UNE ÉLECTION MUNICIPALE À LINGUIZZETTA EN 1919.

UNE ÉLECTION MUNICIPALE À LINGUIZZETTA:

EN 1919.

 

A la veille des élections municipales de 1919 à Linguizzetta, petite commune de 540 habitants, la situation est explosive les partisans du maire sortant, un certain Monti, reprochent à son adversaire,, d'avoir "usé de son ascendant moral sur un débile léger" pour que ce dernier assassine un proche de Monti, M. de Casalta, maire de la commune de Canale. 

Il est vrai que "M. de Casalta avait fait quelques jours plus tôt des remontrances assez vives à l'abbé Luciani pour certains écarts de langage et sa tenue habituelle avec les jeunes filles". 

Les partisans de l'abbé Luciani, quant à eux, reprochent à Monti d'avoir tiré "cinq coups de revolver sur un de ses adversaires qui fut grièvement blessé au cou...".

 

Prévoyant de violents conflits, le préfet publie un arrêté pour que le bureau de vote soit transféré de son lieu habituel, l'école des garçons, à l'école des filles, lieu qui doit sembler plus neutre.

Mais Monti refuse d'obtempérer et il s'en explique au commissaire spécial envoyé par le préfet :

 "Nous ne pouvons consentir, mes amis et moi, à siéger à l'école des filles qui est entourée par les habitations de nos ennemis, desquelles, au moindre incident, nous serions fusillés (...). J'ai comme adversaires des hommes capables de tout ils m'ont voué une haine terrible, ce qui m'empêche d'obéir aux injonctions de Monsieur le Préfet". 

Mais, aux dires de ses adversaires, le maire sortant ne fait que prêter à ses ennemis ses propres intentions :

 "Si le maire persiste à vouloir faire les élections dans la salle d'école des garçons, située au deuxième étage de son habitation privée, c'est parce que celle-ci se prête merveilleusement à un guet-apens".

L'arrêté n'est pas appliqué les partisans de l'abbé refusent de voter et

Monti est réélu par 46 voix sur les 164 inscrits.

Il faut deux ans pour que les élections de 1919 soient annulées et, le 5 juin 1921, les électeurs se rendent de nouveau aux urnes pour choisir entre les mêmes adversaires qu'en 1919.

Les négociations pour le choix du lieu de vote ont été longues.

 Il ne peut être question, bien entendu, de l'école des garçons ni de celle des filles;

mais le curé du village, Battesti, joue les intercesseurs et accepte de céder une pièce de son presbytère pour que l'on vote.

C'est un partisan de Monti, mais les adversaires du maire acceptent la proposition.

Tout semble donc aller pour le mieux.

Les quarante-cinq gendarmes envoyés pour l'occasion à Linguizzetta sont à leurs postes :

 les issues du village sont bloquées, les maisons des principaux adversaires et de leurs alliés sont surveillées, on empêche tout attroupement. 

Mais les choses se corsent, si l'on peut dire, quand une douzaine de gendarmes décide de surveiller l'escalier qui mène au bureau de vote.

Le curé Battesti refuse et menace de revenir sur se décision (*) 

plus de presbytère, plus d'élection.

On négocie encore. 

Enfin, une solution est trouvée :

 les gendarmes ne surveilleront pas l'escalier, ils se contenteront de contrôler l'entrée du presbytère. 

On peut voter et l'abbé Luciani est élu contre Montiavec 62 voix contre 42. 

Il aura fallu près d'un gendarme pour deux électeurs...

(*) C'est en effet dans l'escalier que les dernières négociations (ou pressions...) ont lieu. 

Le curé Battesti ne veut pas enlever cette dernière chance à son candidat.

(Rapports du commissaire spécial adjoint Sébastiani au directeur de la Sûreté générale, décembre 1919 et juin 1921 Archives nationales F7 12980).

 

Source : Briquet Jean-Louis. In: Politix, persee.fr

Retour à l'accueil