A SIGNADORA.
A SIGNADORA.
..............Parce que le rite était immuable, chacun savait comment chez à signora Priseria et Dévote il s’était déroulé.
Sitôt entrée dans la salle à manger des tantes de Donatienne, zia Capi Calatta était allée prendre sur la cheminée la lampe à huile en verre soufflé pour la poser sur la table avec l’assiette remplie d’eau.
Elle avait fait s’asseoir Donatienne auprès d’elle. Après avoir trempé son auriculaire droit dans la lampe, du bout de ce doigt, elle avait fait tomber les gouttes d’huile dans l’eau, tout en traçant des signes de croix au-dessus de l’assiette, puis au-dessus de la tête de Donatienne. 
 
Dès cet instant, sous ce plafond décoré de fresques à l’italienne, zia Capi Calatta avait cessé d’être cette paysanne édentée au corps brisé par les travaux et les ans : elle était la signadora, celle qui avait reçu le Don.
 A travers la forme des gouttes d’huile surnageant dans l’eau répandue sur une assiette, au fil d’un rituel venu du fond des âges et sous le regard rempli de respect de deux austères patriciennes et d’une jeune fille dont le pragmatisme était le corollaire des études qu’elle poursuivait, une vieille femme illettrée, interprétait l’irrationnel et pourchassait les esprits du mal, armée de prières magiques.
 
Extrait de Par-dessus l'épaule du temps.
(encore à l'état de manuscrit)
 
Source photo : .kallistea.
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