LES ATROCITÉS COMMISES PAR LES TROUPES FRANÇAISES (récit du 8 et 9 mai 1769 par le chevalier de Mautort)
LES ATROCITÉS COMMISES PAR LES TROUPES FRANÇAISES.
Récit du 8 et 9 mai 1769 par le chevalier de Mautort.
L’armée passa le pont dans la journée et fut camper une lieue au delà.
Il était encore tout couvert de sang lorsque j’y passais, et l’on voyait çà et là quelques Corses étendus morts dans les environs.
Auprès de ce camp, les troupes légères pillèrent un couvent de Franciscains, mirent le feu à l’église et comblèrent leur brigandage par une cruauté digne des barbares.
En parcourant ce couvent, ils trouvèrent dans leurs cellules trois vieillards qui n’avaient pas pu fuir comme les autres.
Ils tuèrent à coups de baïonnette ces trois religieux, et, lorsque je fus me promener dans cette maison, je vis les cadavres de ces malheureux.
Ils étaient baignés dans leur sang.
Ce spectacle me fit horreur.
Dès qu’on eut nouvelle, au camp, de ce pillage, on envoya des patrouilles pour tâcher d’arrêter quelques-uns des maraudeurs.
Il est bien certain que si l’on eût pu en attraper, il n’y avait pas de grâce pour eux.
M. de Vaux les eût fait pendre sur l’heure.
Nous avancions à grands pas vers Corte, la capitale de l’île.
Un jour, avant d’y arriver, nous campâmes sur une montagne extrêmement élevée.
Nous eûmes beaucoup à souffrir du froid qui s’y faisait sentir.
Heureusement nous n’y passâmes qu’une nuit, et le lendemain nous descendîmes dans une espèce de plaine où nous trouvâmes des terres cultivées et une fort belle moisson prête à être récoltée.
À une lieue, au pied de la montagne où nous avions passé la nuit, se trouvait un village.
Quelques Corses, embusqués dans les premières maisons qu’ils avaient crénelées, tirèrent des coups de fusil sur la tête de la colonne, tuèrent trois soldats et en blessèrent cinq ou six.
Après cette expédition, ils s’étaient sauvés sans qu’on pût en attraper un seul.
Le village était abandonné, à l’exception de quelques vieillards qui n’avaient pu fuir.
Il se commit encore dans cet endroit un acte d’horreur.
Les soldats, en fouillant les maisons qui ne présentaient rien qui pût satisfaire leur avidité, trouvèrent un coffre qu’ils forcèrent.
Dans ce coffre était cachée une vieille femme.
Ils le refermèrent, sans trop paraître faire attention à ce qu’il contenait, et sur-le-champ y mirent le feu, de manière que cette infortunée fut la proie des flammes et périt dans les tourments.
Qu’on dise, après les deux exemples que je viens de citer coup sur coup, que le soldat livré à toute sa brutalité n’est pas un être féroce.
(Le chevalier de Mautort (1752-1812), entré dans l’armée au régiment de Champagne en octobre 1768, est donc un tout jeune homme et un militaire débutant quand il participe à la campagne de Corse, dont il relate ce qu’il en a vu, y compris des atrocités commises par les troupes françaises.
Capitaine, émigré en 1792, il revient en France en 1802.)
Source : Cultura di Corsica est à Ponte Novu, Corsica
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Extrait de : https://www.albiana.fr/pasquale-paoli/1749-ponte-novu.html