RÉCITS D'AFRIQUE : SIDI BRAHIM.
RÉCITS D'AFRIQUE : SIDI BRAHIM.
M. le Lt Azan, au cours d'un séjour de plusieurs années en Algérie, s'est pris d'un goût très vif pour l'histoire de cette colonie.
Aujourd'hui à Paris, attaché à la Section historique de l'État-Major de l'Armée, il a résolu de consacrer une série de récits aux principaux épisodes de la coesnqruéêcites 2f.rançaise.
Le volume qui nous occupe contient le premier de
L'affaire de Sidi-Brahitn est célèbre; en voici le résumé sommaire, d'après M. A.
Les échecs subis en 1843 (enlèvement de la Smala), la défaite des Marocains à l'Isly en 1844, n'avaient pas abattu Abd-el-Khader, et, en septembre 1845, après de longs et habiles préparatifs, il pénétrait de nouveau sur le territoire algérien, par l'extrême ouest oranais.
Tout près de la frontière, sur la côte, était installé depuis l'année précédente le poste français de Djemmaa-Ghazaouet.
Le lieutenant-colonel de Montagnac, du 15e léger, y commandait; c' était un soldat brave, autoritaire et dur, très susceptible, d'un caractère exalté.
Depuis la fin du mois d'août, la garnison de Djemmaa-Ghazaouet était sans cesse sur le qui-vive ; les tribus voisines s'agitaient, et à plusieurs reprises des démonstrations avaient été nécessaires.
Le 20 septembre, Montagnac reçut du maréchal de camp Cavaignac, commandant la subdivision de Tlemcem, avec lequel il était en assez mauvais termes (il lui reprochait de manquer de fermeté), une lettre qui lui prescrivait de « redoubler de surveillance»; il crut y voir un blâme à son adresse, et, sous le coup d'une surexcitation injustifiée, il se décida à partir le lendemain même en expédition avec tout son monde valide.
Le 21, il quitta Djemmaa-Ghazaouet avec 350 chasseurs du 8e bataillon et une soixantaine de hussards, et se mit en marche vers le sud-ouest.
Le 22, lui parvinrent à la fois une lettre de Cavaignac, lui ordonnant d'envoyer le 8e chasseurs au lieutenant-colonel Barrai, qui opérait dans la région, et l'avis qu'Abd-el-Khader approchait.
Il ne tint compte ni de l'un ni de l'autre, se borna à prévenir Barrai qu'il aurait probablement à combattre le lendemain.
Le 23 septembre, attaquée par plusieurs milliers d'Arabes, que conduisait Abd-el-Khader en personne, la colonne fut écrasée.
Les survivants, au nombre de 80 environ, se réfugièrent dans le marabout de Sidi-Brahim, où ils tinrent trois jours.
Le 26, au matin, mourant de faim et de soif et désespérant d'être secourus, ils firent retraite vers le nord.
Ils étaient arrivés sans trop de pertes à 3 kilomètres de Djemmaa-Ghazaouet, lorsqu'une dernière attaque des Arabes les rompit; seize hommes seulement échappèrent ; ils étaient dans un état effroyable; deux d'entre eux moururent aussitôt; trois autres dans les semaines qui suivirent.
Pour quelles raisons le lieutenant-colonel Barrai et le capitaine Coffyn, laissé à la tête de la garnison de Djemmaa-Ghazaouet, ne se portèrent-ils pas au secours de Montagnac ?
Après avoir pesé le pour et le conire, M. A. conclut que Barrai eut le tort de ne pas se tenir en contact avec Montagnac, dont il désapprouvait le mouvement, contraire, à ses yeux, aux ordres de Cavaignac; le capitaine Coffyn laissa, sans bouger, s'accomplir aux portes mêmes de Djemmaa-Ghazaouet le massacre des survivants ; il semble avoir péché par incapacité; mais c'est à la témérité et à l'obstination de Montagnac qu'il faut surtout imputer la mort des 400 hommes qu'il avait emmenés.
— Le désastre de Sidi-Brahim, suscita une vive émotion aussi bien en Algérie qu'en France, sur le conflit de méthode et d'influence dont il fut la cause entre Bugeaud et La Moriciére, gouverneur général intérimaire depuis le 4 septembre, sur le retour de Bugeaud, sur la « question du Maroc » en 1845 et 1846, et sur le châtiment, en 1846, des tribus qui avaient pris part à la révolte.
C'est au marabout de Sidi-Brahim que, le 23 décembre 1847, Abd-el-Khader se rendit aux Français.
— P. Caron.