AUDDÈ : I CAPITUSI.
-
I CAPITUSI.
la version romancée
A Aullène et à Monacia, on vous racontera parfois qu'un tournoi ou un match de foot est à l'origine de ce surnom.
L'histoire romancée serait la suivante :
- Il y a fort longtemps, les jeunes d'Aullène et ceux de Serra se retrouvaient chaque 25 juin pour une sorte de tournoi amical se déroulant dans un pré à mi-chemin des deux villages.
Il était fréquent que des coups soient échangés pendant la rencontre dite amicale, souvent vers son issue quand les perdants voyaient la défaite proche.
Les Auddaninchi qui remportaient fréquemment la victoire de la rencontre devaient alors chèrement défendre leur talent de jouteurs.
Une année, les Sarrinchi qui avaient entrepris d'échanger des horions avec leurs adversaires, eurent l'idée, dans un génial éclair, d'agriper les cheveux un peu long des Auddaninchi.
La peignée, c'est bien le mot, fut terrible et le retour à Aullène des vainqueurs officiels se fit la mine déconfite et les lèvres fortement tuméfiées.
Autant vous dire que le 25 juin suivant, lorsque les Auddaninchi arrivèrent sur le terrain de la rencontre, les casquettes étaient bien enfoncées sur les têtes.
Vers la clôture du tournoi, les Sarrinchi qui se dirigeaient vers une défaite certaine, voulurent renouveller la manoeuvre de l'année précédente.
Surprise ! les Auddaninchi, sous les casquettes, avaient tous le crâne soigneusement rasé, bien lisse et imprenable.
Les Auddaninchi remportèrent encore la rencontre mais purent cette fois rentrer à Aullène en riant de toutes leurs dents.
Et c'est depuis ce jour que, dans le canton, les Auddaninchi portent le surnom de "Capi tusi".
Le surnom n'est pas tombé en désuétude.
Tendez bien l'oreille, aujourd'hui encore vous pouvez l'entendre car il n'est pas rare que les anciens emploient ce surnom pour désigner les Auddaninchi.
La version historique
En fait, l'histoire est plus brutale car elle porte sur la survie même de nos ancêtres.
Pour bien comprendre l'enjeu de la lutte, il faut se remettre dans le contexte du 19ème siècle en Corse, période pendant laquelle l'île connut une densité de population plus forte que sa capacité à la nourrir.
Le Professeur Maria Pia Rota de l'université de Gênes a produit des travaux fort intéressants sur ce sujet de la surpopulation en Corse.
Nos Auddaninchi du 19ème siècle, la minanna Stivanina Lucchini (née Desanti) racontait que le combat pour les terres à cultiver et à pâturer de la "plage" se déroulait entre ceux d'Aullène et de Zerubia d'un côté et ceux de Tallano de l'autre.
Si les habitants d'Aullène et de Zerubia défendirent chèrement les terres qu'ils tentaient d'exploiter pour leur compte en bas, dans la partie de la plaine fertile du Rizzanese située en-dessous de Sainte Lucie, ils finirent néanmoins par être repoussés jusqu'à la région que forment actuellement les communautés de Monacia d'Aullène et de Pianottoli-Caldarello.
L'anecdote des cheveux tondus demeure véridique mais le contexte en est beaucoup plus grave dans sa version historique.
Aullène / Audde'
village de montagne en Alta Rocca, Corse du Sud
Photo : Anne Marie Lucchini Boisumeau