SAN FRANCESCO DI PIEDICROCE D'OREZZA.
Haut lieu de l’identité corse, le couvent d’Orezza a été édifié en 1485 par les mineurs observantins qui l’ont ensuite cédé aux Réformes.
L’église San-Francescu (33 mètres de long, 11 de large), qui était pavée en carreaux et entourée à l’Est d’un bosquet d’yeuses, et comprenait 6 chapelles et le maître-autel, y a été construite par les franciscains.
Elle est tombée en ruines à partir de 1832, date à laquelle elle a été vendue 1025 lires à des particuliers, et les terres environnantes en 1828 pour 4600 lires.
Plus tard, le presbytère, le couvent, l’oratoire, les terres restantes et les châtaigniers ont été cédés, également à des particuliers, pour 9200 lires.
Ce couvent a joué un rôle considérable dans l’histoire de la Corse au XVIIe siècle :
- en 1731, il a abrité la fameuse réunion des théologiens qui ont proclamé, sous condition, la guerre contre les Génois “juste et sainte”;
- en 1735, y a eu lieu la proclamation du “Gaverno separato” (de gênes) et celle de l’Immaculée Conception Reine de la Corse;
- en 1757n 1761 et 1765 notamment, Pascal Paoli y a séjourné afin de descendre à la source d’Orezza prendre les eaux;
- en 1790, à son retour d’exil, après avoir été acclamé par la grande “Consulta” des corses qui lui ont conféré les pleins pouvoirs :
- président du conseil général et commandant en chef des gardes nationaux.
Après son abandon, l’église sert de cimetières puis d’écurie aux gendarmes.
Dans ses dépendances, les 4 dortoirs pavés d’ardoises, une cuisine dans laquelle jaillit une source d’eau vive, un long bâtiment annexe à usage divers :
- on y avait même installé vers la fin du XIXe un bistro et une boite de nuit.
Pendant la seconde guerre mondiale, les occupants italiens avaient fait du couvent un dépôt de munitions qu’ils ont fait sauter à l’approche des Allemands venus occuper le canton en septembre 1943.
Les dégâts furent considérables, et ce qui amena les pouvoirs publics à refuser le classement du couvent en monument historique, ni même à l’inscrire à l’inventaire.
San Francesco di Piedicroce d’Orezza est un bâtiment conventuel des franciscains réformés.
Comme tous les édifices franciscains corses, il a servi, d’église, de cimetière, de lieu de réunions aussi.
C’est là que se déroulaient les principales réunions politiques des révolutions de Corse, dites consulte, où se traitaient les sujets les plus importants du moment.
C’est ainsi là que se tint la grande réunion dite des théologiens en mars 1731 qui décidé qu’il était légitime de se révolter si le gouvernement génois était déclaré tyrannique.
Paoli y résida à plusieurs reprises au fil des années de son généralat, particulièrement pour y prendre les eaux, mais aussi parce que l’industrieuse pieve d’Orezza avait été à l’origine des Révolutions de l’île.
Mais c’est en octobre 1790 que le couvent d’Orezza est rentré dans l’histoire à l’occasion d’une assemblée électrorale à laquelle ont participé entre autre l’ancien Général de la nation corse Pascal Paoli et le futur Empereur, Napoléon Bonaparte.
Sans compter quelques-uns des ténors de la période révolutionnaire en Corse, Charles-André Pozzo di Borgo ou les frères Arena.
Tous sont arrivés à cheval, la plupart depuis Bastia où ils sont venus chercher Paoli, de retour de vingt-deux ans d’exil :
- un cortège d’un millier de cavaliers est d’ailleurs évoqué à cette occasion.
Paoli ouvre l’assemblée par un grand discours. Il y énonce les leçons de l’histoire :
- les Corses durant son généralat ont réussi à se gouverner aux-mêmes, sous une constitution qu’ils s’étaient librement donnée;
- leur gouvernement était démocratique alors même que, comme viennent de le montrer les événements les plus récents, le monde entier gémissait sous le sceptre des rois.
Il tire par là les leçons de l’histoire.
La réunion d’Orezza marque la victoire des patriotes sur les monarchistes.
Paoli, à l’issue de la réunion d’Orezza, est donc élu président du nouveau Conseil général ;
- il est aussi commandant général des gardes nationaux, il deviendra bientôt aussi chef des troupes.
Il est donc à la fois à la tête des pouvoirs civil et militaire, ce qui paraît inadmissible dans l’esprit de la Constitution que l’assemblée nationale est en train d’élaborer.
Mais cette situation représente sans conteste le point de vue unanime des participants de la réunion d’Orezza, les frère Bonaparte compris.
Car Orezza est un des rares moments de quasi-unanimité des Corses et en tout cas du parti patriote, deux ans avant que celui-ci ne se déchire.