OCCUPATION ITALIENNE EN CORSE.
DÉBARQUEMENT DES TROUPES ITALIENNES.
Selon ce qui était convenu, Les « Autorités d’opérations » ne devront pas se ravitailler dans l’île, sauf à titre exceptionnel.
La monnaie italienne ne sera pas acceptée ni échangée.
Le maintien de la souveraineté française est proclamé dans la circulaire du Préfet aux sous-préfets et aux maires dès le 14 novembre 1943.
Ces principes sont régulièrement rappelés aux autorités militaires italiennes et leurs demandes sont d’abord refusées puis finalement acceptées face aux menaces et aux décisions du gouvernement de Vichy.
Comment lutter contre les réquisitions italiennes ?
Le sous-préfet de Sartène dénonce les « débordements » italiens : - un véritable marché noir de transports entraîne de gros problèmes de ravitaillement et l’abandon des cultures.
Les prélèvements de mulets empêchent d’assurer le ravitaillement d’Ajaccio.
Les villages sont sacrifiés.
La Résistance de l’administration plie face aux exigences du commandement du VIIème corps d’armée italien.
La collaboration devient directive.
Comment lutter contre les vols ?
Outre la mise en coupe réglée des cultures, l’abattage du bétail, les soldats italiens chassent et les projectiles perdus sifflent parfois aux oreilles des bergers.
L’armée italienne prend le fil de fer barbelé qui clôture les vignes et les champs de céréales…
Face aux réclamations le Préfet ne peut que protester.
La crainte des représailles fait parfois renoncer à toutes demandes d’indemnité.
Les pillages des jardins font que les hommes n’ont plus aucun goût à travailler.
A partir de juin 1943 on assiste à une implantation de 14 000 hommes : les prélèvements s’accentuent car cette unité a reçu des instructions pour s’approvisionner elle-même
LES PRISONNIERS CORSES.
Pour les déportés corses, leur situation fut très variée :
- ceux qui étaient internés en Calabre firent partie des premiers libérés par les militaires américains au cours de la première décade de septembre 1943;
- ceux qui étaient retenus dans des camps des Abruzzes durent patienter jusqu’en juin 1944 ;
- le plus gros contingent, interné au camp d’Albereto sur l’île d’Elbe, fut transféré par les Allemands, à compter du 16 septembre, vers la Carinthie à l’exception de neuf évadés (notamment Roland Secchi, Jean-Luc et Robert Berti, Louis Vannucci, Nicolas Spadari, Jean Filippi) qui parvinrent à faire la traversée en barque, parvenant à Biguglia après un périple de quatorze heures à la rame le 20 septembre.
Au moins neuf déportés insulaires moururent en captivité, victimes de maladies (Dominique Benedetti, Nonce Benielli, Antoine Corneani, Emile Reboli, Pascal Versini), de sévices (Gaston Guillaud tué à la prison de Castelfranco Emilia), de bombardements (Jean-Donat Leandri, Charles Tomasini) ou, après leur évasion, dans les rangs des partisans slovènes (Charles Bonafedi tué par un éclat d’obus à Laze-Poljane le 2 mars 1945).
- 16 Scamaroni (Marie-Claire),Fred Scamaroni, p. 24.
12Le martyr Godefroy (dit Fred) Scamaroni fut élevé à la dignité de Compagnon de la Libération le 11 octobre 1943 à Alger avec la citation suivante signée par le général de Gaulle :
« Magnifique officier, modèle de courage et d’esprit de sacrifice. […]
Se porte volontaire pour une mission tout particulièrement dangereuse en territoire occupé.
Après plusieurs mois de travail est pris par l’OVRA.
Abominablement torturé, ne révèle rien.
Pour échapper à ses tortures et éviter de céder à la souffrance se suicide en se déchirant la gorge avec un morceau de fil de fer trouvé dans sa cellule.
Par son sacrifice, permis à ses camarades de poursuivre l’œuvre entreprise pour la libération de la France.
A bien mérité de la Patrie »,
Il recevra ensuite, toujours à titre posthume, la Légion d’Honneur le 30 août 1946.
Sa dépouille fut exposée dans la cathédrale d’Ajaccio en janvier 1944, à la demande du nouveau maire Eugène Macchini, qui l’accueillit dans sa propre chapelle familiale du cimetière de la ville natale du capitaine Severi.
LE COMMANDEMENT ITALIEN EN CORSE.
Le général Giovanni Magli, dernier commandant du VIIe CA en Corse, assuma le commandement militaire de la Sardaigne en 1943-1944 ;
- il publia en 1950 un ouvrage controversé sur la présence des troupes italiennes en Corse Le truppe italiane in Corsica prima e dopo l’armistizio del 8 settembre 1943.
Ses deux prédécesseurs connurent des destinées diverses :
- le général Umberto Mondino, nommé à la tête du XXVe CA en Albanie, fut capturé par les Allemands le 9 septembre 1943 et retenu en captivité jusqu’à la fin de la guerre ;
- le général Giacomo Carboni fut nommé à la tête du Contre-Espionnage militaire (SIM) en mars 1943, puis du corps motorisé combattant aux côtés des Alliés le long de l’Adriatique en 1944-1945.
Leurs subordonnés en Corse connurent également des fortunes diverses :
- le général Attilio Lazzarini, commandant la 226e DC, fut nommé à la tête de la division Sabauda en 1946 ;
- le général Bartolomeo Pedrotti, commandant la 225e DC, fut nommé à la tête de la division Friuli en 1943-1944, puis du Groupe de Combat Friuli en 1944-1945 ;
- le général Clemente Primieri, commandant la division Cremona en Corse puis en Sardaigne, commanda le Groupe de Combat Cremona en 1944-1945, avant de terminer sa carrière comme commandant des troupes de l’OTAN en Europe du Sud de 1954 à 1957 ;
- le général Carlo Ticchioni, commandant le Groupement Sud en Corse, puis en Sardaigne, fut nommé en 1944 à la tête de la division Granatieri di Sardegna ;
- le général Ugo De Lorenzis, dernier commandant de la Friuli sur le territoire insulaire, fut nommé à la tête de la brigade de sécurité intérieure Sabauda en 1944 ;
- son prédécesseur le général Ettore Cotronei n’eut plus d’affectation ;
- le général Rodolfo Stivala, commandant de la Défense de Bastia, fut retenu prisonnier en Allemagne jusqu’en 1945.
Quant à leur adversaire, le général Fridolin Senger und Etterlin, il commanda en Italie le XIVe Panzer Korps, avant d’être prisonnier de guerre des Américains de 1945 à 1948.
En août 1943, Senger prend le commandement des forces allemandes sur les îles de Sardaigne et de Corse . Il a conduit l'évacuation lorsque les positions allemandes sont devenues intenables.
- 33 Folacci (Claire), Ajaccio et ses mémoires : se souvenir de la Seconde guerre mondiale, p. 77, 86, 9 (...)
- 34 CD-Rom Histoire de la Résistance en Corse, fiche « Les lieux du souvenir ».
- 35 Général MAGLI, op. cit.,p. 92 et suivantes (plan et photos datant de la fin des années quarante).
- 36 Général De Lorenzis, op. cit., p. 280.
- 37 « Aux morts de la division “Friuli” qui, à l’automne 1943 en Corse, sacrifièrent leur vie pour le (...)
24MÉMOIRE LAPIDAIRE ET TOPONYMIQUE.
n Corse, la mémoire lapidaire et toponymique est plutôt conséquente dans la mesure où il n’y a pas vraiment eu d’occupation allemande, ailleurs beaucoup plus sanglante que la précédente.
La Ville d’Ajaccio a accordé plusieurs artères à des martyrs :
- rues Michel Bozzi en 1943,
- André Giusti et Jules Mondoloni en 1983,
- Nonce Benielli en 1990,
- Louis Frediani en 1943,
- boulevard Frédéric Scamaroni en 1944,
- cours Jean Nicoli en 2005 [rue depuis 1943],
- square Pierre Griffien 1943,
- place Charles Bonafedi en 1993,
- stade Jean Nicoli en 1990),
Sans oublier :
- une avenue de la Libération-9 septembre 1943 inaugurée en 1976,
- une statue honorant Fred Scamaroni en 1950,
- un buste dédié à Pierre Griffien 2003.
Et diverses plaques commémorant : Jean Nicoli, Fred Scamaroni, Jules Mondoloni, la fusillade de la Brasserie nouvelle et l’appel à l’insurrection au magasin Bessières.
Le martyr Jean Nicoli s’est vu attribuer un lycée à Bastia (l’ancienne caserne Marbeuf) et un collège à Propriano, sans compter un buste dans son village natal de San-Gavino-di-Carbini.
Des opérations militaires de la Résistance insulaire sont évoquées par un monument sur la plage d’Arone, une stèle sur la plage de Travo et une plaque au col de Sio.
Fred Scamaroni a vu son nom attribué à un paquebot en 1946 et Jean Nicoli à un car-ferry en 2009.
L’importance des pertes subies par le VIIe CA déboucha sur l’aménagement, au sein du cimetière de Bastia, d’un mémorial réunissant 531 tombes autour d’une croix haute d’un mètre soixante reposant sur un socle de trois mètres portant l’inscription :
« Le VII CA aux fils d’Italie morts pour la Patrie en terre corse. Septembre-Octobre 1943. »
En 1964, cet espace disparu, les corps étant rapatriés dans la péninsule en compagnie de 93 autres cercueils provenant des cimetières de Saint-Florent, Santa-Maria-di-Sicchè, Calvi, Calenzana, Ajaccio, soit 624 tombes disposées dans un U à cinq niveaux du cimetière des Lupi à Livourne, lieu d’embarquement du VIIe CA, une nouvelle plaque plus réductrice sur le plan militaire mais plus connotée sur le plan politique indiquant :
« Ai caduti della divisione “Friuli” che in terra di Corsica nell’autunno del 1943 col sacrificio della vita diedero luce alla libertà. »
« Aux morts de la division “Friuli” qui, à l’automne 1943 en Corse, sacrifièrent leur vie pour le retour de la liberté »
Signalons qu’à Prunelli di Fiumorbo, à l’intérieur du musée « Mnemosina » surtout consacré à la culture et aux arts populaires, l’une des six salles propose des documents concernant la Résistance insulaire et le camp d’internement ouvert par les autorités italiennes.
© Presses universitaires de Rennes, 2010
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