LAURENT GIUBEGA : PARRAIN DE NAPOLEON.
LAURENT GIUBEGA : PARRAIN DE NAPOLEON.
Napoleon n’a jamais, croyons-nous, parlé de son parrain Laurent Giubega.
Mais Joseph Bonaparte le nomme dans ses Mémoires et il assure que Giubega avait acquis l’affection et le respect d’un grand nombre de ses compatriotes par son rôle dans la guerre de l’indépendance, par son savoir juridique et par sa facilité de parole.
La famile de Laurent Giubega était originaire de Gênes.
Agnolo Giubega combattit dans les rangs de l’armée combinée des Génois et des Pisans qui chassa les sarrazins de la Sardaigne en l’an 1015.
Don-Pierre-François Giubega, établi à Madrid, est dans son testament qui date du 24 juillet 1516, qualifié de « grand avocat fiscal royal et intendant général de la chambre du roi. »
Son frère Jean-Antoine était secrétaire d’Etat de François Sforza, duc de Milan, et un autre frère, Dom Claude, abbé du Mont-Cassin.
Jean-Antoine se maria.
Son fils, Jean-César, hérita de « l’Espagnol » Don-Pierre-François, qui l’avait institué légataire universel.
Le petit-fils de Jean-César, Pasqualino, capitaine au service de Gênes, vint se fixer à Calvi, en Corse en l’année 1570.
L’arrière-petit-fils de Pasqualino, François-Xavier-Giubega, eut huit enfants, dont l’avant dernier fut Lorenzo ou Laurent Giubega.
LAURENT GIUBEGA.
Laurent Giubega fit de fortes études à gênes sous la direction de son frère aîné, l’archidiacre Pascal, et durant quelques années il exerça dans cette ville avec distinction la profession d’avocat.
Lorsqu’il regagna son île natale, il prit avec son frère Damien une part active à la lutte des Corses contre les Français en 1768 et 1769.
Paoli semblait le tenir en grande estime.
A plusieurs reprises il loue le zèle, la diligence, l’éloquence de Laurent Giubega.
Il lui communique les nouvelles du dehors.
Tantôt il lui mande que la favorite a fait disgracier Choiseul, que le peuple corse a résolu de vaincre ou de périr, que les Français quitteront la partie parce que l’Angleterre a déclaré qu’elle ne souffrirait pas que l’île appartint à Louis XV.
« Ne dissimulons pas dit Paoli, les secours que nous recevons de l’étranger, et les Français se croiront perdus, » et il annonça à Giubega qu’un seigneur anglais et un marquis milanais viennent d’arriver à l’Île Rousse, qu’une felouque a débarqué à l’embouchure du Golo un capitaine de vaisseau anglais avec du plomb et huit petits canons de campagne.
Tantôt il exprime à Giubega l’indignation que lui inspire la « perfidie » des Français et leur « dessein, arrêté avec les Génois, de réduire le pays sous le plus intolérable despotisme. »
Mais il ne cesse d’espérer le succès.
Il voit, écrit-il à Giubega, la confusion régner chez les ennemis et il lui rapporte leurs propos :
les officiers français pensent ou bien qu’ils vont prochainement se retirer au cap Corse ou bien, s’ils se renforcent, que leurs bataillons seront incomplets et ne compteront même pas 4.000 hommes ;
ils ajoutent que leur roi redoute la dépense et que, si l’île n’est pas soumise dans les deux mois, la cour renoncera décidément à la Corse ;
bref, les Français semblent « désorientés » parce qu’il reconnaissent les difficultés insurmontables de leur entreprise.
« Courage donc, cria Paoli à Giubega, courage et résolution de défendre la patrie, et nous aurons la victoire ; notre résistance rendra notre nom célèbre et notre liberté eternelle! »
Au mois de mars 1759, Paoli charge Giubega d’envoyer une escorte à Vivario au devant des prisonniers français et de les loger dans l’église et le couvent de Ghisoni.
Le général, comme les Corses l’appelaient, entre à ce sujet dans de minutieux détails.
Les soldats seront mis dans l’église.
les officiers habiteront le couvent, et les cinq ou six Corses qui veilleront sur eux les traiteront bien et empêcheront le peuple de les insulter.
Paoli sait que, parmi ces Français, un lieutenant-colonel aime passionnément la chasse.
On peut le laisser parcourir la campagne avec quelques hommes sûrs.
Les moines se fâcheront peut-être et il leur faudra se serrer un peu ; mais qu’ils voient avec quel zèle les Capucins et les Observantins de Corte ont obéi à la loi, et ils montreront le même attachement aux intérêts de la nation corse, le même souci de son salut et de son honneur.
Et lorsque les moines regimbent, le général ne les blament pas :
« Ils ont tort ; mais il est des occasions où l’on doit pallier le tort des moines ; ils peuvent faire du bien et du mal ; tachez de les gagner, surtout le père Don Diego. »
La sollicitude de Paoli s’étend même au corps de garde du couvent : il craint qu’un détachement français ne vienne le surprendre, l’attaquer à l’improviste, et il engage Giubega à se mettre en mesure.
On lui a dit qu’il y a parmi les hommes du poste un mauvais sujet ;
que Guibega se renseigne sur le compte de ce vaurien :
« Il ne sied pas que les officiers français voient de quelle espèce de gens nous nous servons. »
Vers la même époque, Paoli prie Giubega de pacifier le Fiumorbo – le canton actuel de Prunelli dans l’arrondissement de Corte.
Il faut, lui écrit-il enlever à tout prix Astolfi et quelques « infâmes », quelques « machinateurs » qui égarent les esprits ;
il faut « faire un exemple » et effrayer le pays ;
Giubega a dû ceindre l’épée, exercer le métier de soldat ;
qu’il éclaire les bons, les timides, les indifférents et qu’il frappe les méchants.
Qu’il sache user de ruse, qu’il s’abouche secrètement avec certains personnages qui connaissent les desseins des séditieux ;
qu’il les « manie avec adresse et discrétion »;
qu’il n’hésite pas à leur donner de l’argent ;
qu’il s’assure de ceux qui sont généreux de leur naturel et qui se laisseront aisément ramener dans le droit chemin par de bonnes paroles.
Qu’il réconcilie les deux Murati, qui sont patriotes et pleins des meilleurs intentions ;
quel dommage « si quelqu’un soufflait la discorde parmi eux ! »
Qu’il se concerte avec les magistrats et la junte pour apaiser les querelles domestiques et terminer « les malentendus et chicanes qui existent entre les chefs de famille. »
Les rancunes privées, les dissentions instestines ont déjà fait tant de mal à la nation corse, et le moment n’est-il pas venu pour les insulaires d’oublier les ressentiments particuliers et de concourir à la défense commune ?
La victoire de Ponte-Novo, remportée le 8 mai 1769 par le comte de Vaux, mit fin à l’indépendance corse.
Paoli s’enfuit en Toscane, et lîle devint française.
Laurent Giubega fut un des premiers à se soumettre.
A la nouvelle de la défaite, nombre de familles, les Giubega, les Arrighi, les Bonaparte, avaient quitté Corte pour se réfugier sur le Monte-Rotondo.
Le comte de Vaux leur envoya des officiers qui les invitèrent à regagner Corte.
Les fugitifs, dit-on députèrent au vainqueur quelques-uns d’entre eux, Laurent Giubega et son frère Damien, Charles Bonaparte, Nicolas et Louis Paravicini d’Ajaccio, Dominique arrighi, de Speloncato, Jean-Thomas Arrighi et Jean-Thomas Boerio de Corte, Thomas Cervoni, de Soveria.
Monsieur de Vaux reçut courtoisement ces délégués.
Il les assura de la clémence royale et leur vanta les avantages que la Corse recueillerait de son union avec la France.
Laurent Giubega était le chef de la députation.
Il répondit que la Corse se montrerait digne de la bonté du roi :
« Puisque l’indépendance nationale est perdue, nous nous honorerons d’appartenir au peuple le plus puissant du monde, et, de même que nous avons été bons et fidèles Corse, nous serons bons et fidèles Français. »