LA GASTRONOMIE MÉDIÉVALE.

 

Le pain est au cœur de l'alimentation médiévale, accompagné de vin et de viande.

Les céréales sont la base de l'alimentation, préparées le plus souvent sous forme de pain. 

Le froment est la céréale la plus recherchée à la fin du Moyen Âge. Le seigle ne se maintient que sur les terroirs les plus rudes 

Les légumes sont plutôt réservés aux paysans, dans la réalité comme dans l'imaginaire.

Les aliments n'ont en effet pas tous la même valeur culturelle : on les classe à l'intérieur d'une hiérarchie qui mène du ciel à la terre.

La cuisine est l'affaire des femmes dans les milieux populaires.

Mais, dans les vastes cuisines spécialisées des seigneurs et des princes, un univers très hiérarchisé d'hommes veille à l'approvisionnement et à la préparation des repas pour une maisonnée nombreuse.

Les miniaturistes nous convient aux tables médiévales.

Comme ils travaillent pour les princes, pour les puissants ou les catégories sociales les plus aisées, c'est sur des tables riches que s'attarde leur regard et bien rares sont les paysans dans les enluminures, à l'exception de ceux que l'on trouve dans les bibles et les calendriers.

	 Laitues  	  Platearius, Livre des simples médecines, vers 1480  	 Paris, BnF, Département des manuscrits, Français 12322, fol.151 v

Laitues Platearius, Livre des simples médecines, vers 1480 Paris, BnF, Département des manuscrits, Français 12322, fol.151 v

TOUT ALIMENT ESTUN MÉDICAMENT.

Les médecins du Moyen Âge portent une grande attention à la nourriture, qu'ils considèrent comme un moyen non seulement de conserver la santé mais aussi de guérir les maladies.

Selon une théorie héritée de la médecine grecque de l'Antiquité (Hippocrate, Galien) et transformée par les médecins arabes, les aliments sont en effet des composés de qualités premières : ils sont chauds ou froids et secs ou humides.

Or, le corps humain est traversé de fluides ou "humeurs" qui combinent ces mêmes qualités premières : le sang est ainsi réputé chaud et humide, la colère (ou bile jaune) est chaude et sèche, tandis que les humeurs froides sont la mélancolie (ou bile noire), froide et sèche, et le flegme, froid et humide.

Les maladies internes étant dues, pour les médecins, à l'excès d'une humeur dans le corps, il suffit, pour obtenir la guérison, de l'évacuer ou de le faire disparaître par un régime approprié.

Par exemple, on administrera aux malades souffrant d'une fièvre sévère des aliments particulièrement froids, telles les cucurbitacées ou les salades – qui ne sont guère conseillées en temps ordinaire.

 

 

	 La cuisson à la broche  	  Boccace, Le Décameron, Flandres, 1432  	 Paris, BnF, Arsenal, manuscrit 5070

La cuisson à la broche Boccace, Le Décameron, Flandres, 1432 Paris, BnF, Arsenal, manuscrit 5070

MANGER POR CONSERVER LA SANTÉ.

 

La nourriture quotidienne que l'on recommande aux gens sains a pour objectif de maintenir intact leur tempérament (ou "complexion"), c'est-à-dire le composé d'humeurs qui les caractérise.

Un individu où le sang prédomine se verra qualifié de sanguin, et ainsi de suite pour les colériques, les mélancoliques et les flegmatiques.

À un tempérament sanguin conviennent bien évidemment des aliments chauds et humides, tels le pain de froment, la volaille et le vin pur, tandis que la diète des mélancoliques devrait être constituée de fèves et de viande de porc.

Dans ce système de correspondances raffinées, il faut aussi tenir compte de la saison (les épices très vivement échauffantes sont à proscrire en été), de l'âge du patient (la chaleur vitale décline durant la vieillesse) et enfin des apprêts que l'on donne aux aliments :

le gibier d'eau, naturellement humide et froid comme l'eau où il vit, sera asséché si l'on prend la peine de le faire rôtir à la broche et de l'accompagner d'épices chaudes et sèches.

  	 Manuel diététique  	  Aldebrandin de Sienne, La flours et la rose de toute medicine de fisisque (Régime du corps), fin XIII e-début XIV e siècle  	 Paris, BnF, Arsenal, manuscrit 2510, fol. 49 v  	Ce manucrit est l'un des plus anciens du manuel diététique le plus répandu au Moyen Âge: le Livre de physique, titre qu'il faut préférer au Régime du corps (attesté seulement dans les manuscrits du XVe siècle) fut en effet aussi bien diffusé sous sa forme d'origine, en français, que dans ses traductions en italien, en catalan et en flamand. En écrivant en langue vulgaire, l'auteur, un toscan installé à Troyes au milieu du XIIIe siècle, voulait s'adresser à un vaste public. L'ajout d'une dédicace à la comtesse de Provence Béatrice de Savoie, fit sans doute beaucoup pour le succès d'un traité q

Manuel diététique Aldebrandin de Sienne, La flours et la rose de toute medicine de fisisque (Régime du corps), fin XIII e-début XIV e siècle Paris, BnF, Arsenal, manuscrit 2510, fol. 49 v Ce manucrit est l'un des plus anciens du manuel diététique le plus répandu au Moyen Âge: le Livre de physique, titre qu'il faut préférer au Régime du corps (attesté seulement dans les manuscrits du XVe siècle) fut en effet aussi bien diffusé sous sa forme d'origine, en français, que dans ses traductions en italien, en catalan et en flamand. En écrivant en langue vulgaire, l'auteur, un toscan installé à Troyes au milieu du XIIIe siècle, voulait s'adresser à un vaste public. L'ajout d'une dédicace à la comtesse de Provence Béatrice de Savoie, fit sans doute beaucoup pour le succès d'un traité q

LES MANUELS D'HYGIÈNE ÉLÉMENTAIRE.

Tout le monde ne disposant pas d'un médecin à demeure pour indiquer ce qu'il faut ou non manger, des manuels ont été écrits afin de guider les choix alimentaires du public.

Parmi ces "Régimes de santé", il en est qui s'appliquent à une situation particulière : grossesse, vieillesse ou encore une maladie plus ou moins grave.

D'autres ont une visée plus générale.

L'un des plus répandus est le Tacuinum Sanitatis, ou "Tableau de la santé", traduit au milieu du XIIIe siècle à partir d'un texte du médecin de Bagdad Ibn Butlân.

Son format pratique en tableaux récapitulatifs et les somptueuses illustrations que ses manuscrits contiennent à partir des années 1370 lui assurent un grand succès.

Mais c'est la littérature diététique dans son ensemble qui se développe à la fin du Moyen Âge, reflétant ainsi le très vif intérêt que porte cette époque à tout ce qui concerne la nourriture.

La crainte que représente la peste y est aussi pour beaucoup : cette "grande faucheuse" réapparaît en 1348 et revient frapper régulièrement une population affaiblie par la crise économique et les guerres.

Les médecins n'ont guère à lui opposer qu'un régime interdisant les épices – dont le caractère échauffant est supposé favoriser la corruption des humeurs – et recommandant le vinaigre qu'on utilise "à toutes les sauces" :

en bain de bouche, en instillation nasale, sur une éponge placée devant les narines, et bien sûr dans l'assaisonnement des plats.

  	L'huile d'amande  Tacuinum Sanitatis, XVe siècle Paris, BnF, Département des manuscrits, Latin 9333, fol.88

L'huile d'amande Tacuinum Sanitatis, XVe siècle Paris, BnF, Département des manuscrits, Latin 9333, fol.88

LA GRANDE CUISINE DES MALADES.

Dès le XIIe siècle, un médecin de la célèbre école de Salerne, Petrus Musandinus, consacre un traité à l'alimentation des malades atteints de fièvres aiguës. Il y expose de véritables recettes culinaires, dans lesquelles le souci du détail le dispute à celui de satisfaire le goût.

Un plat d'amandes sucrées est ainsi comparé aux mets que les maîtres-queux confectionnent alors dans les cuisines de l'aristocratie.

Sachant qu'il faut composer avec le goût des patients, Musandinus propose une variante du lait d'amandes de couleur parfaitement blanche, car "cela plaît davantage aux malades", écrit-il.

Toute une section de son Opuscule sur l'alimentation des malades est même dévolue à des plats de viande, pourtant formellement interdits aux fiévreux.

Enfin il admet que le patient puisse vouloir goûter la pâte d'une tourte dont seul l'intérieur est utile dans le traitement !

  	Nourrir les malades   Psautier, Espagne-Angleterre, XIVe siècle  Paris, BnF, Département des manuscrits, Latin 8846.

Nourrir les malades Psautier, Espagne-Angleterre, XIVe siècle Paris, BnF, Département des manuscrits, Latin 8846.

MANGER SELON SON ÉTAT.


Les malades côtoient les indigents dans des hôpitaux qui ne sont toujours pas médicalisés.

Faute de pouvoir leur assurer le régime qui correspondrait exactement à leur état, les autorités hospitalières achètent assez régulièrement des poules, du sucre, des œufs et du pain, aliments proches de la nature de l'homme et dont la douceur et la modération sont censées convenir parfaitement à des convalescents.

Le bouillon de poule est déjà l'un des classiques de cette alimentation des malades, à laquelle les livres de cuisine consacrent souvent un chapitre.

Décidément, la cuisine est sœur de la médecine, même si la diététique sert bien souvent de justification aux distinctions sociales : comme par hasard, les vaches réformées dont les paysans se nourrissent faute de mieux sont conçues comme des mets grossiers naturellement destinés aux estomacs rustiques.

 

Source : La Gastronomie Médiévale. expositions.bnf.fr

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