LA CORSE ET LE VIN.
« LA CORSE ET LE VIN. »
Les vins corses sont l’héritage d’un savoir faire et d’une tradition viticoles qui remontent à l’Antiquité.
Ils ont néanmoins vécu une histoire mouvementée et le vignoble corse, de très fortes variations.
6 siècles avant JC, le vin d’Alalia (aujourd’hui Aléria) était déjà l’un des breuvages favoris des grecs, il fera ensuite le bonheur des romains : en 35 avant JC, Virgile vante dans l’un de ses ouvrages: « la couleur rubis et le gout si agréable du vin de Balagne ».
Après la chute de l’Empire romain, la vigne corse survivra aux siècles d’invasions et de troubles qui suivirent et au XI ème siècle, les Pisans devenus administrateurs de l’ile puis les Génois, consommeront abondamment la production de l’ile qui sera notamment utilisé comme vin de messe.
Après la cession de la Corse à la France par les génois en 1768 et la bataille de Ponte Nuovo en 1769 qui marquent l’avènement de la souveraineté française sur l’ile, la renommée des viticulteurs corses est telle qu’ils continuent leur activité et leurs exportations notamment vers l’Italie.
Au XVI ème siècle, le cartographe Ignazio Danti qui avait peint la Corse dans la galerie des cartes géographiques vaticane « Cortile del belvedere » écrivait :
« La Corse a reçu quatre dons majeurs de la nature : ses chevaux, ses chiens, ses hommes fiers et courageux et ses vins, generosissimi, que les princes tiennent en l’estime la plus haute ! »
Aux XVIII siècle et XIX siècles, la viticulture corse connaît un développement spectaculaire.
Entre 1788 et 1896, sa production fait plus que doubler, et l’île peut facilement exporter vers la région parisienne grâce à l’arrivée du chemin de fer à Sète.
À la fin du XIX ème siècle, le phylloxera qui détruira 85 % de la vigne corse provoque un effondrement de la production et une véritable catastrophe économique.
L’exode rural puis la première guerre mondiale videront les zones cultivées de leurs forces vives et le vignoble corse passera de 20 000 ha en 1880 à moins de 5 000 ha en 1930.
Au début des années 1960, avec l’installation en Corse de 17 000 rapatriés d’Algérie, la viticulture corse va être relancée, la superficie du vignoble corse atteint 30 000 ha ! mais de manière quasi industrielle au point d’en être totalement bouleversée :
- plantation de cépage à gros rendements sur près de 14 000 hectares,
- multiplication par 15 du vignoble de la Plaine Orientale,
- alors qu’en 1960, 70 % des vignes étaient composées de cépages locaux, huit ans plus tard ils ne représentaient plus que 13% des surfaces ! !
Peu à peu les vins corses prennent la place occupée par les vins de table algériens dans une gamme de vins à petit prix et de qualité médiocre.
Cependant cette politique va à l’encontre des nouvelles habitudes de consommation constatée alors que les ventes de vins de table s’effondrent à partir des années 1970.
En vingt ans, la viticulture corse perd les deux tiers de ses vignobles dont la superficie globale passe de 32 000 hectares à seulement 10 000 hectares à la fin des années 1990, ruinant l’économie locale.
Dans les années 1970, la viticulture corse cristallisera les problèmes politiques et sera le détonateur de la revendication nationaliste, notamment à la suite des événements d’Aléria (l’occupation d’une cave viticole, le 22 août 1975, par un commando dénonçant les avantages fiscaux faits aux viticulteurs rapatriés d’Algérie et les méfaits de leur production intensive).
Le village de Patrimonio a été le fer de lance de la renaissance qualitative que connaît le vignoble corse depuis une trentaine d’années.
A la pointe d’une viticulture identitaire, Patrimonio a été, en 1968, la première appellation d’origine contrôlée (AOC) de Corse, obtenue grâce à l’acharnement de la famille de Bernardi.
Les vignes aux alentours de Patrimonio produisent aujourd’hui 50 % de rouge, 30 % de rosé, 10 % de blanc et 10 % de muscat
Pionniers emblématiques de cette nouvelle vague de viticulteurs qui ont su réagir et s’engager résolument dès les années 1980 dans une démarche qualité, avec la restructuration du vignoble par la gestion des arrachages et des replantations, la modernisation des caves, plusieurs d’entre eux ont associé leur vocation de viticulteur à leurs convictions politiques.
Leur credo : une identité qui passe par une viticulture saine, tant dans le travail des sols que dans une vinification la plus naturelle possible.
Aujourd’hui l’Union des vins corses et le Comité intersyndical des vins corses veulent jouer la carte de l’exportation et séduire les marchés étrangers grâce à des vins de qualité qui vont savoir séduire grâce à la structure, l’identité et la typicité de chacun des terroirs de production.
Une montagne dans la mer: la définition traditionnelle de la Corse est aussi pertinente en matière de vins que pour mettre en évidence ses attraits touristiques.
La topographie est en effet très tourmentée dans toute l’île, et même l’étendue que l’on appelle la côte orientale – et qui, sur le continent, prendrait sans doute le nom de costière – est loin d’être dénuée de relief.
Cette multiplication des pentes et des coteaux, inondés le plus souvent de soleil avec 2750 heures d’ensoleillement en moyenne annuelle, mais maintenus dans une relative humidité par l’influence maritime, les précipitations et le couvert végétal, explique que la vigne soit présente à peu près partout.
Seule l’altitude en limite l’implantation.
Le relief et les modulations climatiques qu’il entraîne s’associent à trois grands types de sols pour caractériser la production vinicole.
Le plus répandu des sols est d’origine granitique; c’est celui de la quasi-totalité du sud et de l’ouest de l’île.
Au nord-est se rencontrent des sols de schistes et, entre ces deux zones, existe un petit secteur de sols calcaires.
Associés à des cépages importés, on trouve en Corse plus de 30 cépages autochtones d’une originalité certaine, aux noms inattendus et magiques, transmis de génération en génération :
Aleatico, Barbarossa, Codivarta, Biancu gentile, Genovese, Riminese, Muriscu, Cualtacciu…..
La noblesse de 3 d’entre eux fait qu’on les retrouve dans les 9 appellations d’origine de l’ile :
le niellucciu cultivé en Italie sous le nom de « sangiovese », au caractère tannique dominant et qui excelle sur le calcaire. Il a largement contribué à la renommée des vins du Patrimonio mais on le retrouve aujourd’hui en Corse orientale et dans les autres appellations de l’ile.
Ce cépage particulier donne aux vins une robe très soutenue d’un rouge profond, il leur assure finesse, densité et bouquet.
Les spécialistes, jamais en manque de lyrisme, le définissent comme ayant: « un nez de fourrure de lièvre et de réglisse qui libère des aromes de fruits rouges et de violette avec une note boisée qui en vieillissant évolue vers des aromes d’épices et de fleurs du maquis ».
Le sciaccarellu tiré de l’adjectif éponyme qui signifie « craquant » qui règne en maitre dans les parties granitiques du sud de l’ile autour d’Ajaccio et de Sartène.
Lui, présente plus de fruité et donne des vins rouges, souples à la robe discrètement colorée que l’on apprécie davantage dans leur jeunesse et qui offrent un bouquet poivré, parfumé d’aromes de fruits rouges, d’épices, de café et de fleurs du maquis.
En blanc, le vermentinu (baptisé « rolle » en Provence et « malvoisie » en Italie malvaisia –malvoisie de Corse) est, semble-t-il, apte à produire les meilleurs vins blancs de tout le pourtour méditerranéen.
Des vins blancs secs très typés, forts en bouche et d’un degré souvent élevé.
La robe est pâle avec des reflets jaune –vert, au nez il offre un fort bouquet d’aromes floraux de pomme et d’amande.
La viticulture corse comptait en 2010, 284 déclarants, c’est une baisse de 37% en 10 ans et c’est 15 fois moins qu’en 1970 ou 4330 exploitations déclaraient cultiver la vigne, la plupart du temps en association avec d’autres cultures ou élevages et sur de petites surfaces ne dépassant que rarement l’hectare.
Aujourd’hui la taille moyenne des exploitations viticoles corses est de 25 hectares, c’est la taille moyenne viticole la plus élevée en France.
L’ensemble du bassin viticole corse couvre aujourd’hui environ 6800 ha pour une production moyenne de 350 000 hl qui se répartissent pour :
- 32% en vins AOC (9 appellations AOC Patrimonio, Calvi, Sartene, Porto Vecchio, muscat et coteaux du Cap corse, Ajaccio, Corse, Figari))
- AOP, 61 % de vin IGP (indication géographique protégée)
- 7% de vin sans appellation.
- 8% des surfaces sont cultivées en bio.
C’est le plus petit bassin viticole français.
35 % de la production est vendue en Corse
45 % en France continentale essentiellement via la grande distribution et 20 % à l’exportation (surtout USA, Allemagne et Pays Bas).
L’activité viticole est la première activité économique de l’ile dont elle représente 37% de la Production Brute standard (PBS), elle bénéficiait en 2010 de plus de 13 M€ d’aides publiques régionales, nationales et européennes versées via le Programme de développement rural de la Corse.
La viticulture est le premier employeur agricole de main-d’œuvre salariée en Corse avec 739 salariés.
Source : Accademia Corsa di Nizza. Jean pierre Poli.
Sources bibliographiques : Insee, agreste agriculture.gouv, vins de corse.com