LA FÉE DE BRANDO.

LA FÉE DE BRANDO.

 

Connais-tu l'histoire de la fée de Brando, mon enfant ?


-De la fée ? Non, Mamo.

Mais je connais Brando, tout près de Bastia, ses marines et ses hameaux surplombant la mer et surtout ses grottes. Je les ai visitées.


-Savais-tu, ma petite fille, qu'elles avaient été découvertes par un chasseur, ou plutôt par son chien ?

L'animal avait disparu.

-Brisco ! Brisco ! appelait le maître.

Des aboiements le conduisirent à l'entrée d'une excavation recouverte par le maquis.

C'était la grotte.

La légende raconte qu'une fée hanterait ces lieux magiques et qu'elle aurait d'un coup de baguette transformé les stalactites de la voûte en une forêt pétrifiée.


Trois frères pauvres et orphelins, Orlando, Francesco et Mario vivaient misérablement dans une cabane située au bas du village tout près de la mer.

Ils se nourrissaient de coquillages ramassés au creux des rochers, de châtaignes, de baies sauvages et de merles qu'ils attrapaient avec leurs frondes dans le maquis.

Un jour qu'il piochait les quelques arpents de terre de leur petit jardin, Mario, le plus jeune des trois, découvrit un trésor : une cassette remplie d'or !

-Aio ! mes frères ! Aio ! Venez vite, nous sommes riches désormais !
-Ces pièces ne sont pas à toi. Nous sommes les aînés, donc elles nous appartiennent.
-Mais c'est moi qui les ai trouvées, riposta Mario.
-Oui, mais dans notre jardin.

La soif de l'or égara la raison de plus d'un conquistador et engendra bien des crimes.

Elle ébranla aussi celle d'Orlando et de Francesco.

Et le petit Mario comprit alors que ses deux frères iraient jusqu'au meurtre pour s'emparer du précieux métal.


Affolé, il prit la fuite cherchant refuge dans le maquis.

Une vieille bergère courbée sous le poids d'un fagot de bois sec, vint à sa rencontre sur le sentier sinueux et étroit.

L'enfant pleurait.

-Mais qu'as-tu donc ? demanda-t-elle. Pourquoi ces larmes ?
-Ce sont mes frères. Ils veulent me tuer pour s'emparer du trésor que j'ai trouvé au fond du jardin.
-Suis moi, répondit la vieille femme. Je vais te cacher.

Et elle le conduisit dans la grotte.
Orlando et Francesco s'étaient mis à la poursuite de Mario.
Ils aperçurent la bergère.

-Nous cherchons notre jeune frère. L'auriez-vous aperçu ?
-Oui, je l'ai mis à l'abri dans une grotte, un peu plus haut. Je vais vous y conduire.

Les deux garçons en franchirent l'entrée d'un bond. Mais une roche énorme se détacha pour en bloquer l'ouverture.

Ils étaient prisonniers.

Une pluie d'or se mit à tomber des stalactites, ruisselant sans discontinuer sur les deux malheureux qui périrent ainsi ensevelis.


Le petit Mario qui s'était endormi, épuisé par la fatigue et la peur, fut réveillé à l'aube par une merveilleuse jeune femme, resplendissante de lumière et tenant à la main une baguette, la baguette magique des fées.

-C'est moi la pauvre vieille que tu as rencontrée. N'aies plus peur désormais. Car je te prends sous ma protection. Je suis la fée de la grotte...

Ces contes de Corse, où la réalité colle à l'histoire, où la légende rejoint le fantastique de notre imaginaire, étaient racontés le soir à la veillée aux petits enfants de l'île.

Blottis autour du "fucone" dont la flamme éclairait et chauffait à la fois, ils écoutaient, terrorisés et admiratifs, les prouesses des bandits justiciers pour l'honneur, les récits des vendetta sanglantes et impitoyables, des amours impossibles, événements tragiques de notre histoire où mysticisme et réalité souvent se confondent.


Lucia Molinelli Cancellieri se souvient avec émotion qu'elle fut un de ces enfants dont les contes et légendes de la Corse imprégnèrent la jeunesse.

La Fée de Brando extrait du livre "Contes de Mamo"
Auteur : Lucia Molinelli Cancellieri
Illustrations de Jeanine Martelli
aux éditions Christian Lacour à Nîmes (Gard).

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