Serra et d'Ortu.
L'accattu était ce "don" que certains seigneurs corses revendiquaient et recevaient à titre d'hommage de leurs sujets.
Véritable impôt de reconnaissance importé de Pise, son usage, quoique maintenu en Corse, avait fini par être très limité, sinon oublié.
Alfonso en faisait une obligation et, sur les troupeaux de tous ses bergers, il exigeait une ou deux pièces pour se constituer par cette extorsion et sans frais, un abondant cheptel.
Les ministres de San Giorgio, ne voulant pas laisser apparaître d'aussi flagrantes exactions, punissent durement l'escroc, en menaçant de faire trancher la tête de ses adeptes.
Alfonso, emprisonné quelque temps, sera finalement exilé à Gênes.
Autre embellie dans ce climat de paix et de justice retrouvées que les Génois veulent faire régner en Corse : les évêques d'Aleria (Francesco Pallavicino), de Mariana (Nicolà Cicala) et d'Accia (Giulio Soverchio, qui sera le dernier titulaire de cet évêché réuni peu après à celui de Mariana par Pie IV), sont de retour dans leur diocèse, en Corse, où ils doivent obligatoirement séjourner.
A signaler néanmoins que cette mesure a été imposée par le concile de Trente.
A relever, aussi, le refus d'autorisation du commissaire d'exporter le blé de Corse - en ces temps de disette - et l'accueil, fait par les Protettori de Gênes à la délégation des difensori venus exprimer la détresse de leurs compatriotes corses, après la série des très récentes incursions barbaresques, particulièrement meurtrières et dévastatrices.
Il sera promis à ces difensori un allégement d'impôts pour toutes les populations touchées par ces tragédies.
Le 4 mai de cette année 1560, les Turchi di Barbaria débarquent en Corse.
Avec vingt-sept galères, un millier des leurs et, à leur tête, le fameux renégat corse Mami, de la piève de Pino, ils ravagent Centuri, Morsiglia, ed altri piccoli luoghi.
Les gardiens des deux petites tours d'Ortinola et les habitants se défendent avec acharnement ;
- quelques-uns, dont un certo Zaccagnini, se couvrent de gloire.
Après avoir saccagé ou brûlé une trentaine de maisons, les Turchi abandonnent la place, en laissant seize des leurs sur le terrain.
Juillet.
Arrivée du nouveau gouverneur, Gasparo Cattaneo dell'Uliva (Oliva).
Au cours de la Veduta qui suit sa prise de fonction, il incite, avec beaucoup de persuasion, de diplomatie (c'est un homme d'une grande sagesse politique), les capipopoli à faire pression sur leurs administrés afin que, sans tarder, ils se mettent en règle avec le fisc.
Les notables corses rétorquent que si Gênes a fait autant d'efforts pour conquérir et garder leur pays, c'est sans doute afin d'en tirer quelque profit, mais que la Signoria ne compte pas sur eux pour exiger de tels sacrifices de la part de leurs concitoyens ;
- ces derniers étant dans l'incapacité de payer des taxes aussi lourdes et un impôt aussi élevé, éprouvés qu'ils sont par la récente guerre et les drames des agressions barbaresques !
Néanmoins, le commissaire génois Oliva impose le recouvrement immédiat de ce qu'il considère comme une dette.
Il menace, écrit à Gênes pour quérir la force armée, per aver la forza..,
Puis il se rétracte, reçoit un millier de soldats qu'il répartit un peu partout en Corse, frà tutti i presidy, mostrando che per guardia di quei, e non per altro effetto fussero venuti, assurant qu'il les a fait venir pour assurer leur sécurité et non pour quelque autre raison.
Des habitants du Nebbiu, de Vescuvato, payent...
D'autres se plaignent, rechignent, refusent de s'acquitter ou se révoltent.
Achille de Campocasso prend les armes...
On l'arrête, on l'exile.
C'est alors que le gouverneur conseille aux capipopoli corses de déléguer auprès des ministres de la Casa, six députés, des difensori : quatre pour le Diquà et deux pour le Dilà.
Ces envoyés ayant pour mission de rendre compte de l'état déplorable de l'économie de l'île, de la détresse de ses habitants et de l'absolue impossibilité pour eux de faire face à des contraintes fiscales aussi dures.
Filippini, notre historien du moment, fut, dit-on, à l'origine de cette initiative.
Parmi les difensori Cismontini - ceux de l'en deçà des monts, du Diquà - venus à Gênes plaider la cause de leurs malheureux concitoyens, notre chroniqueur Marc-Antonio Ceccaldi di U Viscuvatu.
Au bout de quelques jours, tombé gravement malade, Marc-Antonio rend son âme à Dieu :
"infermandosi à Genoua fra puochi giorni rese il spirito à Dio..."
Et Filippini, qui, sans grand scrupule, fit siens les écrits de Ceccaldi, d'ajouter :
"privando la patria nostra delle virtù sue", privant notre patrie de toutes ses vertus.
Septembre.
Le 10 :
Nouvelle tentative des Turchi, plus fulgurante et importante cette fois.
Avec cinq compagnies, ils débarquent sur les plages de Mariana, à la Punta d'Arco et à Zuccaghja, tentent d'investir U Borgu, U Viscuvatu, A Venzolasca...
Les habitants de la Casinca se mobilisent, tendent une embuscade.
Victimes de leur inexpérience ou de leur imprudence, ils sont mis en déroute par les Turcs, auxquels ils doivent abandonner six des leurs.
Exilé, esule della Patria, depuis 1557, à soixante-deux ans, Sampiero Corso est en Provence.
Claude, comte de Tende, de la maison de Savoie, vient d'y appeler ce colonel disponible pour jouer un rôle pacificateur dans les troubles qui agitent alors la Provence, où catholiques et huguenots s'entre-déchirent.
Il confie à cet ami, dont il est le parrain de la fille, la charge de gouverneur d'Aix, assortie d'une solde de six écus par jour et de diverses prébendes.
Arrivé à Aix le 20 septembre, le Bastelicacciu n'occupera son poste que quelques semaines.
Peu averti des usages locaux, mal accueilli par les autorités du lieu pour avoir voulu, si tôt venu, imposer son autorité, bridé et contré par les consuls d'Aix-en-Provence jaloux de leurs prérogatives, Sampiero est bientôt contraint de quitter la ville, sans solde, dessaisi de sa charge au profit d'un seigneur de l'endroit et prié de vider l'appartement qu'il occupe dans le couvent des Dominicains.
Il est à Marseille.
Dans le dénuement, croit-on.
Certes non.
Car, outre les quatre-vingt-quatorze écus vaillants qui lui ont été alloués pour sa vacation aixoise et l'ordre de paiement de trois mille autres écus, il serait possesseur, entre créances et placements, d'une véritable petite fortune.
Il vit dans une confortable maison de la darse, près du port (octroyée et plus tard délaissée par Charles IX roi de France et comte de Provence), avec sa femme, Vannina d'Ornano et leurs quatre enfants : deux garçons, Alfonso, Anton-Francesco, et deux filles, Franchetta et Alfonsina.
Dépouillé de sa seigneurie d'Ornano et par-dessus tout incapable de vivre dans l'inaction, Sampiero songe, jour et nuit, aux moyens de raviver dans sa patrie le feu de la révolte, d'arracher son pays des mains de ses oppresseurs..., même si, victorieuse, sa guerre risque de précipiter l'île, déjà si malheureuse, dans une série de drames et de misères.
L'objet constant de ses pensées, affirme-t-il, est le sort misérable de ses compatriotes.
Les magistrats de Saint-Georges, qui redoutent Sampiero, s'emploient à éviter un dangereux conflit en limitant le contentieux qui les oppose à leur ennemi de toujours.
Dans une lettre à la cour de France, ils assurent qu'ils renoncent à le poursuivre pour ce qu'ils estiment leur être dû et réclamé par leur administration.
Ils consentent en outre que le colonel corse demeure au service de la couronne, malgré le récent décret interdisant aux Corses de servir d'autres princes que ceux de la République de Gênes.
Pour ce qui est du reste du litige, ils affirment qu'ils appliqueront la loi, commune à tous, sans rigueur, ni complaisance.
Ils répondent ainsi aux doléances de la reine mère de France, Catherine de Médicis, sollicitée par les récriminations de Sampiero, son protégé.
7 novembre.
Récidive des Barbaresques sur Viscuvatu, avec, cette fois, treize galères bourrées de Turcs.
Filippini raconte longuement ces raids sur la Casinca et les prouesses de ses habitants, dont celles d'un prêtre nommé Jasone Leonardi...
Ces incursions sont le fait de pirates de tout poil, Berbères, Turcs ou Maures, et de leurs complices locaux, renégats ou impies, qui, de leurs repaires-bases familiers du cap Corse ou des îles de la région bonifacienne, procèdent à des raids soudains et fulgurants, le plus souvent au cours de la belle saison, faisant preuve de mille cruautés, mettant tout à feu et à sac, usando mille crudeltà, mettendo quasi tutto afuoco e a sacco.
Giacomo Gastaldi, cartographe italien, originaire de Villafranca (Piémont) né vers 1500, mort à Venise en 1566 ; auteur d'une Géographie de Ptolémée en 1548 comprenant soixante cartes, nommé en 1558 professeur de géographie à l'Accademia della Fama de Venise, il publie cette année sa Carta dell'Isola di Corsica, dont une copie, anonyme, sera tirée peu de temps après.
1561.
— Malgré le traité de Cateau-Cambrésis garantissant l'amnistie, Sampiero, peu ou pas rassuré par la modération apparente de la Signoria et toutes les promesses de ses magistrats, ne songe qu'à reprendre la lutte afin de délivrer son pays de la tutelle génoise.
N'ayant cure de ses intérêts ni de ceux de sa famille, estimant, affirme-t-il toujours, son honneur compromis s'il abandonnait la cause de ses compatriotes après leur avoir mis les armes à la main, il continue à espérer, sinon à croire en une possible reconquête de la Corse grâce à l'aide ou à l'intervention de la France.
Janvier.
Il planifie son action et s'organise.
En Corse tout d'abord, où il compte de nombreux partisans et amis, véritables agents recruteurs, de renseignements ou de propagande, qui entretiennent avec lui une correspondance (écrite ou orale) très assidue, prêts à organiser la résistance et à préparer l'île à sa venue prochaine :
Raffaele di Brando, Giacomo della Casabianca, Leonardo di Corti et Marco d'Ambiegna.
Sur le continent, à Marseille ou ailleurs, il s'est abouché avec tous les mécontents, de Gênes ou d'Espagne : bannis de la Signoria, amis du doge Fregoso - chassé du gouvernement sous tutelle espagnole -, Romains ou autres Toscans...
Il rappelle ses griefs à la mère des jeunes rois, François II et Charles IX, qu'il sait en très mauvais termes avec les Génois : arbitraire, iniquité, fausseté et parjure de ces ennemis irréductibles envers les Corses restés attachés à la France et envers lui-même, le plus fidèle de ses serviteurs.
Il adjure la reine mère de ne pas abandonner l'île, luogo di tanta importanza ed un popolo sifidèle...
D'autant que la reconquête serait chose facile, bien peu d'argent serait nécessaire, étant donné les bonnes dispositions de la plupart des Corses, prêts à vivre et à mourir en fidèles vassaux de la couronne...
E con pochissima spesa, essendo li gentiluomini e popoli di quel paese oggi piu che mai pronti a viver e morir vassali e fedelissimi alla Corona di Francia.
Catherine écoute Sampiero, mais, soucieuse de ne point raviver avec les Génois - protégés du roi d'Espagne Philippe II - les querelles et les guerres des années passées, res- pectueuse du récent traité, la reine de France ne peut, ouvertement et matériellement, satisfaire son colonel qui la supplie de pourvoir, seulement au recrutement de mille sol- dats, il modo solamente di pagar mille fanti.
Ne pouvant, pour l'heure, prodiguer que ses conseils, la reine promet de faire de son mieux et dirige Sampiero vers Antoine de Bourbon, le roi de Navarre.
Le père du futur Henri IV, mécontent à juste titre du roi Philippe - lequel l'avait dépossédé d'une partie de ses Etats -, aurait bien voulu donner suite aux projets du protégé de Catherine de Médicis ;
- mais, jugeant plus prudent de ne pas se lancer dans une périlleuse aventure, il suggère à Sampiero une autre alliance, proposée comme beaucoup plus efficace que la sienne, sans doute, celle du Grand Turc.
Naît alors et s'organise le projet du voyage de Sampiero à Alger, puis au Levant, à Constantinople, auprès de Soliman II, le Magnifique.
Février.
Par décision des Dodeci, la Signoria impose deux sous par feu pour la participation de tous aux frais de l'ambassade des Difensori-Oratori corses à Gênes.
Le 26 :
À la suite du mémoire revendicatif adressé par la communauté calvaise aux
Protettori delle Compere di San Giorgio, ces derniers répondent point par point aux sollicitations des citoyens de la Semper Fidelis.
Ces réponses sont très décevantes et loin, très loin des promesses faites par les Magnifiques de la compagnie bancaire ;
- ils s'en excusent néanmoins, prétextant que, pour l'heure, le Trésor est vide, perché al presente l'Erario della Magnifica Casa è molto esausto..., que les Calvais doivent s'estimer tout à fait heureux de ce qui leur a été accordé, qu'il ne leur sera jamais plus donné l'occasion de se plaindre, et que, à l'avenir, ils n'auraient qu'à se louer des largesses de leurs très affectionnés Seigneurs et Pères.
"Se i Calvesi domandano una strapunta e ricevano un Lectum, possono restar persuasi della liberalità del lor Principe...", ajoute ironiquement l'Abbé Salvini dans sa Giustificazione della Rivoluzione di Corsica, un siècle plus tard, en 1758 :
- si les Calvais, qui demandent un matelas, reçoivent un lectum (terme pris sans doute au sens de lit funéraire), ils ne peuvent qu'être convaincus de la libéralité de leurs maîtres !
Mars.
Le 18 :
Sampiero, toujours en quête de secours pour sa Guerre de Corse, écrit à Cosimo 1er de'Medici, son seigneur de toujours, "Signor patrone mio sempre", duc de Toscane, par l'intermédiaire du Piuvanello di Calvi, Giovan-Francesco Cemucoli.
Il le supplie de ne pas oublier sa malheureuse patrie, umilmente pregarlo a voler axer in mimoria la povera nostra patria.
La réponse du duc est extrêmement courtoise, mais prudente : rien qui puisse alarmer Gênes ou l'Espagne, ni paroles d'encouragement, ni promesses ;
- malgré son désir, son intention peut-être, d'ajouter la Corse à ses possessions.
Les Génois, conscients du danger, réagissent, organisent riposte et traque.
Le 29 :
Les Oratori, députés envoyés auprès des Magnifiques seigneurs de la Casa, obtiennent un plan de réduction de l'impôt tant décrié ;
"il s'agit d'un abattement de 50 pour cent sur la plupart des charges", écrit Robiquet : pour les plus riches, de trois écus, de trois livres pour les autres ; le commissaire ayant le pouvoir d'exempter les plus démunis.
"e per i poveri, fù rimesso all'arbitrio del Commissario".
Ambrogio Rossi. Lib. 4. Oss. 6.
"E i popoli, veduto quel notabile difalco nell'una, e nell'altri imposi-zioni, non ebbero difficultà di pagare l'una e l'altra."
Devant cette notable diminution, le peuple paya sans difficulté toutes les taxes, affirme Limperani.
D'autant qu'il fut promis une révision du cadastre et des rôles.
Avril.
Le 21:
Défense expresse, par Grida (criée, annonce verbale faite sur la voie publique), d'exporter hors de Corse chiens, chevaux ou juments du pays !
Le 25 :
Par lettres de Fontainebleau, Charles IX, "par la grâce de Dieu Roy de France, comte de Prouvence...", fait don à Sampiero Corso de la maison "avec son jardin et dépendances d'icelle..."
Cette demeure marseillaise, située près de l'actuel cours d'Estienne-d'Orves, est un don, une récompense faite en "considération des grands et recommandables services que nostre aimé et féal le Colonel Sampietre Corse fit à feu nostre très honoré Seigneur et père (Henri II)... à la couronne de France".
Mai. / Barbareschi nel meso di Maggio fecero due considerabili sbarchi.
Les Barbaresques, à deux reprises au cours de ce mois, renouvellent leurs incursions sur le littoral corse.
"Vecchialy, il quale il più del tempo dimorava in Portouecchio ch'a quei tempi era habitato ; nel quai luogo stava per guardia Francesco Giustiniano con una compagnia di vinti-cinqui cavalli in circa..."
L'un d'eux, raconte Filippini, que l'on appelait Lucciali, ou Vecchialy, Accivali, Occhiali, Ouloudj ou Aluch-Aliun..., bref, un renégat de Calabre, ami de Sampiero, était le plus souvent à Portivechju (alors habité), dont il avait fait son repaire en dépit du capitaine génois Giustiniani et de ses quelque trente cavaliers chargés de défendre la place.
Juin.
Fù tanto grande l'infestatione d'infideli quell'anno nella Corsica.
Désolation sans bornes, cette année-là, à cause des infidèles.
"Questo cane di Vecchialy" - poursuit Filippini - ce chien de Vecchialy, qui avait plusieurs fois tenté de s'emparer des paysans de l'endroit et de mettre à mal ceux de la garnison qui l'empêchaient de piller et de ravager la région... finit par débarquer en force, une nuit.
Il tua quelques hommes, dont Barnabà, le frère du commandant de la petite garnison de Portivechju.
Quelques jours plus tard, les Turcs récidivent, toujours dans le Dilà, in terra dila da'monti, dove i paesani dicono Portopolo spiaggia della pieve di Tàravu per depredar quei casali vicini, à Porto-Pollo donc, Portipoddu, plage du golfe de Valincu, pour piller les habitations du voisinage...
Ils sont rejetés à la mer par une patrouille de Nicole Cataneo de la garnison d'Aiacciu* (Ajaccio).
Une nouvelle tentative amène les Barbaresques aux portes de la petite ville, jusqu'aux Molini, où ils sont repoussés, cette fois par l'alfiere (enseigne) commandant la compagnie d'Aiacciu, Girolamo Roccatagliata.
Fecendo rilassar tutta la fatta preda e ne fecero ondici priggioni, e n'amazzarono urialiro.
Les Génois tuent un infidèle, font onze prisonniers et récupèrent tout le butin.
Ils sont partout, ces infidèles, malgré leur petit nombre : sur mer, sur les côtes...
Grisés par leurs succès, poussés par leur brutalité, la rage de tout dévaster, attirés par l'appât des proies et du gain, ils se risquent loin à l'intérieur des terres.
Juillet.
Ils abordent l'Agriata, débarquent sur la plage d'Ostriconi, menacent le petit village de Novella qui se défend vaillamment, grâce à l'un d'entre eux, un ancien soldat qui s'appelle Natale.
Nicolao Grimaldi Cibbà est nommé gouverneur, il remplace d'Oliva, en poste depuis plus d'un an.
Août.
Tentative de coup de main sur Lerici, forteresse génoise, par des conjurés toscans, romains et siennois.
Est-ce une diversion à un prochain débarquement de Sampiero en Corse ?
Compte tenu de ses prétentions territoriales sur Sarzana, territoire voisin, Cosme de Médicis ne paraît pas étranger à cette entreprise.
Le 18 :
Les magistrats de Gênes écrivent au gouverneur-commissaire de Corse qu'ils sont en possession d'indices très clairs, tenemo in mano indizii assai chiari, d'une tentative de San Piero Corso dans l'île, et que tout suspect doit être mis sous très haute surveillance.
La répression va se déclencher, dès le mois de décembre de cette année.
Septembre.
Le 7 :
Premier dimanche de ce mois (prima Domenica di questo mese), trois galères du duc Cosme sont attaquées par seize galiotes turques.
A leur tête, Mami Corso, rinegato, renégat de Pinu (Capicorsu) et fameux corsaire. Les
Florentins, ne pouvant leur tenir tête, fuient vers le sud pour finalement s'échouer sur la côte de Sulinzara et abandonner leurs galères aux Turcs.
*Aiacciu, Aghjacciu, Ajaccio, un toponyme, trois graphies, peu différentes il est vrai, tirées de l'Adjacium latin (adjaceo, être situé, couché auprès).
Le premier est le phonème corse de Ajaccio, nom d'origine de la ville génoise.
"On pouvait écrire Ajaccio, on n'en prononçait pas moins Aghjacciu en montagne et Aiacciu en ville, bien que déjà Aiacciu fût une déformation d'Ajassio, ainsi que d'aucuns disaient en français."
Paul Silvani.
Filippini raconte l'atroce aventure d'un galérien enchaîné au même banc qu'un esclave turc, qui, pour se libérer et fuir, doit trancher la jambe de son infortuné compagnon et la traîner, toujours nageant, jusqu'à Prunelli, où, enfin, il arriva à se libérer de cet encombrant accessoire, semprefuggendo itifin'à Prunelli..., doppo da quelfeudo si liberô.
Arrivée en Corse du nouveau gouverneur génois, Nicolao Cibbà.
Gasparo Oliva, son prédécesseur, laisse des regrets unanimes :
- si parti con tanta Iode degli isolani universalmente...
Jamais la Corse n'eut de meilleur administrateur, assure Filippini, au point que son nom est encore présent dans toutes les mémoires.
Giulio Superchio, nouvel évêque d'Accia, créé en 1133 par le pape Innocent II, est fort mécontent de l'inconfort de son poste et du misérable bénéfice qu'il tire de sa charge.
Il se rend à Rome, se plaint auprès du pape Pie IV et obtient un autre évêché, bien plus lucratif cette fois.
L'évêque de Mariana profite de la vacance du siège de la piève d'Ampugnani pour demander au pape de rattacher ce diocèse au sien ; chose accordée, et jamais depuis, les deux évêchés ne furent désunis :
"e doppo sempre furono stati uniti".
Filippini. Lib. X. p.108.
Les raids barbaresques semblent s'espacer. L'île est, pour un temps, plus tranquille.
Dès sa prise de fonctions, Nicolo Cibbà, fait sa Veduta, comme l'ont fait, note Filippini, tous ses prédécesseurs.
La réputation de ce nouveau gouverneur est bonne.
Cet administrateur compétent et habile diplomate, est l'un des éminents Protettori de l'Office de Saint-Georges.
Ce poste lui étant confié pour deux ans, on vient voir l'homme, jauger, à son aspect, a l'occhju, sa valeur et doser la confiance que l'on peut lui accorder.
Il y a donc foule à cette Veduta.
Très vite, hélas, il faudra déchanter.
"Voile costui far tutto l'opposito del predecessor suo ; e procedeva ne'suoi principy con tanta rigor, e tanta severità che finalmente..., assicurati quasi d'ogni dubbio tutti color chi s'erano ribellati nella passata guerra... torno a svegliar e a far rivenire tanta paura e tanto spavento quà pena si fidavano di lor medesimi."
Filippini.
Cibbà voulut faire tout le contraire de ce qui avait été fait par son prédécesseur ;
- dès le début, il agit avec tant de rigueur et de sévérité que tous ceux qui s'étaient rebellés au cours de la récente guerre, pris de suspicion et de doute, craintifs ou apeurés, finissaient par n'avoir même plus confiance entre eux.
Décembre.
Piero di Ped'Albertino, pro-français, fidèle ami de Sampiero, est jeté en prison, soupçonné d'avoir échangé des lettres avec lui ;
- puis, accusé de quelque machination, il est exilé à Savone.
C'est à la suite du voyage dans l'île d'un certo Vecchione, agent d'Aurelio Fregosi, ennemi juré des dirigeants de la République, que le gouverneur Nicolao Ciba décide d'opérer un vaste coup de filet parmi ceux dont la fidélité à la Sérénissime n'est pas garantie.
Sous le prétexte de leur confier un commandement, il convoque de nombreux capipopoli, amis de Sampiero, de la France, des Fregosi, tièdes ou suspects, aux yeux des Génois...
Tous ceux qui, du Dilà comme du Diquà, se sont imprudemment rendus à l'invitation du commissaire sont immédiatement arrêtés :
- Orlando d'Ornano, Raffaello d'Ortolo, Ghjuvan Battista di E Ciammanaccie, Anton-Guglielmo di Bozzi, Ferrando di Livia, Frate et Salvatore di U Petricaghju d'Alisgiani, Lorenzino d'Arrenoso, Pietro di A Venzulasca, Giulio di A Rebbia, Pellegrino di l'Ortale, Cristofino d'Antisanti, Polidoro di Corti (per essere molto caro di Sampiero), Frate Giovanni (terzaruolo dell'ordine de'minori haveva particular cura dei cose di Sampiero - mineur du tiers ordre et curateur des biens de Sampiero dans le Dilà), Alfonso di Cervioni piévan de Carbini et prete Pollino di A Pastureccia di Rostino...
On accuse, on instruit leur procès, on torture, à l'estrapade ou au feu, on condamne et on exécute.
Quelques-uns ont pu fuir, s'exiler en Toscane ou à Rome...
Rares sont ceux qui, pouvant se justifier, sont relâchés.
1562.
La Corse est sous l'autorité directe de la République de Gênes.
"Ritrovandosi pertanto l'Uffizio di San Georgio in una gran costernazione, temendo di una novella generale sollevazione adunô consilio".
Cambiagi.
Redoutant un soulèvement général après de telles iniquités, consternés peut-être, inquiets sans doute, les magistrats de l'Office de Saint-Georges tiennent conseil.
"Nacque nell'animo d'alcuni, che il dominio della Corsica, molto meglio saria stato sotto la cura, e governo della Serenissima Signoria, che sotto all'Ufficio di San Giorgio,
Filippini.
Il vint à l'esprit de quelques-uns le sentiment que la Corse serait mieux gouvernée sous la tutelle de la Sérénissime Seigneurie que sous le gouvernement de l'Office de Saint-Georges.
Le 25 mai :
Cette initiative, prise par la Signoria selon Merello, par l'Office selon Cibo-Recco et Cambiagi, est portée devant le Sénat et adoptée par 213 voix contre 155.
Après les assurances ou les recommandations de la reine Catherine de Médicis, d'Antoine de Bourbon, les conseils du duc de Florence Cosme de Médicis ou d'Aurelio Fregoso, dont l'aide est beaucoup moins chaleureuse que les avis, Sampiero, toujours dans sa rage de bouter les Génois hors de Corse, nanti de lettres patentes et du soutien moral de tous, décide de se rendre à Alger et à Constantinople, auprès du Grand Turc.
L'objet officiel de ce voyage est une ambassade d'affaire - traiter les conditions d'un emprunt de la Sublime Porte à la couronne de France -, avec une mission d'échange de prisonniers chrétiens et musulmans, ainsi que le dédommagement des corsaires turcs aux navires marseillais ayant souffert des actes de piraterie.
Son but, personnel et secret, est tout autre.
Sampiero, usant de ses protections, de son prestige et de ses talents de persuasion, espère décider le roi d'Alger et le sultan ottoman à participer, avec le concours de leur puissante flotte, à son plan de reconquête de la Corse.
Le 13 juin :
Il fait son testament, institue sa femme légataire universelle de tous ses biens et lui donne une totale procuration.
Avant de s'embarquer, Sampiero laisse Vannina et son plus jeune fils Anton-Francesco
sous la protection du prêtre-précepteur Michel Angelo Ombrone, dont il est certain de la droiture et de la fidélité.
Le 28 :
Profitant du passage d'une galère algérienne qui vient de conduire en France Serafaga, l'ambassadeur du roi d'Alger, il s'embarque avec quelques-uns de ses plus fidèles compagnons :
- Antone et Paris de San Fiurenzu, Piergiovanni de Calvi, Simone Ambrosi, autre Calvais, et deux de ses valets.
E con prospéra navigazione, giunse al termino del suo viaggio.
F. D. Guerrazzi. Vita di Sampiero.
Le 30.
Après cent huit années de gouvernement de l'Office, la Corse passe sous l'autorité directe de la Signoria de la République de Gênes.
S'il est vrai que les sommes engagées depuis quelques années par la Casa pour la récupération de la Corse ont été considérables, celles qu'elle a tirées de sa conquête, avec les difficultés que l'on sait, sont loin d'être satisfaisantes, aux yeux des magistrats génois.
La Signoria reproche aux dirigeants de l'Office de Saint-Georges, sinon leur incurie, du moins une certaine négligence de leur part dans les difficiles affaires de Corse, allant jusqu'à les accuser de bienveillance et, même, de générosité envers leurs administrés corses.
Désormais la Signoria veillera à ce que les administrateurs de l'île servent avant tout les intérêts de la République.
"Determinà il Senato di eleggere due Commissarj per mandargli a prendere il possesso del Regno. Questi furono Giuliano Sauli, e Francesco Lomellino, Personaggi assai circospetti, e per un tale importante affare bastantemente capaci."
Le Sénat élit deux commissaires pour les envoyer en Corse afin d'appliquer les nouvelles instructions de la Signoria :
- seconder sinon remplacer pendant le temps de leur mission, le gouverneur Ciba, jugé maladroit par le pouvoir de Gênes.
Giuliano Sauli et Francesco Lomellino, sont les personnages particulièrement sagaces et tout à fait aptes à mener à bien une si importante affaire, disent Cambiagi et Filippini.
Le premier de ces deux auteurs place la date d'arrivée des commissaires, ai primi di gennaio, dans les premiers jours de Janvier.
Le second note que la cession de la Corse à la Signoria de la Sérénissime a été faite en 1561, l'anno de Il , humanita salute mille cinquecento sessant' uno.
Ces deux petites erreurs chronologiques ne changeant rien aux choses.
Juillet.
Le 4 :
Sampiero, qui souffre d'une blessure rouverte à la cuisse, arrive à Alger.
Il y reçoit un accueil franc et cordial, des chaudes recommandations de la part du roi d'Alger, pour le Grand Turc.
Rien d'autre.
Liete accoglienze, e sincere, ebbe cordial ricevimento di quel sovrano, il quale perd non seppe far altro per lui che raccommandarlo con sue credenziale al Gran Turco.
Après toutes ces manifestations de bienvenue et de sympathie, peu fructueuses en somme pour qui attend, avant toute chose, des appuis financiers ou logistiques, Sampiero, s'embarque, peu après, pour Constantinople.
Avant son départ, il apprend que sa femme, Vannina, gagnée par les Génois, a quitté Marseille et qu'elle fait route pour Gênes avec le plus jeune de leurs fils.
Sampiero alerte son plus fidèle ami, Antonio de San Fiurenzu :
- il doit aussitôt se mettre à la poursuite du navire de Vannina, interrompre son voyage et la ramener à Marseille.
Carolo Grimaldi, Génois, est évêque de Sagone, jusqu'en 1565.
Août.
Le 13 :
Les nouveaux commissaires, Sauli et Lomellino, quittent Gênes sur des galères de la Signoria que Giovanni Andrea Doria, au service du roi d'Espagne Philippe II, conduit vers Naples.
Le faste de l'accueil des envoyés de Gênes est rapporté par nos chroniqueurs avec quelques détails : maggior decoro, grande apparato, salva d'archibuggeri, gran compa- gnia di gente, e altri honori d'artigliaria...
L'un d'eux voulait un baldaquin !
Le 18 :
Ils reçoivent officiellement leurs pouvoirs.
Le 30.
Si fece la veduta nel fosso del présente loco, dove sono concorsi i procuratori delle pievi suggette a questa giuridizione ed altri... Comparsero il giorno seguente i Dodeci dell'isola...
On fait la veduta dans les fossés des murs de Bastia, avec la plupart des représentants des pièves de toutes les juridictions.
Le lendemain, se présentent les Douze...
On échange les serments : La Corsica presta giuramento. Ambrogio Rossi.
Les commissaires, qui reçoivent l'hommage et les serments des seigneurs d'Istria, leur confirment le fief.
Li Signori d'Istria fecero omagio del loro feudo alla Signoria della Republica lo giuravano fedeltà e questa gli confermÔ il feudo.
A. Rossi. Oss.7.
Pendant ce temps, des actes d'une extrême sauvagerie sont commis de part et d'autre.
Aux atrocités commises par les Génois, qui font mourir leurs prisonniers corses dans d'indicibles tourments, répondent celles des Corses, qui jettent les Génois en pâture à leurs chiens !
Septembre.
Le 2 :
Lomellino et Sauli écrivent aux Illustrissimes Seigneurs, suggérant un certain nombre de mesures afin de pallier la déficience des gouvernements précédents en matière de désarmement, de justice, notant les maladresses du gouverneur Nicolo Grimaldi Ciba, che non voleva il peso del criminale, qui n'a jamais voulu s'occuper des affaires criminelles.
Les nouveaux commissaires demandent une sévérité plus grande, aussi bien corporelle que pécuniaire, pour les délits, pene maggiori si corporali che pecuniarie, avec, si possible, deux cent cinquante à trois cents soldats pour procéder au désarmement complet de l'île, piève après piève.
Nicolo Grimaldi Cibbà, dont l'administration a été critiquée par les commissaires, se défend, justifie son action en Corse dans un rapport aux Illustrissimes qui, finalement, le maintiennent dans ses fonctions de gouverneur.
Conformément à la tradition et aussitôt après leur prise de pouvoir, les nouveaux commissaires font leur tournée dans toute l'île :
- San Fiurenzu, où est reconstruite la Torre di A Mortella, Calvi, Aiacciu, où ils reçoivent les serments de fidélité des représentants des pièves du Dilà, Bonifaziu, où sont remises en état les fortifications de la ville, Portivechju, Aleria, Bastia enfin, d'où, une fois leur mission accomplie, ils s'embarquent pour Gênes, "di dove, fra puoco spazio di tempo s'imbarcarono per Genova".
Filippini.
Peu après le départ des commissaires, rapporte le même Filippini, l'évêque de Mariana et d'Accia, Niccolà Cicala, assalito da una gagliarda scheranzia rese il spirito à Dio, atteint d'une très forte esquimancie (amygdalite), rendit son âme à Dieu.
Filippini, et après lui Cambiagi, relatent les exploits de Bartolomeo, insoumis de Vivariu, e altri partitanti quà e là sparsi neWIsola, che incutevano spavento ai Genovesi, qui, avec d'autres adeptes dispersés dans toute l'île, terrorisaient les soldats génois du commissaire d'Aiacciu, Geronimo Giustiniano.
Bartolomeo finit par être lui-même harcelé, et, traqué par Giustiniano, sur le point d'être pris, découragé, il se résigne à l'exil et s'embarque du côté d'Aleria... pour se faire prendre par des pirates turcs !
Dès son arrivée à Marseille, Sampiero le fait libérer.
Ces récits donnent une idée de la vie de ces résistants des maquis d'alors, de leur lutte contre l'occupant, de leur courage, ainsi que de leur foi et de l'espérance qu'ils ont en la libération de leur patrie avec l'arrivée, prochaine, de Sampiero.
"In questo tempo fu dalla Signoria di Genova mandato in Bonifacio per Comessario Giovanpietro Vivaldi il quai passando per la nostra terra del Vescovato, si compiacque con tutta la sua compagnia favorirme ad alloggiar la sera nel mio humil, e poverino albergo..."
A cette époque, la Signoria de Gênes envoya à Bonifacio, en qualité de commissaire, G. Vivaldi ;
- lors de son passage par Vescovato avec toute sa compagnie, il me fit l'honneur de partager pour la nuit mon humble et pauvre demeure.
Filippini. Li. X. p. 414.
Giorgio d'Oria et Giacopo Fratino da Morco, ingénieur lombard, restaurent la forteresse de San Fiurenzu (Saint-Florent).
Peu après, on commence les travaux du château fort d'Aiacciu, "percioche prima quello era unito con la città ; ed hora resta isolato, e circondato dal mare, avvegna chè quella città ne resta meno vaga, e bella assai di quel che prima era".
Agréable souci d'urbanisme de la part de notre historien, Filippini ; il note que l'ancien château, qui faisait partie intégrante de l'agglomération, en est aujourd'hui séparé et entouré par la mer, si bien que la ville en paraît beaucoup moins gracieuse et moins belle qu'avant.
Le sentiment de sécurité l'emportait sur celui de l'esthétique.
Le 30 :
Sampiero part d'Alger, avec la flotte du célèbre Occhiali : une douzaine de galères chargées de six cents esclaves chrétiens.
Avec lui, quatorze seguacci, ses serviteurs ou compagnons d'armes.
Après un long mois de traversée..., le 8 ou le 9 novembre, arrivé à Constantinople, il est reçu avec tous les honneurs par l'entourage du sultan, avec crainte et suspicion par la horde de spie, ces espions ou indicateurs à la solde de la Signoria qui gravitent autour des ambassades étrangères.
Sampiero s'installe à l'ambassade de France et attend que le Grand Turc veuille bien le recevoir.
Les tractations entre le colonel corse et les ministres de la Sublime Porte sont longues et difficiles, le résident de France auprès du Grand Sultan, Antoine de Petremol et de Boitaillé, chargé d'affaires de Catherine à Venise, ne favorisant pas le plan de Sampiero
Décembre.
Le 29 :
Soliman le Magnifique le reçoit enfin.
"Le sieur Sampetro Corso, depuis huit jours a baisé la main du G. S. (Grand Seigneur) pour prendre congé, et a eu bonnes et douces paroles, asçavoir que tant que le Roy luy serait amy, S. H. (Sa Hauteur) encores luy demonstreroit tous signes d'amitiés et l'aidera de tout ce qu'il pourra ; mais de prester argent on n'en parle point."
Lettre de Boitaillé du 6janvier 1563.
On ne parle pas davantage de l'objet essentiel de la mission de Sampiero, sinon pour confirmer que la préparation de vingt-six galères dans les arsenaux de la Corne d'Or est uniquement destinée aux opérations de La Goulette, Malte, Savone ou d'ailleurs et non pas à la grande expédition de Corse dont rêvait le colonel.
Souffrant de plus en plus de sa blessure rouverte, en butte à la rivalité ou au mauvais vouloir des officiels en place, exposé à la haine des agents de Gênes qui ont décidé sa perte, comblé d'honneurs et de bonnes paroles mais privé d'argent, voyant sa mission tourner court, convaincu enfin de la trahison de sa femme, Sampiero décide son retour en France.
En Corse, la Signoria renforce ses défenses, garnit ses places et purge ses effectifs. Sans s'alarmer.
Gride, arrêtés, décrets, ordonnances, sommations et sentences, administrent et règlent, ordonnent, nomment, destituent, jugent et condamnent au nom de la Superbe et de ses représentants : gouverneur, commissaires ou officiers.
Luigi Belmosto est podestat de Bastia (1562-1563).
1563 — Janvier.
Défense de pêcher dans l'étang de Diana sans l'accord des bailleurs de la mense épiscopale.
Sindicamento, contrôle de la gestion en fin de charge du vicario, lieutenant du Dilà,
Gieronimo Giustiniano, du massaro, secrétaire, Antonio Giustiniano et du castellano e custode delle carcere, qui est Petro Soggio, responsable du château et des prisons.
Décret autorisant le capitaine de San Fiurenzu à juger ses ressortissants pour des causes civiles n'excédant pas vingt-cinq livres.
Défense de pêcher dans l'étang d'Urbino sans l'autorisation du capitaine Nicola de'Fomari.
Défense de vendre du blé à des étrangers, réglementation des ventes sur les marchés...
La disette menace.
On fait l'inventaire de toutes les armes, munitions et provisions de bouche des tours du Capicorsu (Cap-Corse).
On prône la délation et on y incite en accordant une prime de cinquante livres à qui- conque remettra entre les mains de la justice un ribellu condamné à mort et une récom- pense de douze livres et dix sols pour un insoumis recherché.
On amnistie ceux qui ne sont coupables que de désobéissance légère aux ordres des administrateurs de la Superbe et on accuse de lèse-majesté et de crime d'Etat Sampiero della Bastelica, Antonio di San Fiurenzu, Achile di Campocasso et bien d'autres chefs de la résistance au gouvernement de Gênes.
Les lettres sont censurées, la correspondance avec les bannis interceptée.
Toute aide ou assistance aux rebelles est punie d'exil ou de mort.
Nicolao Pinello est nommé percepteur général des impôts pour le Diquà, sa solde est de deux cents livres par an.
Giovan Battista Costa est nommé castellano de Corti, en remplacement de Nicolao Casella, relevé de sa charge pour avoir admis des femmes dans la Citadella !
Lors de son séjour à Alger, entre le 4 juillet et le 30 septembre de l'année précédente, Sampiero apprend que Vannina a utilisé sa procuration pour vendre à son profit tous les biens du ménage (fin août 1562) ;
- la Signoria vient de lui accorder un visa pour Gênes et elle se prépare à quitter Marseille.
Gregorio Centurione est nommé lieutenant de Portivechju, son prédécesseur, Giuliano Toppori, ayant été révoqué à cause de son détestable comportement dans l'exercice de ses fonctions, per li suoi cattivi deportamenti in lo detto suo officia.
"Erano già compiti due anni del Commissariato del Cibba, poichè dalla Republica era stato nel Gennaio passato riconfermato, quando per successore nel principio del 1563, fù spedito in Bastia Cristoforo Fornari. Questi a norma de suoi Antecessori fece un giro per l'Isola."
Cambiagi. Lib. Nono. p. 149.
Le gouverneur Cibba avait déjà passé deux ans en Corse, son mandat ayant été reconduit en janvier de l'année précédente, quand, au début de cette année 1563, la République lui donna pour successeur Cristoforo Fornari.
Dès son arrivée à Bastia, à l'instar de tous ceux qui l'ont précédé dans cette haute fonction, le nouveau gouverneur fait sa tournée dans l'île.
Au cours de son voyage, il fait une visite de courtoisie à l'archidiacre Anton Pietro Filippini di U Vescuvatu, chez lequel il loge, "dando repulsa à gli altri maggior comodi di questo luogo", refusant tout le confort trouvé ailleurs pour la modeste demeure de notre historien.
Ce dernier en tire honneur et fierté, montrant les liens d'estime réciproque qui le liaient à la Signoria.
Il ne se passa rien de bien remarquable en Corse cette année, ajoute l'abbé florentin Cambiagi, sinon la totale destruction des fortifications de l'intérieur de l'île, construites par les Nazionali*.
"Nel decorso di quest'anno non ci seguirono altre cose di rimarco se non che egli fece demolire tutte le Fortificazioni che erano state fatte dai Nazionali..."
Historia di Corsica. Op. cit. Lib. Nono. p. 149.
L'abbé Rossi marque cette année comme étant celle, "famosa a tutto il mondo", de la fin du concile de Trente.
Mars.
Le 17.
Audienza graziosa des envoyés bonifaciens Vitto Serafini et Matteo Aldrovandi, qui demandent aux magistrats de la Signoria la confirmation de leurs privilèges et le renouvellement du contrat passé avec le régime précédent, l'Office de Saint-Georges.
Leurs vœux sont exaucés.
Presentarono li Bonifazini una supplica... E furono contentati.
Depuis quelque temps déjà, les Turchi et autres infidèles avaient délaissé, sinon oublié, la Corse dans leur programme d'incursions, moins fréquentes il est vrai ces temps derniers.
Répit dont il est difficile de donner ici les raisons aussi diverses que complexes.
Cette année paraîtrait donc calme et sereine, s'il ne se jouait une tragédie, tramée depuis quelques mois déjà : celle de Vannina.
Giovannina, Vannina, fille de Francesco d'Ornano, née en 1530, est la femme de Sampiero depuis 1545.
Elle vivait à Marseille et, après le départ de son mari pour le Levant, en était devenue l'unique héritière et mandataire.
A la fin du mois de novembre 1562, Vannina s'embarque, pour Gênes, avec son plus jeune fils et Ombrone, le traître toscan... !
C'est, pour Sampiero, la pire des trahisons : sa femme vend les biens du ménage et abandonne le foyer conjugal pour rejoindre les plus implacables ennemis de son mari.
Cette conduite, Vannina s'en explique dans une lettre aux Illustrissimes de la balia (gouvernement) de la République, qu'elle reconnaît comme ses vrais seigneurs et maîtres, sous la protection desquels, devotissima, elle voudrait pour toujours demeurer.
Est-elle infidèle, cette femme qui a la moitié de l'âge d'un mari sombre, fâcheux et de mauvaise humeur, et qui aspirait au plaisir de mener une vie plus libre ?
L'historien De Thou l'affirme, et d'autres avec lui.
A-t-elle cédé à une ruse subtile des Génois qui, en la faisant entrer dans leur jeu, avec Ombrone - serviteur et confident du couple -, tenaient à la fois et Vannina et Sampiero, avec le félon ?
A-t-elle agi par intérêt, ou pour se soustraire à qui l'enleva de l'autorité de ses vrais maîtres et seigneurs ?
Aussitôt connu le départ de Vannina, Antonio de San Fiurenzu, vigilant gardien de la femme de son meilleur ami, loue, au moyen de soixante écus d'or donnés par l'aîné de Sampiero, Alfonso d'Ornano, deux petits brigantins.
Nous sommes tout au début du mois de décembre de l'année 1562.
Antonio, à la poursuite de Vannina, rejoint son navire au large des côtes d'Antibes, l'aborde, enlève la fugitive et la fait enfermer dans le château fort de la ville.
Sous le motif qu'elle est l'instigatrice d'un complot visant à livrer la ville de Marseille aux Génois !
Non sapiendo altro che dire dissino chio avevafatto tradimento a Marsiglia per dare la terra in mano de genovesi dove allora tutto il mondo mi era contrario.
Ne sachant rien dire d'autre que "j'avais trahi, prête à livrer la ville de Marseille aux Génois", écrit la pauvre Vannina, le 15 janvier 1563, aux Illustrissimes Seigneurs de Gênes...
Elle les supplie de l'écouter et, pour l'amour de Dieu, de venir à son secours, de la laisser poursuivre son voyage, difarli intender la disgrazia mia supplicandole che per lamor dedio degniar- se scrivere une lettera... lasarme reguir il mio viaggio.
Puis elle termine sa lettre, avec d'humbles salutations et signe : dantibo (Antibes) adi 15 ginaro del 1563 : Di v.ra ill.ma s.ria Vannina d'Ornano, de vos illustrissimes seigneuries (votre très dévouée) Vannina.
Mi-mars.
Vannina, emmenée à Marseille par Antonio, est assignée à résidence dans sa maison du Lacydon.
Ombrone est jeté dans un cachot du fort Saint-Jean.
Le 29.
Vannina, qui a pu rencontrer un grand d'Espagne de passage à Marseille, lui remet furtivement un billet à destination de la Signoria, dans lequel elle dénonce un complot de Sampiero et donne les noms de tous les participants.
Mai.
Le 7, ou le 8 :
Après avoir emprunté, non sans peine, de quoi payer son voyage de retour, Sampiero embarque à Constantinople, sur une galère à destination de Chio, île grecque de la mer Egée.
Le 21 :
Il y fait une escale de trois jours et reprend la mer pour Marseille.
Pendant ce temps, le parlement d'Aix - saisi par Vannina aussi bien que par Antonio de San Fiurenzu -, se trouve très embarrassé par cette cause notoirement d'Etat et non de justice ordinaire.
Ne sachant trop que faire, il s'en tire en ordonnant le transfert de Vannina, en la présente ville d'Aix et mise en la maison de Maître Jehan Loys Loque, sous la garde de ce dernier.
Le 30 juin :
Un arrêt de la cour libère Vannina, relâche Ombrone (qui aussitôt s'embarque pour Gênes) et condamne Antonio à une forte amende...
Le 15 juillet :
Dès son arrivée à Marseille, la medesima sera, Sampiero cavalco alla volta di Zaisi (Aix) dove si trovava la moglie, e arrivato alla porta della casa dove lei era di notte, passeggiando stette in fin ail' aurora, di dove uscendo fuori un servitore fù accertato chi v'era la moglie ; e alïimproviso intro dentro trovandola ch'anchora non s'era levata...
Filippini : le soir même de son retour, Sampiero chevaucha jusqu'à Aix, où se trouvait sa femme et, arrivé de nuit devant la maison, il attendit l'aurore avant d'y pénétrer et d'y trouver sa femme encore endormie. L'huissier Jehan Loque, chez qui était hébergée Vannina, apeuré, se précipite au parlement d'Aix, ramène trois magistrats devant lesquels Sampiero requiert le retour de l'épouse au domicile conjugal, à Marseille, où l'appelle le service du roi.
Vannina consent, suit son mari dans leur demeure du Jardin du Roi.
Suivent plus de quinze jours de silence...
Du 15 juillet au 1er août, date du testament de Vannina.
Que s'est-il passé jusqu'au jour où la femme de Sampiero se sait condamnée ? Nul ne le sait.
Vannina teste, devant notaire et sept témoins : elle fait élection de sépulture, reconnaît ses fautes, le détournement des biens de la communauté, laisse, en dédommagement, douze mille écus d'or à son mari et, sans doute, se prépare à mourir.
Il n'est pas possible de préciser le jour exact de sa mort.
On s'accorde généralement à croire que c'est entre le 7 et le 17 août que Sampiero tua Vannina et deux de ses servantes.
De sa propre main, affirme Filippini, contemporain de cet événement, Vannina le lui avait demandé, comme une grâce.
Etranglée vraisemblablement, avec ou sans écharpe, apaisée par le pardon de Sampiero ?
"Frà puochi giorni di sua propria mano la fece morire havendoglila lei domandata per gratia".
Cruellement poignardée, affirme le Génois Casoni, entrato in una grandissima furia, con eccesso di crudeltà colla propria spada l'uccise.
Vannina d'Ornano est ensevelie, selon ses dernières volontés, dans l'église Saint-François des frères mineurs, après des obsèques dignes de son rang.
Senza dimora cavalcô alla Reggia corte, per dar raguaglio del suo viaggio à chi mandato o consigliato l'haveva ; eforsi per avventura fuggir anchora il primo empito della giustizia.
Aussitôt, il enfourche son cheval, file à la cour du roi de France rendre compte de sa mission au Levant.
Sans doute, aussi, voulait-il se soustraire aux premiers coups des juges provençaux et se justifier de son crime à la reine mère en personne ?
Le 19 :
Le parlement d'Aix réagit, s'indigne et décide d'arrêter Sampiero.
Le 23 :
Il ne peut que surseoir aux poursuites : le meurtrier de Vannina est en route vers Paris.
Le 28 :
Les magistrats d'Aix abandonnent leurs griefs et classent l'affaire.
C'est Tomaso Lenche, ami personnel de Sampiero qui dédommagera, après procès, l'huissier aixois des frais de l'hébergement de Vannina.
Sampiero est devant la reine Catherine : il découvre sa poitrine, montre les cicatrices reçues au service des rois de France, justifie son crime.
Pardonné, il rejoint Marseille pour se consacrer à la réalisation de son lancinant projet : arracher son pays des mains des Génois.
"Ainsi offrira-t-il ou laissera-t-il offrir la Corse à qui la voudra : qu'elle devienne française, espagnole, toscane, pontificale, savoyarde ou turque s'il le faut, peu importe, pourvu qu'elle cesse d'être génoise."
R. Emmanuelli. Gênes et l'Espagne dans la guerre de Corse. Picard 1964.
Délivrer ma pauvre Patrie du cruel esclavage où elle est plongée par ma faute en assurant que, lorsque je n'aurai plus d'autre ressource, je n'hésiterai point pour l'arracher des mains des tyrans, qui, sans aucune crainte de Dieu et des princes de la terre et au mépris de toutes les lois, la torturent d'une façon si lamentable, à m'adresser aux Turcs..., écrit-il à la reine.
"Mentre Sampiero preparava la ribellione, nel'Isola regnava una grande calma.
Non si era mai goduta tanta quiete come in quell'anno 1563."
Rosario Russo.
Tandis que Sampiero préparait sa guerre, il régnait dans l'île un grand calme.
Il est vrai que la Corse n'a jamais été aussi tranquille, assujettie qu'elle est sous la poigne de la Dominante.
Réduits à une extrême détresse, à bout, ses habitants n'ont plus la moindre velléité de résistance.
En proie à la suspicion et à la terreur, comme des bêtes, ils cherchent leur nourriture dans le maquis, contraints à vivre de quelques rares fruits, d'herbes ou de racines.
Sampiero prépare son retour en Corse, fébrilement.
"Tentava tutte le vie, e mode di porre in esecutione il covato, e ruminato disegno avvi- sandosi fra sè come potesse per qualque trattato far d'impatronirsi di qualchi fortezza nell'isola di Corsica."
Il envisageait, dit Filippini, toutes les possibilités pour accomplir le dessein qu'il couvait, recherchant en lui-même le moyen de s'emparer, par complicité, de quelque place forte en Corse.
"Sampiero Ornani, che teneva sempre fissa nella mente l'ideata impresa della Corsica, vedeva encora che per condurla al bramato fine era necessario di avere una Fortezza..."
G.-P. Limperani. Istoria della Corsica. Li. XIX.
Sampiero, qui a toujours à l'esprit, comme une idée fixe, son entreprise de Corse, sait que pour la mener à bien il faut y établir une place forte.
C'est l'une des préoccupations majeures pour le colonel corse :jeter une tête de pont dans l'île, pour lui permettre, très vite, de regrouper autour de lui tous ses partisans.
L'autre préoccupation, non moindre, est celle de l'argent, de la logistique :
- les armes, les munitions, les provisions de bouche, le sel..., toute l'infrastructure nécessaire à la réussite d'une entreprise aussi importante que la reconquête de la Corse.
Une fois encore, il s'adresse à la reine de France, Catherine de Médicis.
Irritée contre les Génois qui, malgré les clauses du traité de Cateau-Cambrésis, tiennent toujours sous séquestre les biens des bannis de la République, Geronimo de'Fieschi ou Aurelio Fregoso, amis de la France, elle ne peut que répondre favorablement à l'appel du condottiere de feu son mari le roi Henri II.
Il écrit aux ducs de Florence, de Parme, se tourne vers le nonce apostolique pour lui rappeler que, de jure, la Corse est toujours vaticane, espère encore le soutien de Soliman le Grand Turc...
Antoine de Bourbon, roi de Navarre, est mort depuis 1562.
Les ducs italiens, alliés à l'Espagne, donc à Gênes, semblent peu enclins à se mêler d'une affaire qui ne peut que leur attirer des ennuis.
Leur aide est, sinon improbable, du moins illusoire.
Soliman, lui, a d'autres chats à fouetter...
Seule Catherine, ravie de jouer quelque bon tour aux Génois qu'elle ne garde pas dans son cœur, apporte une substantielle aide pécuniaire à Sampiero - très discrètement, il est vrai car, diplomatie oblige, elle ne peut, ouvertement, se rendre complice d'une agression contre un pays avec lequel elle est, depuis peu, en paix.
Une vingtaine de milliers de livres - dix-sept, peut-être vingt-deux - dont quatre mille sont laissées en dépôt chez son compatriote et ami, Tomaso Lenche (chargé d'affaires de Sampiero), une galère royale et deux cents arquebuses sont mises à la disposition du colonel corse par la reine mère de France, Catherine de Médicis.
Il est temps d'agir.
Sampiero envoie Antonio et Paris de San Fiurenzu pour, selon Filippini et Cambiagi, prendre les mesures des falaises de Bonifaziu, ou des murs de la citadelle d'Ajaccio...
C'est, vraisemblablement, pour une mission plus importante que les deux hommes sont envoyés en Corse.
Il doit s'agir pour eux de se rendre compte, d'une façon aussi précise que possible, des qualités de défense de l'une ou l'autre de ces places fortes et de leurs points faibles.
Antonio et Paris se font prendre par des pirates génois qui s'empressent de les amener aux ministres de la Signoria.
Désormais, ces derniers savent tout des projets de Sampiero et de leur imminence.
Il faut donc se débarrasser du Ribello au plus tôt.
Sa tête est mise à prix, trois mille lires.
1564 —
Sampiero a utilisé les derniers mois de 1563 et les premiers de cette année à la réalisation de ce qu'il s'est donné comme le but suprême de sa vie : arracher sa pauvre Patrie du cruel esclavage où elle est plongée. Lettre à Catherine de Médicis.
Janvier.
"Cosi nel mese di Gennaio del 1564 dalla Provenza inviô nell'Isola un Bastimento Francese carico di tal genere, e ciô per un contrasegno della sua prossima venuta".
Cambiagi. Lib. Nono p. 151.
Ainsi, pour marquer son arrivée imminente dans l'île, il envoie un navire français chargé de sel, matière première essentielle et rare, indispensable à la conservation des aliments et très sévèrement rationnée par le pouvoir de Gênes.
Quelques jours après, au mouillage dans le golfe de Sagone, le bateau, son équipage, le chargement et toute la correspondance secrète destinée aux agents de Sampiero en Corse tombent entre les mains des agents de Gênes.
"Il Commissario Generale, dit Limperani, dopo ricevuti gli ordini di Genova, fece una longa lista di quei, che destinava aile prigioni, e al patibolo".
Le commissaire général, après avoir reçu les ordres de Gênes, fit une longue liste de tous ceux destinés, soit à la prison, soit au gibet (patibulaire).
Ceux qui n'eurent pas la bonne fortune de se soustraire aux perquisitions, ajoute Cambiagi, furent sévèrement punis :
- la mort ou l'exil, après de longs jours dans un noir et dur cachot.
Non restavano gl' injïdeli corsali del suo solito ladrare, e delle loro infidie e scorrerie nella Corsica in quei tempi.
C'est alors que les infidèles reprennent leur série familière d'incursions et de pillages...
Avril.
Le 12 :
Les pirates débarquent au fond du golfe de Chioni, remontent vers Sagone, arrivent jusqu'à Chidazzu, Marignana..., conduits par un des leurs, renégat du coin, terrorisant toute la Salogna, jusqu'à la tour de Porto où les attend le commandant des galiotes, neveu de Soliman dit-on.
Ils sont nombreux, ces Turchi, près de cinq cents, qui se font prendre par le mauvais temps, la fatigue et la ruse des gens des Sevi in fora (des Deux-Sevi), du Liamone, de Cristinacce, de Vicu ou de Rennu.
Sous la conduite de leurs chefs, Ghjuanni, Rinucciu Francescu..., ils les tuent ou les capturent presque tous.
Un seul chrétien de perdu dans cette affaire, dit Filippini.
"Nella quale fattione vi mon solamente un Christiano."
Mai.
Nouveau débarquement, sur la plage du Liamone : huit galiotes commandées par un Turc appelé Babbà.
Cent cinquante pirates, guidés par un prisonnier, arrivent près d'Albresciani.
Presque tous sont tués.
Trop peu nombreux pour manœuvrer leurs vaisseaux, les Turcs sont obligés d'abandonner et de saborder deux de leurs navires.
Filippini nomme les héros de cet exploit : Rinuccio, Bastiano et Antonio d'Arbori, Mannone, Rineri, Antonmario...
A la fin du dixième chapitre de son livre, Nell'Istoria del molto reverente messer prete Antonpietro Filippini, l'arhidiacre di U Vescuvatu relate, une bien singulière histoire de haine entre familles ennemies de la piève d'Orezza, la première de A Campana, l'autre de Ped'Orezza ;
- l'une amie du ribello Sampiero, l'autre des Génois.
Mossi dall'antico odio e dalla fresca invidia, poussés par leur vieille rancune autant que par une récente cupidité, Valerio et Giovan'Angelo di A Campana, jaloux de leur ennemi Piero de Ped'Orezza, écrivent au nom d'Orsatone di E Ciamannacce à un Renucci (beau-frère du colonel corse) une lettre aux termes très compromettants pour Piero, son destinataire, où la collusion de ce dernier avec Sampiero ne fait aucun doute.
Anonyme et accusateur, ce billet tombe, par hasard, entre les mains du commissaire Cristoforo Fornari.
Celui-ci fait mettre en prison Piero, qui nie, se défend.
Le commissaire confronte alors tout son monde et, per meglio accertarse della verità, fece scriver' à Orsatone per fare paragone d'una littera con l'altra e trovd veramente chel carattere della sua lettera, era molto dall' altra différente; e inoltre, si corne nell'idioma è molta differentia da diquà, à dilà damonti cosi anchora furono nel scrivere conosciute le parole...
Pour rétablir la vérité, le commissaire fait ce que l'on appelle aujourd'hui le test de l'écriture : les caractères des deux lettres, comparés, ne sont pas de la même main.
De plus, la façon de s'exprimer, différente dans le Dilà et le Diquà, achève de confondre les coupables.
Ils sont condamnés aux galères et libérés, peu après, par un rachat.
LA GUERRE DE SAMPIERO :
Juin.
Le 9 :
Sampiero embarque à Marseille, sur une galère du roi commandée par un Marseillais, Bastide.
Suit un brigantin, vingt-cinq Gascons et Provençaux (des stipendiés), vingt de ses plus fidèles compagnons dont Antonio de San Fiurenzu, Piergiovanni d'Ornano, Achile de Campocasso, Bruschino du Castello d'Orezza, Battista de Pietra, Ludovico de Costa, Filippone Corso, Bartolomeo de Vivariu, Gasparino de Bastelica...
On prend, lors de deux escales à La Ciotat et Porquerolles, une vingtaine d'autres mercenaires, et...
Sampiero, après avoir activement préparé son entrée en scène, débarque en Corse.
Filippo Casoni :
"Sampiero, non vedendo alcuna riuscita a'suoi naneggi, benche fosse privo d'ogni speranza, e d'ogni assistenza, tuttavia non mancando coraggio, per intraprendere, trasportato dall' odio grandissimo, che nodriva contro il suo Principe naturale e confortato da Antonio da S. Fiorenzo, il quale a lui ritornato dalla schiavitù, gli fece comprendere che i Corsi erano disposti a seguirlo, si prépare alla partenza, con una Galeotta e una Fregata in compagnia di Antonio da San Fiorenzo, di Achile da Campocasso, di Pier Giovanni da Ornano e d'altri tre Corsi, e vinticinque Francesi, ed approdè all'Isola nel Golfo di Valinco a'12. di Giugno del presente anno."
N'ayant vu aboutir aucune de ses démarches, bien que privé de l'espoir de recevoir aucune aide, mais plein de courage et de haine pour son souverain légitime, Sampiero se prépare à partir sur une galiote et une frégate ; il est encouragé par Antonio di San Fiurenzu, récemment libéré, qui lui assure que les Corses sont prêts à le suivre.
Antonio di San Fiurenzu, Achile di Campocasso, Pier Giovanni d'Ornano et trois autres Corses qui l'accompagnent, ainsi que vingt-cinq Français, touchent terre dans le golfe du Valincu, le 12juin de cette année.
Nous connaissons la suite de la campagne de Sampiero en Corse : quelques semaines après son débarquement dans le Valinco, il est à Viscuvatu, vainqueur des Génois, mais assombri par la mort de son meilleur ami et triste, désappointé par l'attitude des habitants du village peu enclins à le recevoir.
Il leur parle :
"Ma quai cosa vi trattiene, o Fratelli, e figlioli miei, dal concorrere meco a scuotere il gioco insoffribile, e tirannico dei Genovesi ?"
Le 10 :
Chargés d'armes (200 arquebuses), de munitions, de matériel de guerre de toutes sortes et de sel, les deux petits vaisseaux font voile vers les côtes de Corse, au S.-S.-E.
Le 12 :
Sul far delialba, au petit jour, ils touchent terre, au fond du golfe du Valincu, très vraisemblablement sur l'une des plages en bas d'Ulmeto.
"Per la più diretta via andÕ à Olmeto, dove rimase un ora".
F.-D. Guerrazzi. Vita degli Uomini Illustri d'Italia. T. III. Sampiero. p. 379.
Par le chemin le plus direct, Sampiero se rend à Ulmeto, y reste une heure à peine, ayant pour objectif le petit fort d'Istria ; alors que ses compagnons, avec Achille de Campocasso, sont arrêtés sous la tour de Suddacaro (Sollacaro), farouchement défendue par la femme de Federigo.
En fin de matinée, l'une des deux galères repart vers les côtes de Provence.
Depuis le fort d'Istria, pris sans coup férir, Sampiero écrit plusieurs lettres : à son ami Tomaso Lenche, au comte de Carcès, à Scipione Fieschi ; à ses compagnons les plus sûrs de Corse :
Messer Landolfo et Matteo fratelli di Corti, Giudicello luogotenente :
"facendovi sapere come io sono venuto risoluto insieme con molti altri di nostri principali gentiluomini di Corsica per liberarvi da li torti grandi che ci fano li Genovesi..."
Il leur apprend son retour en Corse, avec de nombreux gentilshommes parmi les plus importants, tout résolus à libérer le pays.
Le 15 :
Il s'adresse ai Signori Frederico ed Ercole de Istria, leur demande de venir le voir, afin qu'ils s'engagent à ses côtés, au mieux de leurs intérêts et de leur honneur.
Du 15 au 18 :
Il expédie une sorte de circulaire diplomatique pour motiver et justifier son action à la plupart des chefs d'Etat impliqués dans le traité du 3 avril 1559 à Cateau- Cambrésis :
- au roi de France, Charles IX et à sa mère, Catherine de Médicis ;
- au roi d'Espagne Philippe II,
- à l'empereur Ferdinand Ier,
- au pape Pie IV,
- et à tous les princes des Etats italiens, doge de Venise, ducs de Florence, de Ferrare, de Parme et de Mantoue.
Son rôle diplomatique extérieur accompli, il fait annoncer son arrivée à tous les habitants de l'île, fait connaître ses intentions et multiplie ses demandes de ralliement.
Ai Signori Sartinesi, Nobili et da fratelli carissimi, aux Sartenais, ses chers et nobles amis, il demande de venir le rejoindre au plus tôt, pour libérer la patrie.
- Je vous attends demain, leur écrit-il : domani vi aspetto.
Les 22 et 26 :
C'est à ceux du Diquà : Lugo de Covasina, Anton francesco, Pietro di A Venzulasca, Simone di U Poghju et aux populations du Niolu qu'il s'adresse, pour les exhorter à se joindre à lui et à le suivre.
Sampiero reste peu de temps à Istria, une dizaine de jours peut-être.
Après avoir fait ses provisions de bouche à Campuloru, avec du bétail pris aux Génois d'Aiacciu (Ajaccio), il quitte l'Istria, suivi de tous ceux qui le reconnaissent comme Generale e Capo della Nazione, hommes, seigneurs ou capurali : Francesco Gentile de Brando, les Bozzi, Giovanmatteo de Chiatra, Francesco, Vinciguerra, Paolo et Polino de Livia, Francesco Maria de Lugo, Polidoro de Pancheraccia, Filippo et Paolo de Quenza, Vincentello, Giacopo, Piergiovanni, Giovan Natali, Pietro, Paolo et Anton Francesco de Serra, Napoleone de Santa Lucia, Schiaffone di A Campana...
Laissant la place d'Istria à Gasparino de Bastelica avec une bonne garnison, il monte vers E Ciammanaccie, le long du Taravu, réunissant autour de lui quantité de seguacci, sous sa bannière rayée, rouge et vert.
A la fin de ce mois, Sampiero passe les Monts, par la Foce di Verde sans doute : Ghisoni..., Vezzani...
Partout, l'accueil est enthousiaste.
Tandis que les Génois s'organisent, lèvent des troupes, garnissent Aiacciu (300 hommes), Bonifaziu (200), Calvi (175), San Fiurenzu (150), arment plus de 2 000 soldats, Allemands et Italiens, 150 cavaliers et confirment les mises à prix des têtes de Sampiero et de ses compagnons, morts ou vifs.
La Signoria offre, pour le colonel corse : 4 000 écus vivant et 2 000 mort.
1 000 écus pour Achille de Campocasso et Antonio de San Fiurenzu, 300 pour Bartolomeo de Vivariu.
Elle envoie de Gênes deux capitaines aguerris avec leurs compagnies, Nicolo de'Negri et Giovan Battista de'Fieschi.
Mais qu'est-ce qui vous retient, mes frères, mes enfants, qu'est-ce qui vous empêche de vous joindre à moi pour secouer le joug insupportable et tyrannique des Génois ?
"10 trattero non dimeno senza vostro ajuto la causa vostra, e la causa comune a tutti i Corsi, e qualunque ne sarà il successo, riuscirà sempre a me di gloria, a voi d'infamia ; e dirano i Posteri, che a Sampiero mancano seguacci, ma non coraggio, e risoluzione per liberare la Corsica."
Je continuerai, malgré vous, à défendre votre cause, celle commune à tous les Corses, et, qu'elle qu'en sera l'issue, j'en tirerai gloire.
A vous l'infamie.
La postérité dira : Sampiero manquait d'hommes, pas de courage ni de détermination pour libérer la Corse.
"I Principi non lascierano lungo tempo senza la loro protezione il nos- tro valore, e la nostra giustizia. Noi faremo conoscere al Mondo quanto sia invitta la nostra nazione. Io, per mia parte saro cosi pronto a spender la vita in servigio vostro, come 10 sono stato per il passato nell'espormi a mille rischj per salvarvi. Secondate vi prego questa mia risoluzione, e secondate il mio zelo, che non anderà molto, che si vedrà la Corsica in libertà, e voi tutti vi trovarete compitamente felici."
Les princes ne resteront pas longtemps sans accorder leur protection à notre courage et à notre soif de justice.
Nous ferons savoir au Monde que notre Nation est indomptable.
De mon côté, je serai toujours prêt à vous sacrifier ma vie, comme je l'ai fait par le passé, en l'exposant aux multiples périls pour vous sauver.
Aidez-moi, je vous prie, dans ma résolution, soutenez mon enthousiasme et vous verrez que, sous peu, vous vivrez heureux, dans une Corse libre.
"Queste picciole conquiste, furono compensati con una perdita altret- tanto grande per i Ribelli, da'quali si sépare Achille da Campocasso, il quale per alcune male sodisfazioni avute da Sampiero, si aliéné da lui, e segretamente si porto con Salvo Condotto alla Bastia, ed abboccatosi coi Comandanti della Republica, dimendÕ di esser ricevuto al loro servizio ; ma venendogli proposto che dovesse ammazzare, o far capitar male Sampiero, esso ricusÕ di farlo per non tradire, come egli diceva, uno, che già era stato suo amico..."
Ces petites conquêtes (celles dont venait de se rendre maître Sampiero en Corse) furent diminuées par une perte bien plus grande pour les rebelles : celle d'Achille Campocasso, qui, mécontent, venait de se séparer de Sampiero pour rejoindre en grand secret le camp ennemi à Bastia et demander à servir dans les rangs génois.
Les dirigeants de la République ayant exigé en retour la mort du chef de la rébellion corse, Achille refusa de trahir celui qui fut son ami.
Il demanda à réfléchir et se retira dans le Nebbiu, où il observa une stricte neutralité dans le conflit qui opposait Sampiero aux Génois.
A Bastia, le commissaire Cristoforo Fornari convoque autant qu'il peut de capipopoli fidèles à la République.
Parmi eux, Anton Francesco Coppole et Marc-Antonio de Bastia, Sansonetto de Biguglia, les Gentili d'Erbalunga et Battista d'Omessa...
Le 30 :
Tout ce monde regroupé à Borgu sous le commandement de Niccolo de'Negri se met en marche en direction de Corti.
Juillet.
Le 1er :
Tous sont à Valle di Rustinu, où ils passent la nuit.
Le 2 au soir :
Les Génois et leurs alliés corses sont à Corti.
Sampiero n'est pas très loin, à Vezzani, en route pour Venacu, où il arrive, le 3 au soir, prêt à affronter ses ennemis.
Dans le camp génois c'est la surprise, devant le nombre.
Puis la crainte, devant la détermination des ennemis.
Prudemment, on décide le repli, pour se mettre à l'abri, derrière les murs de la citadelle de Corti.
Sans perdre de temps à vouloir attaquer la citadelle, Sampiero laisse Corti, passe dans le Bozziu, puis à Orezza, où Piero de Ped'Albertino et Valerio della Casabianca le rejoignent avec leurs nombreux partisans, et arrive en Casinca, à Venzolasca.
Le 5 :
Il met le siège au pied de la tour, défendue par un fidèle de Gênes, Napoleone de Nonza.
La tour de Venzolasca résiste : Achille de Campocasso y met le feu et passe tous les occupants au fil de l'épée.
Sampiero s'est rapproché de Viscuvatu, dont la dernière défense, un tout petit fortin confié à Astolfo d'Erbalunga, vient d'être abandonné.
Le village, qui n'a plus de protection, est déclaré lieu ouvert, luogo aperto.
Ses habitants se sont réfugiés dans l'église de San Sebastiano, avec leur archidiacre, l'historien Anton Pietro Filippini, qui s'adresse à ses fidèles, les encourage et les exhorte à une neutralité méfiante, à l'expectative.
Puis, il envoie deux hommes au devant des indésirables visiteurs pour adjurer leur chef de ne pas être cause de leur ruine et de leur anéantissement :
"à essortarlo, che mancar volesse d'esser la nostra total ruina, e disfatione."
Istoria di Corsica. Op. cit.
Mais, ajoute notre chroniqueur, pour ne pas manquer aux lois de la politesse et de l'hospitalité, d'aucuns sortirent pour offrir le gîte :
"Finalmente per non mancar della solita cortesia, uscirono alquanti à offerirgli allogiamento."
Sampiero, méfiant, refuse, remercie, et demande à tous, en dépit de leur accueil réservé, de le rejoindre et de le suivre, lui, le libérateur, de choisir sa cause et son parti, car après il sera trop tard, les Génois n'étant jamais restés indifférents à une attitude ambiguë...
Notre historien, un peu plus tard, l'apprit à ses dépens, lui qui paya de dix-neuf mois de prison son comportement, suspect aux yeux des magistrats de la Signoria.
Le discours de Sampiero touche peu les gens de Viscuvatu.
La saison est avancée, il faut assurer la pitance : les blés doivent être fauchés et rentrés.
La guerre, avec le feu et la mort, la dévastation de leurs champs et de leurs maisons, les rend timorés, tièdes et fort peu enclins à la guerre.
D'autant que, savent-ils, de nombreuses forces génoises sont tout près, à Borgu : neuf compagnies, un millier de soldats biens décidés cette fois à se mesurer à Sampiero et à ses cent quarante-quatre hommes armés seulement d'une dizaine d'arquebuses.
Niccolo de'Negri est bientôt à Pruneta - au-dessous de Viscuvatu - avec ses quatre colonnes, qui doivent encercler la place puis donner l'assaut.
Il dispose tout son monde : Francesco Giustiniani et sa cavalerie ferment le passage des vignes à Campora.
Pier'Andrea de Casta, à la tête de soixante arquebusiers, bloque le chemin entre Loretu et U Viscuvatu, à Paratella.
Ettore Ravaschiero et ses trois compagnies d'infanterie se postent au sud, à l'Inzecca, passage obligé vers A Vinzulasca.
Niccolo lui-même, avec le gros de la soldatesque, est à l'est, en bas de la route qui mène au village jusqu'à la place centrale, où Sampiero attend, sans le moindre signe d'inquiétude, comme s'il se trouvait à l'abri de remparts, "come ch'egli fusse stato in una terra murata, senza alcun segno di timore."
Filippini.
Sampiero sait que lui et ses hommes sont enfermés comme dans une nasse, d'où ils ne peuvent échapper que par un chemin, celui du nord, laissé libre à dessein par les Génois.
Très vite, il arrête son plan : Bruschino, l'un de ses meilleurs capitaines, se porte au devant de Ravaschiero...
Per assalire il Negri, fece nascondere in uno vicino bosco di castagno Achille da Campocasso... Achille de Campocasso attend Niccolo de'Negri, à l'affût dans un petit bois de châtaigniers, avec Piero de Ped'Albertino en soutien.
Lui, Sampiero, est sur la place du village avec Ercole d'Istria, Bartolomeo de Vivariu, e il servitore con il suo camilo approntato et son serviteur avec le cheval, prêt à partir vers le point le plus chaud du combat.
"Si incominciÕ l'attaco da tutti le parti... Ecco ch'in un instante da tutte le bande pre- dette acrebbe con tanto empito l'assalto che veramente noi tutti terrazzani giudicamo che Sampiero con tutti gli altri suoi restassero morti, o preda de' nemici loro."
On commença l'assaut, de tous côtés.
La bataille se déclencha avec une telle impétuosité, que nous, habitants du village, étions persuadés que Sampiero et tous les siens allaient être, ou tués, ou pris par leurs ennemis."
C'est Filippini, l'archidiacre-historien de Viscuvatu, témoin oculaire de cette bataille, qui la raconte avec force détails dans le onzième chapitre de son Histoire...
"Bruschino fu percosso in testa d'un archibuggiata, e cadde morto."
Bruschino, atteint par un coup d'arquebuse à la tête, tomba, raide mort.
Les Génois sont dans le village, ils occupent une maison forte, contiguë à celle de l'archidiacre, tenue par les Nazionali...
Ce qui donne une idée de l'acharnement de tous, de l'âpreté et de l'intensité du combat qui dura moins de deux heures.
Dura l'assalto puoco meno di du'hore.
Les Génois, dont les motivations - sans doute insuffisantes - ne valent pas celles de Sampiero et de ses compagnons, faiblissent devant une résistance aussi farouche qu'inattendue, perdent pied, rompent le combat.
Ils ont perdu vingt des leurs.
Sampiero, vainqueur, se fait apporter un matelas et passe la nuit dehors, sur la place, assombri par la mort de Bruschino, son ami.
Fattasi portar'una strapunta stete la notte nella piazza..
Le 6 :
Il abandonne Viscuvatu, bien armé grâce aux dépouilles de ses ennemis.
Le 7 :
Il est au village de Loretu.
Piteux, les Génois sont rentrés à Borgu, où les attendent de nouvelles recrues venues de Portivechju ou fraîchement débarquées de Terre ferme (Continent) : quinze compagnies, onze à pied et quatre à cheval ; lesquelles, après avoir passé cinq jours à leur préparation, se mettent en campagne.
Le bruit de la victoire de Sampiero, vite répandu, fait accourir autour de lui un grand nombre de partisans : près de quatre cents l'ont accompagné jusqu'à Petrera di Caccia, où cinq cents autres seguacci le rejoignent.
Les Génois sont à Valle di Rustinu, puis autour de l'église de l'Annunziata, à environ un kilomètre de Caccia, où ils se regroupent.
Le 8 :
"la seguente matina per tempo gli uni e gli altri incominciarono à scaramuc- ciar..."
Le jour suivant, de bonne heure, on commença à escarmoucher dit Filippini.
Les Génois, sur un terrain défavorable, conscients de leur infériorité, hésitent à engager le combat, puis se replient.
Le 9 :
Sampiero se lance à leur poursuite et les charge...
La surprise des Génois est totale, leur désordre complet.
"Dei quali fÙ tale il disordine. che dal ponte alla Leccia, in fine alla Volpaiola... furono sempre perseguitati per quai malagevoli passi, con crudel stragge, e mortalità diloro."
La débandade est telle que de Ponte Leccia à Valpaiola..., poursuivis sans relâche par d'impraticables passages, ils sont massacrés.
Affreux carnage, déplore Filippini.
Orrido scempio...
10 juillet.
L'armée génoise sort presque anéantie de cette terrible bataille de Caccia : plusieurs centaines de morts.
"Non scamparono di quelli in tutto in fin'al numero di cinquanta, che tutti non fussero morti o feriti."
Il n'en réchappa qu'une cinquantaine d'hommes, affirme Filippini.
Soixante, dit Cambiagi, "la miglior parte di Cavalleria", des cavaliers pour la plupart.
Tous les autres furent tués, blessés ou pris.
San-Pietro était poursuivi vivement par Doria, raconte notre auteur des Anecdotes corses à la date de l'an de grâce 1564.
Retranché sur une petite colline, séparé des Génois par la rivière le Goyro (sic), il se flatte de leur résister encore.
Mais Doria traverse la rivière, l'attaque et le force à se retirer, malgré sa résistance.
Ce chef des rebelles se détermine à prendre la fuite.
Mais son cheval est si fatigué qu'il n'a pas l'espérance d'échapper aux Génois qui le poursuivent.
Un officier Corse s'aperçoit qu'il reste derrière.
Cet homme, rempli du fanatisme de la liberté, persuadé qu'Ornano peut seul la rendre à la Nation, descend de son cheval qui était frais et vigoureux.
"Prends ce cheval, dit-il à San-Pietro, dérobe-toi à tes ennemis, fuis : je vais risquer de tomber entre leurs mains. Je ne crains point le sort qu'ils me préparent ; je te charge de me venger et de délivrer ma patrie de ses oppresseurs. Dès qu'elle sera libre et tranquille, souviens-toi de ce que je fais. Eriges un monument à ma mémoire, et qu'on y lise : Corrégo est mort pour Ornano qui lui doit l'honneur d'avoir sauvé la Corse ; c'est ce que j'exige de ta reconnaissance ; fuis, je vais essayer de te suivre avec ton cheval."
"San-Pietro promet tout et s'éloigne. Corrégo tombe entre les mains des Génois qui, furieux de ce qu'il a dérobé son chef à leur haine, le pendent à un arbre et attachent su ses épaules un écriteau sur lequel il y avait écrit : Voilà le prix de sa générosité."
Parmi les morts, Niccolo de'Negri avec un grand nombre de ses capitaines.
Parmi les prisonniers : Giovanbattista Fieschi - à qui Sampiero, ami de la famille, fit bon accueil - , Pier Andrea de Casta et d'autres personnages de qualité, alquanti altri di conditione.
Peu de rescapés : Ettore Ravaschiero, Alfonso d'Erbalunga, Marc'Antonio de Bastia ne doivent leur salut qu'à la complicité de guides sûrs, fidate guide, qui, par des chemins secrets, leur permettent de fuir.
Sampiero est à Brocca : villagio che resta sulla Strada Maestra nella Pieve di Orezza.
Il savoure sa victoire.
Non altro si sentia risonar da per tutto che dell'eroe Sampiero il dolce nome.
Partout, on n'entendait plus que résonner le nom du héros, Sampiero.
Il se prépare à passer en Balagna, change d'avis sur les conseils de ses amis Pumuntinchi (di U Dilà, du sud), laisse dans le Deçà (U Diquà, le nord) Antonio de San Fiurenzu, avec le titre de Maresciallo di Campo, traverse la piève du Niolu, passe à Rennu et...,
Le 14 au matin, il est à Vicu.
Qui, raccolto il Popolo cosi prese loro a parlare.
Là, il s'adresse à tout un peuple rassemblé :
"Più volte doppo la venuta mia d'addesso in Corsica, Signori, e Nobili ascoltanti, mi son desirato alla presentia di voi tutti com'hora mi trovo ; per con voi comunicar'e dirvi la causa chi m'hà mosso à questo mio novo ritorno in Corsica..."
Bien souvent, depuis ma récente venue en Corse, nobles et seigneurs qui m'écoutez, j'ai souhaité être parmi vous comme je le suis aujourd'hui, pour vous parler et vous faire connaître les raisons qui m'ont poussé à ce nouveau retour..."
Filippini (1594) et, après lui Merello (1607), Casoni (1708), Cambiagi (1770) et Rossi (1820), rapportent en termes presque identiques l' Orazione, le discours de Sampiero.
Propos chaleureux, rappelant et fustigeant l'hypocrisie et la tyrannie des Génois, leurs ruses, leurs feintes promesses, l'oppression administrative et fiscale de leurs services..., invitant enfin tous ceux qui l'écoutent à soutenir son effort dans cette guerre, et à le suivre.
On accueille favorablement le discours de Sampiero, grato fÙ il suo raggionamento.
Un vieillard cependant, vecchio e giudicioso, plein de sagesse, prend la parole.
Sans craindre de promettre au Signor Colonnello et à la Corse les pires des calamités dans cette nouvelle guerre, il termine ainsi son propos :
- Alors, dirai-je, en matière de conclusion, à vous tous qui avez déjà pris les armes et à toi Sampiero, tout particulièrement, de ne pas persister dans cette entreprise qui ne peut que nous occasionner les plus grands malheurs.
Ond'io, per terminare questa mia dice- ria, conchiudendo dico, che tutti voi, che già prese in mano l'armi havete, e particolarmente tu Sampiero, vi riconosciati, rimanandovi di questa impresa, che non puô se non grandissima rovina apportarci...
Le 15 :
Sampiero cavalca alla volta di Mezzana, seguito daprimi signori di quei Paese per dove passô, chevauchant par Mezzana, Appietu, Celavu, Cavru, Ornanu, Cilaccia...
Il est, partout, accueilli en libérateur et suivi par les plus remarquables des personnages locaux.
Sampiero, comme ses hommes, impatient d'agir, veut une conquête de prestige, una conquista di rimarco.
Il décide de s'emparer de Portivechju, tenu par cent quarante Génois seulement, sous le commandement de Cola Papalitro, un Sicilien...
Le 25 juillet :
Portivechju capitule, après une résistance qui ne dura pourtant pas moins de vingt heures.
Son commissaire, Barnabo Frigallo, abandonne la petite ville a boni patti, à de bonnes conditions :
- les Génois sauvent leur honneur, leurs vies, leurs armes et leurs bagages.
Sampiero confie la place à Francesco Maria de Lugo et à sa compagnie de cent hommes.
Le 26 :
Livia :
Sampiero tient une réunion populaire, fù tenuta unione popolare, au cours de laquelle tous ses seguacci prêtent serment de fidélité.
Ce fut le premier qu'il sollicita du peuple :
"Fù il primo che da lui fù esotto dal Popolo".
Puis, il s'en retourna dans son fort de l'Istria.
ISBN 2-85744-601-2
C C.-Y. Chaudoreille, Édisud, Aix-en-Provence, 1992.
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