LA LUTTE POLITIQUE ET LA FIÈVRE ÉLECTORALE.

V iolences et effervescences politiques.

La "fièvre" électorale

"II faut reconnaître que les délits électoraux, les fraudes calculées et froidement exécutées, les mutilations du suffrage universel, la corruption de la violence, maintiennent leur intensité au point de se demander si ce pays est digne de conserver le suffrage universel (...).

C'est surtout au moment des élections municipales que les abus de la violence apparaissent.

La lutte pour la possession de l'écharpe et les prérogatives qu'elle entraîne ne connaît pas de frein" 

{La situation criminelle en Corse et les moyens de l'améliorer, Discours de rentrée du Procureur général auprès de la Cour d'appel de Bastia, 1902). 

Les enjeux de la lutte politique.

Contrôler les ressources de la commune.

"Les partisans du maire disposent seuls de l'estampille officielle pour leurs demandes et Dieu sait si la recommandation sévit avec l'esprit de clan ils jouissent abusivement des biens communaux, sont scandaleusement favorisés dans la répartition de la contribution mobilière et des charges de toute nature ;  

pour eux seuls, les petits emplois municipaux, les travaux rémunérateurs, les subventions, les indemnités, les certificats de complaisance, l'indulgence vis-à-vis des contraventions, tandis que le parti vaincu est en butte à toutes les vexations et à toutes les injustices.

Quand on est du bon clan, on peut, par exemple, se permettre des omissions dans les déclarations à l'état civil 

plus tard, un acte de notoriété, souvent fantaisiste, interviendra, mais on aura pu réaliser quelque avantage à l'aide de ces fraudes, comme de tenter de faire échapper un jeune homme au service militaire" 

(Le Joindre (R.), La Corse et les Corses, Paris, Berger-Levraut éditeurs, 1904).


Disposer du soutien des grands notables.

"La politique corse est de la nature de celle qu'un homme de l'art a nommé «politique des gladiateurs» [...]. 

La politique ici, c'est deux partis qui se disputent la mairie [...] pour détenir le pouvoir, en user à leur gré contre les adversaires au bénéfice des amis.

Les vainqueurs distribuent les places, accordent les faveurs, protégeant, recommandant. Les vaincus sont annihilés [...]. 

Vienne le temps des élections législatives et les mêmes pensées, et les mêmes désirs, et les mêmes iniquités, sont transportées et se commettent sur un plan différent.

 Le député n'est pas le dépositaire des volontés d'une population, au moins de sa majorité 

ce n'est point l'homme désigné par elle pour résoudre ou aider à résoudre les grands problèmes généraux 

c'est l'homme qui multipliera les démarches et les intrigues pour trouver au cousin une situation, lui obtenir la décoration qu'il convoite et si possible augmenter sa pension [...]. 

Le député, en Corse, est pour le peuple montagnard, candide, encore et souvent illettré, une divinité. 

Le député, c'est le détenteur de la manne et son distributeur, c'est l'homme devant qui, amicaux ou craintifs, s'inclinent les ministres, c'est, en un mot, celui qui «s'il le veut» peut nommer un garde-champêtre ou le faire nommer. 

Par là, du moins, il est plus grand que le dernier des empereurs français. 

Un demi-dieu !" 

(H. Vidal, "La politique, ce poison...", Le Figaro, novembre 1927).

Les pressions politiques.

"Nous soussignés MM. Leca Marc-Ange, Leca Antoine- Mathieu, Campana César, Campana Angèle-Marie, Arrighi Antoine-Dominique, Ottavi Octave, Campini François, Campini Bettie, Tomboni François, assistés de la commune d'Arbori, déclarons que avant les élections législatives, certains partisans de la municipalité ont fait pression sur les assistés.

Que par mesure de représaille, le conseil municipal, présumant que lesdits assistés n'avaient pas voté pour leur candidat M. Landry, ont été radiés de la liste des assistés. Les neuf assistés étaient tous partisans de la candidature Carbuccia.

Arbori, le 16 mai 1932"

Mémoire présenté par M. de Carbuccia relatif à l'élection législative de l'arrondissement d'Ajaccio, mai 1932, pièce justificative 10).

"Je soussigné, Massimi Jean, journalier, électeur inscrit sur les listes électorales de Sainte-Marie-Sicché, arrondissement d'Ajaccio, atteste et certifie qu'au cours de la tournée électorale faite dans ma commune par M. Landry, député sortant, ses représentants qui l'accompagnaient dans cette tournée m'ont promis, si je votais le 1er mai pour M. Landry, de me faire nommer cantonnier.

 Ils m'ont même proposé, si je m'engageais à voter pour M. Landry, de faire un dépôt pour garantir que la promesse à moi faite serait tenue.

Fait de bonne foi à Sainte-Marie-Sicché, le 15 mai 1932".

 

Source : Briquet Jean-Louis.  In: Politix ; persee.fr

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