Camille Piccioni en buste de profil de Van Bosch E.

Camille Piccioni en buste de profil de Van Bosch E.

CAMILLE PICCIONI.

 

C'est le 22 juin que s'éteignit, à son tour, M. Camille Piccioni, que vous aviez élu, en novembre 1924, comme secrétaire de votre Conseil. 

Appartenant à une vieille maison noble de Corse, venue jadis de Rome dans l'île, il était né à Bastia le 25 novembre 1859 et petit-fils de ce Jean-Marie Piccioni, qui fut maire de l'Ile Rousse, en 1796, au temps de l'occupation anglaise.

 

Alors, Jean-Marie Piccioni n'avait pas hésité à se rendre auprès du général Bonaparte, à Livourne, pour lui proposer d'envoyer un détachement de troupes au secours de son pays.

 

C'est cette poignée de cent cinquante hommes de la Prévôté de l'armée d'Italie, qui débarquée sous les ordres de Casalta, au cap Corse, y provoqua le soulèvement libérateur.

 

Notre collègue aimait à évoquer ce souvenir ; il se plaisait à y montrer le futur empereur des Français, dont il avait le culte, donnant à son aïeul une leçon de patriotisme, en lui disant que, pour sa part, il se préoccupait plus des destins de la nation Française que de ceux de l'île de Corse, où il avait pourtant vu le jour, comme tant de Piccioni depuis le xvc siècle. 

Antoine Piccioni, père de votre secrétaire général, nommé maire de Bastia par Napoléon III, en 1865, y fut non seulement lin administrateur modèle de cette commune jusqu'en 1870, mais un médecin plein de charité et de dévouement.

 

N'était-ce pas lui d'ailleurs qui, lors du grand choléra de 1854, avait rendu des services inouïs aux populations de Revel et des environs, en Haute-Garonne, et en Toscane, en 1858, où il acquit une, légitime popularité au cours d'une épidémie de miliaire qui décimait les métayers et les ouvriers de sa propriété de Peccioli, par ses soins et son zèle personnels ? 

Toute sa vie, à son tour, Camille Piccioni se montra le digne héritier de ces patriotes au cœur généreux, compatissant aux malheurs publics, s'intéressant au bien du pays comme à la flamme protectrice du foyer que ni les guerres, ni les révolutions ne doivent laisser éteindre. 

Il avait débuté dans la carrière comme attaché au cabinet du ministre des araires étrangères, en 1884, et jusqu'à l'âge de la retraite, il ne cessa point de consacrer son activité, son intelligence, aux services du quai d'Orsay. 

Chef-adjoint du cabinet de M. Delcassé en 1901, il demeura cinq ans auprès de ce grand homme d'Etat, dont il avait conquis la confiance, et participa à ses côtés aux négociations et à la conclusion de l'entente cordiale avec l'Angleterre, et au rapprochement avec l'Italie,.

 

Sous-directeur des Chancelleries en 1908, il fut promu ministre plénipotentiaire cette année, puis sous-directeur d'Amérique la suivante, enfin sous-directeur des Archives du quai d'Orsay, en 1910.

 

C'est là qu'il acheva de déployer ses qualités d'administrateur et d'ami convaincu de l'histoire.

 

 

 PHOTOGRAPHIE (REF - 119091) © MUSÉE D'ORSAY, DIST. RMN /ALEXIS BRANDT

PHOTOGRAPHIE (REF - 119091) © MUSÉE D'ORSAY, DIST. RMN /ALEXIS BRANDT

Enfin, depuis la mort du regretté Alfred Dumaine, M. Piccioni avait accepté de présider l'Association amicale des fonctionnaires et agents du ministère des affaires étrangères. 

Du jour où l'âge de la retraite sonna pour lui, il s'adonna dans ses loisirs, aux études du passé.

 

L 'un de ses meilleurs ouvrages nous rappelle le rôle important des Premiers commis du département des affaires étrangères au xvii et au xviii siècles.

 

Il s'y inspire des recherches poursuivies jadis par Louis Delavaud.

 

Il avait écrit de même, pour la Revue d'histoire diplomatique, des articles sur Le rattachement de l'Autriche, c'est-à-dire sur les dangers de l'Anschluss, sur un premier commis du surintendant Foucquet, Bruant des Carrières, dont toute la vie fut véritablement prodigieuse, enfin sur les missions de Sebastiani, ambassadeur de France à Londres et ministre des affaires étrangères. 

Il avait attaqué d'autres sujets d'une portée plus étendue dans des Essais sur la neutralité perpétuelle, sur la Constitution d'Alsace-Lorraine, sur l'Organisation du Spitzberg, sur l'Ordre de Malte en Corse, sur le Statut International de Dantzigsur la Sanction militaire des décisions de la Société des Nationssur l'Histoire enfin du Cap Corse et les châteaux de cette île ancestrale qui lui resta toujours chère, où se manifestaient ses connaissances si variées, une grande perspicacité d'esprit, un jugement sûr et des appréciations originales dont son esprit avait le don. 

Il avait succédé à notre dévoué secrétaire général Edouard Rott, l'un des plus fidèles animateurs de la Société d'histoire diplomatique, que la plupart d'entre vous ont pu connaître et estimer, et comme lui, il s'employa au bien de notre compagnie, n'hésitant jamais à y accomplir son devoir professionnel avec tact, sans bruit, sans vanité et sans ménager sa propre peine.

 

Le modèle des amis, le plus sûr, le plus courtois, le plus bienveillant des collègues, quand la mort cruelle nous l'enleva, nous espérions le garder longtemps encore parmi nous.

 

Son départ précipité a laissé tout le conseil en deuil. 
 

 

Source : BNF galLICA.

Retour à l'accueil