CORSE 1943 : Les troupes de l'opération Vésuve débarquent à Ajaccio où se replie la Marine italienne en instance d'évacuation.
À Portoferraio, les torpilleurs italiens reçoivent l'ordre d'engager le combat contre les convois allemands entre la Corse et le canal de Piombino.
En raison d'un manque de coordination avec les Alliés, il ne sera pas suivi d'effet.
Le 13 septembre 1943, au moment même où à Ajaccio, le Bataillon de choc débarque du sous-marin Casabianca sous les vivats de la population, la ville de Bastia est attaquée par les Panzers du général Senger und Etterlin remontés de Sardaigne.
Chassés du port de Bastia le 8 septembre, les Allemands reviennent en force.
Cachés derrière les arbres ou les portails, ils mitraillent au passage les soldats italiens qui ne disposent pas de moyens mécanisés capables d'opposer une riposte efficace.
Le 13 septembre, les batteries de Fort Toga et du Fort Lacroix tenues par la Marina militare sont attaquées par les chars "Tigre" et la Luftwaffe.
Dans la soirée, la poudrière du Fort Lacroix explose dans un vacarme terrible, provoquant des dégâts considérables et des scènes de chaos.
Désormais, une partie des Italiens, les patriotes corses et les troupes françaises se retrouvent ligués contre un ennemi commun, l'Allemagne, ce qui déchaîne la colère d'Hitler demandant que tous les officiers italiens soient arrêtés et fusillés.
Dans la cité impériale l'insurrection éclate, la mairie et la préfecture sont occupées à l'initiative du Comité du Font national.
Cette nouvelle provoque une levée en masse des Corses qui sortent du maquis mitraillette au poing.
Giraud déclenche alors l'opération "Vésuve", mais la situation reste confuse.
Certains Italiens tentent d'échapper aux Allemands qui les considèrent comme des traîtres.
D'autres se rallient aux Alliés sous la conduite du général Magli, mais les Chemises noires restent fidèles au Duce.
Alors que les combats font rage autour de Bastia, la Marine italienne reçoit l'ordre d'abandonner la défense du port.
Le torpilleur Ardito endommagé par l'attaque allemande, est dirigé sur l'île d'Elbe, mais l'Humanitas est torpillé à six milles du port.
"Cette situation conduisit l'amiral Catalano à ordonner le départ de toutes les unités navales présentes, à savoir deux corvettes (Pellicano, Gabbiano), trois remorqueurs (Turbine, Luigi, Gino M) et quatre bateaux de pêche. Les unités furent délocalisées sur Portoferraio et sur les sites de Calvi, Ile Rousse et Saint-Florent." (1)
Dans la nuit du 14 septembre, l'amiral Catalano quitte Bastia par mer pour se mettre en sécurité à Ajaccio.
Dans un télégramme à la "Supermarina" il explique que "la côte orientale de Bonifacio à Bastia est aux mains des Allemands, et que cela a été rendu possible par une forte présence de moyens blindés et par la cruelle absence de notre aviation." (2)
La même nuit, le général Mollard débarque à Ajaccio avec deux torpilleurs et 600 hommes.
Ne disposant que d'une vedette lance-torpilles et deux bateaux de pêche, l'amiral Catalano suggère que l'on prévoie des moyens l''intercepter l'intense trafic de la flotte allemande entre la côte orientale de la Corse et l'Italie.
C'est un élément historique méconnu que révèle un Congrès international d'histoire militaire tenu à Rome, et qui témoigne de la volonté d'engagement des Italiens aux côtés des Alliés au lendemain de l'armistice.
De Brindisi, en effet, la Supermarina ordonne aux unités de Portoferraio de mettre les torpilleurs en surveillance dans le canal de Piombino, et d'engager le feu contre le trafic allemand en provenance de la Corse.
"Les événements qui suivirent et une coordination insuffisante avec les Alliés ruinèrent la perspective d'un combat efficace en mer Tyrrhénienne." (3)
Le 15 septembre, les derniers détachements de la Marine italienne ont rejoint Ajaccio en autocar ou même à pied.
L'amiral Catalano y rencontre le général Mollard qui lui demande la restitution de toutes les batteries appartenant à la Marine française.
Le même jour, le général Magli commandant le VIIe Corps d'armée exige, au vu de la rareté des vivres, que l'on commence à transférer en Sardaigne les militaires de la Regia marina en priorité.
La première phase est initiée depuis Ajaccio avec les rares moyens de navigation disponibles sous l'escorte de la corvette Ibis.
Le premier convoi quitte Ajaccio le 19 septembre, amorçant le reflux par petits groupes, sur de petites embarcations.
Une grande partie du matériel et des équipements sera laissée sur place, à disposition des autorités françaises.
Le 22 septembre, le torpilleur Le Fantasque venant d'Alger avec à son bord des troupes de la France libre, s'échoue à Ajaccio et sera dégagé avec le concours de marins italiens.
Le 23 septembre, le Tirsò débarque sept chars et automitrailleuses réquisitionnées par le général Magli.
L'amiral Catalano rejoint Bonifacio et rétablit la liaison avec la Sardaigne, ordonnant que les services de la Marine italienne restés en Corse passent sous commandement de la Marine française.
Le 30 septembre, blessés et malades embarquent sur le navire-hôpital Sorrento vers la Sardaigne.
Désormais, le Commandement de la Marina militare peut se consacrer à la préparation de la grande opération logistique, le rapatriement de toute l'armée italienne vers la Sardaigne.
Un accord entre les belligérants prévoit à cet effet que le port de Bonifacio sera confié à la Marine italienne sous le contrôle de délégués franco-britanniques chargés de veiller au bon déroulement des opérations d'évacuation qui débuteront le 9 octobre, permettant d'embarquer jusqu'à 3 500 hommes par jour.
Cependant, des rumeurs font état d'un possible retour des Allemands dans le Cap Corse.
Dans ce cas, la division Friuli resterait mobilisée en Corse à la requête des Alliés.
Afin d'assurer la protection des opérations d'évacuation des troupes italiennes, une défense anti aérienne est mise en place sur le port de Bonifacio avec des batteries de 75 mm et des mitrailleuses.
Entre le 9 octobre et le 13 novembre 1943, sont évacués sans pertes de Bonifacio à la Sardaigne 61 000 hommes, 3 500 tonnes de matériel et 1 180 véhicules.
Dans le lot, des soldats perdus cherchant à embarquer, ont pu quitter la Corse avec l'aval des Alliés "mais les autorités françaises veillaient à ne pas laisser filer parmi les civils, des personnes compromises avec le régime d'occupation." (4)
Source : Corse Matin. Par: Par Jean-Pierre Girolami
(1, 2, 3, 4) Prof. Gabriele Mariano.
Le operazioni delle unità italiane in Corsica nel settembre ottobre 1943.
Congrès international d'histoire militaire. 1987