CASTELLU DI ROSTINO : Les châteaux secondaires
CASTELLU DI ROSTINO : Les châteaux secondaires.
Les châteaux secondaires semblent jouir des mêmes droits que les principaux.
Ils peuvent être, à l’origine, de simples forteresses de conquête dont la fonction est strictement militaire.
Ce n’est qu’un certain temps après leur construction que la seigneurie se met en place.
Le château possède alors des habitats, des terres, des cours d’eau sis infra confines dictorum castrarum.
Il exerce donc un rôle de commandement sur ce territoire aussi qualifié de districtus ou, plus couramment, de juridictione.
Cette terminologie souligne bien que le seigneur est ici, et avant tout, détenteur du ban, de la rasone (ou raxone), c’est-à-dire du pouvoir judiciaire.
Ces châteaux servent aussi de résidence, au moins occasionnelle, mais souvent permanente.
Les pièces d’habitation de Motti, Mugliunaccia et Rostino ont livré un mobilier archéologique abondant, diversifié et souvent de qualité, qui témoigne de l’aisance des occupants du lieu.
On notera tout d’abord l’abondance de la vaisselle fine qui, malgré son coût sans doute peu élevé, traduit un raffinement, moins marqué dans l’habitat paysan.
Ce mobilier céramique est surtout remarquable par sa diversité.
Si les vases et les plats de majoliques archaïques pisanes sont de loin les mieux représentés, on note aussi fréquemment la présence de productions ligures, d’Italie méridionale, de Sicile, du Maghreb et d’Espagne du Sud, voire de Provence et de Méditerranée orientale.
Mais, plus que la céramique, ce sont surtout les objets métalliques qui reflètent le statut des habitants.
Si les bagues en bronze ou en or, décorées de perles en pierre ou en verre comme celles découvertes à Rostino, sont assez rares, les armes et les objets de parure destinés à décorer vêtements et harnachements de monture sont, en revanche, très communs.
Paillettes, plaquettes de bronze, boutons décorés et autres agrafes font en effet partie du mobilier habituellement mis au jour lors des fouilles.
Il nous paraît impossible, à l’heure actuelle, de distinguer sur le terrain ces deux types de château.
Tous deux présentent les mêmes éléments dont le plus important est le donjon, ouvrage défensif destiné à abriter temporairement quelques personnes en cas de danger imminent, ou quelques gardes de manière plus régulière.
Ce donjon est souvent unique mais certains châteaux comme Avortica, Rostino ou Biguglia en comptent deux de dimensions voire de forme différentes.
Les raisons du doublement du donjon sont mal connues, mais il est certain aujourd’hui (au moins dans les cas de Biguglia et de Rostino), que les deux ouvrages ne sont pas contemporains.
Ils sont d’ailleurs bien différents, tant par leur forme que par leur aspect.
Le castello de Croce, dans le Nebbio, semble être un cas exceptionnel de château sans donjon.
La partie sommitale du site était simplement occupée par un abri sous roche muré.
Étant donné que la partie sommitale du site ne semble pas apte à recevoir une telle structure, elle a pu être construite en contrebas, ou bien à l’entrée de la fortification, ou bien sur la terrasse ouest, plus isolée et mieux protégée par des à-pic rocheux.
Mais cela reste peu probable.
Dans quelques cas, les donjons ont été presque en totalité détruits lors d’interventions militaires au XVe siècle, notamment durant l’épisode milanais entre 1464 et 1478.
Ce fut le cas de celui de Sant’Angelo en Balagne ).
Mais des traces de chaux ou quelques pierres trahissent toujours la présence de cette structure.
Cette tour, ou donjon, est toujours construite sur le point le plus élevé du site afin d’en rendre l’accès plus difficile, même si cela demande un aménagement préalable de la surface et impose aux maçons des risques importants.
Leur forme est presque toujours quadrangulaire.
Ce plan peut être plus ou moins régulier en fonction des impératifs du terrain, mais jamais nous n’avons rencontré de donjons triangulaires ou à plus de quatre côtés.
Seulement deux sont sûrement de plan circulaire (San Colombano et Biguglia) tandis que Minerdo est circulaire à l’extérieur et quadrangulaire à l’intérieur.
Les superficies habitables sont modestes.
Les donjons de San Colombano et Cotone, par exemple, ne dépassent pas 5 m2 alors que la tour de Montemagna est d’à peine 3 m2.
Seul le donjon 1 de Rostino, érigé à l’extrême fin du XIIIe ou au tout début du XIVe siècle, atteint près de 20 m2.
Leur hauteur originelle n’est pas connue en raison de leur état de conservation.
Toutefois, celle du donjon 1 de Rostino peut être évaluée à une dizaine de mètres à partir d’un calcul simple prenant en compte la hauteur des murs conservés et le volume de pierres contenu à l’intérieur de la structure.
Chaque étage était planchéié.
Le couvrement était constitué d’un toit de tuiles ou d’ardoises.
Il est fréquent qu’une citerne voûtée occupe le rez-de-chaussée de la tour.
Quand ce n’est pas le cas, elle est située à quelques mètres seulement de celle-ci et se présente sous la forme d’une cuve de plan rectangulaire ou tra pézoïdal, de 5 à 30 m3, couverte d’une voûte en berceau plein cintre, au sommet de laquelle se trouvait une petite trappe permettant de puiser l’eau.
Un logis, nommé palatium dans la documentation écrite, et parfois quelques autres bâtiments destinés à l’habitation ou à des fonctions d’entrepôt par exemple, voire de stalles, sont situés autour du donjon.
Ils sont répartis de manière à occuper le plus rationnellement possible l’espace du sommet de la proéminence rocheuse, souvent exigu et accidenté.
On ne compte qu’une seule pièce à Cotone et au moins deux à Rostino, dont la plus grande a une superficie de plus de 70 m2, desservies par un long couloir central.
Peu luxueux et peu confortables, ces logis et pièces annexes s’élevaient parfois sur deux niveaux, voire peut-être trois à Rostino.
Leur plan, irrégulier, est bien souvent guidé par la topographie naturelle du site.
Ces constructions sont protégées par une petite enceinte, parfois relayée par les à-pic naturels.
L’espace ainsi enclos est entièrement occupé; sa superficie varie de 150 m2 pour les plus petits, à près de 900 m2 pour Biguglia et Rostino.
D’une manière générale, le donjon se trouve à l’une des extrémités de l’ensemble qui s’organise selon un plan irrégulier, guidé par le relief (fig. 6).
Dans trois cas seulement, le donjon occupe une position centrale par rapport à l’enceinte qui englobe un espace de plan plus régu- lier (Serravalle (fig. 7), San Colombano de Rogliano et Avortica).
Ces nouvelles dispositions, qui rappellent certaines fortifications de Toscane, de Ligurie, du Frioule ou encore de Sardaigne, semblent être le résultat de modifications postérieures au milieu du XIIIe siècle.
Malgré la présence de deux modestes tours qui flanquent l’enceinte d’Avortica, l’organisation de ces fortifications corses n’a toutefois jamais atteint le degré d’évolution de San Michele de Cagliari, où le plan carré est associé à de grosses tours à bossages placées dans les angles.
DANIEL ISTRIA.
Source : persee.fr