NINO CAGLIANI : DE PISE À BASTIA EN 1912.
NINO CAGLIANI : DE PISE À BASTIA EN 1912.
Parti de Pise en aéroplane, il atterrit à Bastia en héros Nino Cagliani bat le record de Blériot sur la Manche
Né à Milan en 1881, Nino Cagliani se découvre une passion pour l’aéronautique en assistant Santos Dumont dans ses vols de dirigeable.
En 1910, il acquiert son brevet de « pilote aviateur », ce qui lui donne l’occasion de participer à des meetings aériens.
Dès février 1912, on lui confie une mission de pilote d’essai sur un appareil de type monoplan baptisé Antoni 1912 doté d’un moteur de type Gnome.
Depuis longtemps, Nino Cagliani caressait son « rêve d’Icare », réaliser la traversée Pise-Bastia, en suivant l’exemple de Louis Blériot.
À savoir battre le record de la plus longue distance parcourue au-dessus de la mer, 140 kilomètres.
D’autres avant lui ont tenté l’aventure.
L’Américain Mac Curdy en janvier 1911.
Parti de Key West pour La Havane (170 km), il s’est abîmé en mer à 35 km de l’arrivée.
Le Français Edoardo Bague parti de Nice en mars 1911 pour rejoindre la Corse, a dû se poser sur l’île de la Gorgona.
Sa nouvelle tentative en juin lui coûtera la vie.
Tandis que l’aviation balbutie, des hommes intrépides visent à écrire leur nom dans le ciel en tentant l’impossible.
Ayant reçu le feu vert de l’Aero Club d’Italia et de l’Aero Club de France, Nino Cagliani prépare son vol selon les règlements de la Fédération aéronautique internationale.
Le projet est accueilli avec enthousiasme tant en Italie qu’en Corse.
Il n’y a plus qu’à attendre l’amélioration des conditions météo pour se lancer.
Le décollage est prévu à 11 heures, mais un vent violent contraint Cagliani à le différer à 14 heures.
L’appareil suivra le trajet suivant: Marina di Pisa, îlot de la Meloria face à Livourne, les îles de la Gorgona et de Capraja, puis enfin l’étang de Biguglia et la plage de l’Arinella à deux kilomètres au sud de Bastia où Cagliani se pose vers 16 heures ce 9 octobre.
Vol effectué à 1400 mètres d’altitude, couvrant une distance de 140 kilomètres « su mare aperto ».
Dans le réservoir, il ne restait que quelques centilitres
Exploit d’autant plus remarquable que le pilote italien a réussi là où d’autres ont échoué, gagnant dans l’aventure un statut de héros, médaillé d’or par la municipalité de Bastia et par l’Aéro-Club d’Italia.
Le 11 octobre, le monoplan de Cagliani orné des trois couleurs italiennes, arrive à Livourne sur le piroscafo de la Marine italienne Carlo II.
Nino Cagliani est porté en triomphe dans les rues de la ville, puis conduit à Pise où le 13 octobre, il est célébré lors de festivités grandioses.
Des affiches sur les murs appellent les habitants de la ville à se « montrer dignes de leur héros ».
La Corse n’est pas en reste.
Associée à cet exploit dont l’écho a retenti dans le monde entier, la ville de Bastia est en liesse à l’arrivée de Nino Cagliani à l’Arinella.
Les membres du Comité d’organisation, depuis le matin à leur poste se précipitent pour le congratuler.
« Je suis complètement gelé », s’écrie le pilote, pourtant habillé chaudement et coiffé d’un casque en cuir pour s’abriter du vent.
On le débarrasse de ses liens.
Il était temps.
Sur un réservoir de 9 litres d’essence au départ, il n’en restait plus que quelques centilitres!
La population avait été préparée à l’événement par la presse.
« Dès neuf heures du matin, les quais du Nouveau port et du Vieux port, la place Saint-Nicolas, la place d’Armes et les environs de la ville présentent une animation inaccoutumée. On sait par les dernières nouvelles reçues d’Italie que le hardi pilote est décidé à profiter de la première journée de beau temps pour effectuer son vol. »
Cagliani, très calme à sa descente d’avion, serre les mains qui se tendent, tandis que M. Scampucci, adjoint au maire de Bastia, lui souhaite la bienvenue au nom de la ville dans une brève allocution.
Puis le héros du jour accompagné des organisateurs, monte en voiture pour se diriger vers Bastia.
Lors du grand dîner servi dans les salons du Cyrnos Palace, la fanfare l’Avenir joue l’Hymne italien aussitôt suivi de la Marseillaise, sous les applaudissements des convives et de la foule.
Plus tard dans la nuit, un punch d’honneur sera servi au Café Français décoré aux couleurs françaises et italiennes.
L’intrépide aviateur y reçoit les félicitations de la colonie italienne de l’île groupée autour de son consul.
Nino Cagliani a ouvert la voie à d’autres pilotes qui rêvent de s’illustrer dans l’aviation.
La Guerre de 1914-1918 leur servira de tremplin, révélant d’autres personnalités dont le pilote corse Jean Casale fut un brillant exemple.
S’il se montre admiratif envers ces « merveilleux fous volants dans leurs drôles de machines », le public hésite encore à franchir le pas en montant dans un avion, où le moindre incident risque d’être fatal.
L’avènement du tourisme aura peu à peu raison de ces réticences.
La création en 1921 de la première ligne aérienne commerciale Antibes-Ajaccio-Tunis en hydravion lancera la mode du tour de Corse en autocar.
Source : Corse Matin. Par Jean-Pierre Girolami.