Publié depuis Overblog
Quinze ans aprés la mort de Rinucciu, en 1526, l’Office de Saint Georges confirme la rétrocession de la dot de Serena, fille de Rinucciu, à ses héritiers et en premier lieu :
« …le clos et terres situés au lieu dit Coscione, dénommés le clos de Rinuccio, borné par des terrains de Quenza et de l’autre par des terres d’Attala juridiction d’Ajaccio.. »
(Pieve d’Attala par J.-B. Quilichini).
Cet enclos est, encore aujourd’hui, appelé U Chjosu di Rinucciu.
Il a essaimé autour de lui d’autres toponymes qui sont dits de Rinucciu comme U Castedu, U Pianu et A Vigna.
Tous ces toponymes sont groupés sur la commune actuelle de Quenza à la section A de l’ancien cadastre.
Cette section est d’ailleurs dite Section de Rinuccio.
Les parcelles dites du Pianu di Rinucciu (section A parcelles 15 à 20) constituent un vaste plateau herbeux traversé par un cours d’eau et piqué de pozzine qui est encore, en grande partie, ceinturé par un mur.
Ce mur forme un enclos (U Chjosu di Rinucciu).
Il a été bâti en pierres sèches dans ses meilleurs tronçons.
Ailleurs, il simplement constitué de gros blocs alignés.
Il est aujourd’hui à peine visible.
Sa partie ouest, la mieux conservée, sert de limite entre Serra di Scopamena et Quenza.
Les tronçons nord et est de ce mur se contentaient de relier les chaos granitiques qui bordent le plateau.
Les parcelles dites de A Vigna di Rinucciu ( n° 21 à 27 de la section A) se trouvent sur les pentes orientales du Casteddu qui domine l’ensemble de ses 1607 m et qui n’a certainement jamais porté de fortification.
Elles sont constituées de deux parties bien distinctes.
La première partie est un chaos granitique trés pentu qui dévale depuis le Casteddu et qui s’interrompt brutalement pour former un petit plateau couvert de pelouses et bordé de taillis d’aulnes nains.
La bordure orientale de ce plateau marque la fin des parcelles de A Vigna.
Elle est marquée par un bourrelet rocheux, parfois doublé d’un mur, au delà duquel la pente reprend ses droits.
On cherchera en vain une trace de vigne à cette altitude.
Jean Charles Antolini, spécialiste en toponymie, nous a indiqué que le toponyme Vigna dérivait de l’oronyme VIN ou VEN qui signifiait montagne (le Vignemale dans les Pyrénées).
Instruit de la connaissance des lieux, on pourrait aussi penser à un toponyme découlant du terme corse « avvignà » qui signifie entourer, encercler.
Un peu plus loin, sur le Cuscionu, on trouve le toponyme I VINI VEDDI (voir notre article « Tupunimia Sarrinca« ).
On trouve sur les lieux la même configuration d’une rupture de pente marquée par un bourrelet de roches.
En conclusion, on mentionnera qu’aujourd’hui les parcelles dites de Rinucciu (celles du Pianu et celles de A Vigna) sont les seules de la section A à être des propriétés privées (en indivision) et que toutes celles qui les encerclent sont propriété de la commune de Quenza.
Dans la vallée de la Sulinzara, au dessous de Bavella se trouvent les ruines du casteddu de Rocca Tagliata dénommé par l’IGN Castellu d’Ornucciu.
Pour les historiens, cette citadelle édifiée vers 1500 devint vite un casus belli entre Rinucciu et l’Office de Saint Georges au motif qu’elle se situait en dehors de la seigneurie de Rinucciu.
En 1503, les troupes génoises commandées par Niccolo Doria venues de Solenzara se présentèrent devant le Casteddu pour s’en emparer.
Elles durent toutefois s’employer à réduire une première fortification proche de Rocca Tagliata qui s’appelait U Scontru.
Décrit par Limperani (Istoria della Corsica tome 2 page 317) comme « un fortino apellato LO SCONTRO, il quale serviva di difesa a Rocca Tagliata » ce fortin fut emporté de force après un bombardement en règle.
Giovanninello della Casabianca qui commandait Rocca Tagliata pour le compte de Rinucciu obtint des génois une trêve pour ensevelir les cadavres des défenseurs du Scontru qui avaient été massacrés sans pitié par les assaillants.
Effrayé par la détermination et la cruauté des troupes génoises Giovanninello remit la forteresse sans combattre.
Si les ruines de Rocca Tagliata sont parfaitement identifiables aujourd’hui sur le piton du Castellu d’Ornucciu, les restes de la fortification du Scontru sont visibles sur le sommet du Castellucciu à quelques centaines de mètres à l’est.
Un couloir qui prend en écharpe la face Nord du piton permet l’accès au sommet de celui-ci.
Aux deux tiers de l’ascension, le couloir est barré par un mur en pierre sèche.
Sur la plate-forme sommitale on trouve une sorte de citerne maçonnée ainsi que les ruines d’une cabane et d’un four.
Toutes ces constructions étaient beaucoup plus sommaires que celles du castellu.
On a du mal à comprendre aujourd’hui l’utilité du Scontru mais il suffit de consulter le plan Terrier pour constater que l’ancien chemin de la plaine orientale à Bavella passait au pied du Scontru avant de frôler Rocca Tagliata.
De plus le Scontru avait une vue complètement dégagée sur la cote orientale et sur le chemin qui y conduisait ce qui n’était pas le cas de Rocca Tagliata.
Pour clore ce chapitre on citera ci après une instruction donnée en 1491 par l’Office de Saint Georges à son Commissaire Raffaello de Odono :
« …L’envoyé de Rinuccio nous explique aussi que les gens de Ciamanacce avaient trouvé, avant leur départ, un point de défense très difficile d’accès, située dans le territoire de Rinuccio et tournée vers le fleuve Solenzara.
Personne ne s’y était encore rendu mais ces gens taillèrent et ouvrirent un chemin.
Informé, Rinuccio fortifia l’endroit.
Il demandait s’il devait s’y maintenir ou non :
si les gens de Ciamanacce revenaient ils pourraient facilement s’y retrancher, et les en chasser exigerait de gros efforts.
Nous avons répondu que nous ne voulions pas faire la dépense de cette garde mais que Rinuccio pouvait, s’il le voulait, en prendre la charge. ».
On notera donc que dix ans avant la construction de Rocca Tagliata il existait déjà une fortification probablement au même endroit et que l’Office encourageait Rinucciu à garder cette forteresse située dans « son territoire ».
Toujours dans le même acte de 1526, sont évoquées des terres entourant le casteddu de Baricci au sud de Sartene : « tous les bois et terres arables et non arables situés à Castello di Barigini…bornées en partant de la pointe de Bollacchini, descendant le cours d’eau du Cardiccione…aboutissant à la fontaine dénommée du Seigneur Rinuccio puis… ».Cette fontaine est aussi évoquée en 1838 par M. Valery dans son ouvrage « Voyages en Corse à l’île d’Elbe et en Sardaigne » à la page 233 : « prés Baricini, au dessus d’un pic élevé, on aperçoit les ruines considérables d’un autre château de Rinuccio : afin d’échapper au poison de ses rivaux et de ses ennemis, sa fontaine particulière dite fontana chiavata, était fermée à clef, elle est aujourd’hui publique et sur la route.. » Cette fontaine est aujourd’hui complétement tarie.
A partir de l’année 1503 Rinucciu entré en révolte contre l’Office de Saint Georges hantera le maquis de son ancienne seigneurie (on disait à l’époque être à la selva), le plus souvent accompagné d’une poignée de fidèles, buvant aux sources bordant les chemins et dormant dans les grottes.
Son errance a marqué surtout la montagne de Cagna.
Sur le chemin qui partant du village de Cagna vers A Bucca di Funtanedda ou vers Baccinu se trouve au pied d’une petite falaise une source.
Appelée funtana di Rinucciu sur le cadastre napoléonien, elle est aussi nommée L’Occhju di Rinucciu par la tradition orale mais aussi U Puzzu di Rinucciu.
Le plan Terrier mentionne le toponyme Sapera di Renuccio sur l’ancien chemin qui menait de Figari à Levie en franchissant la chaîne de Cagna par A Bucca di Funtanedda.
L’existence de cette grotte est encore connue de quelques habitants de Sotta et c’est grâce à M. Donat Lucchini et à M. Patrick Tramoni que nous avons pu la visiter.
Il s’agit d’un énorme bloc de granit isolé, à quelques dizaines de mètres au dessus du chemin évoqué ci dessus.
Ce rocher forme deux auvents, un au nord ouest et l’autre au sud est. Une murette en pierres seches ferme chacun d’entre eux.
Pour accéder au sommet du rocher quelques blocs ont été empilés et forment un escalier sommaire.
Cette grotte se trouve au confluent de trois sentiers qui mènent respectivement aux cols de Funtanedda, de Risoli et de l’Arghjetu.
Traqué par un détachement de soldats genois et par ses cousins avec lesquels il était en vendetta, Rinucciu sera tué par eux non sans combattre l’épée à la main prés d’une autre grotte dans le maquis du sartenais.
Son dernier fidèle, un certain Frassato sera capturé quelques jours plus tard et il sera pendu à Bastia.
Les circonstances de la mort de Rinucciu ressemblent étrangement à celles de Sampieru, un demi-siècle plus tard.
Au pied du rocher de l’Omu di Cagna, sur la commune de Monaccia d’Aullene le cadastre napoléonien mentionne deux toponymes : Urnucciu (parcelle A 518) et Urnucciu et Omu di Cagna (parcelle A 519).
Aux environs immédiats, se trouve une grotte dénommée A Sapara di u Tribunali, où la tradition orale prétend que Rinucciu rendait des arbitrages. Le dernier seigneur de la Rocca a t il vraiment exercé son droit de justice au pied du fameux rocher de l’Omu di Cagna ou bien s’est il abrité dans cette grotte du temps de son errance avant d’être assassiné ?
Carte toponymique de Rinucciu