Les USA, nation dominante, une histoire glorieuse pour tous … les Américains. *De l’histoire des WASP à l’histoire pour tous
Le Comité des Cinq présentant son texte de la Déclaration d'indépendance au Congrès le 28 juin 1776. Tableau de John Trumbull, 1819. John Trumbull — US Capitol John Trumbull (US-americain, 1756-1843): Déclaration d'indépendance figurant la Commission des Cinq déposant le texte de la déclaration d'indépendance. De gauche à droite, John Adams, Roger Sherman, Robert Livingston, Thomas Jefferson et Benjamin Franklin.
Les USA, nation dominante, une histoire glorieuse pour tous … les Américains.
*De l’histoire des WASP, « White Anglo-Saxon Protestants » à l’histoire pour tous
Les Etats Unis, en situation mondiale prédominante depuis la Première Guerre Mondiale, n’ont pas connu l’adversité auparavant.
Leur histoire conquérante n’a pas plus trouvé d’obstruction à leur expansion hégémonique face aux Indiens sans grande défenses à l’Ouest qu’aux Espagnols coupés de la mère patrie au Sud. Durant tout le XIXéme siècle, les colons blancs, essentiellement anglo-saxons et protestants ont conquis un continent.
L’esclavage des Noirs ou les conditions de survie parfois très difficiles subies par les nouveaux arrivants Irlandais, Italiens, Juifs d’Europe centrale, Chinois ne leur posait problème dans l’histoire de leur pays.
D’après Marc Ferro cette histoire était vue sous l’angle de cinq périodes, les Aborigènes, puis la découverte ( par les Danois et Christophe Colomb), l’époque coloniale, l’époque révolutionnaire, et enfin l’époque nationale.
Cette dernière était bien courte par rapport à nos histoires européennes.
Il existait également, une section annexe pour l’étude des autres nations, anciennes ou contemporaines.
La doctrine Monroe faisait l’objet d’une étude particulière, il fallait bien justifier la « destinée manifeste ».
Jusqu’au XXéme siècle, l’étude des divisions internes fut au programme mais après 1918 l’oubli volontaire prévalut.
Il fallait valider l’idéologie triomphante du melting-pot.
Les Américains voulurent aussi oublier la Guerre de Sécession, une scission incongrue dans le mythe d’une Amérique unie.
L’auteur note d’ailleurs que les romans et films sur cette guerre connurent peu de succès, sauf pour « Autant en emporte le vent » où la romance occulte toute l’analyse historique des faits présents dans le livre.
Seuls les écrivains se sont penchés sur le sort des Indiens.
L’histoire n’est présente comme au Canada que sous la forme de musées vivants.
Malgré l’arrivée d’autres immigrants, blancs mais pas forcément protestants, et les problèmes qui en découlèrent, les Américains ont longtemps voulu croire qu’ils s’étaient construits un paradis.
Tout ceci jusqu’au réveil des minorités dont l’importance n’a cessé de croître au point que les fondateurs « White Anglo-Saxon Protestants« , les WASP, ne soient en passe de devenir une catégorie minoritaire.
La guerre, les luttes des Noirs pour les droits civiques, la prise de conscience des torts causés aux Indiens, vont bouleverser la donne.
La contestation étudiante des années soixante conjointe avec le refus de la guerre du Vietnam, en 1968, vont amener les Américains à se poser les questions qui fâchent et leur histoire va s’en ressentir.
Auparavant quand toute l’histoire des USA n’était qu’un hymne à l’american way of life, toute critique était contre nature.
Plus tard, ils prirent conscience que l’éducation donnée aux petits Américains n’était qu’un exercice d’auto satisfaction de la classe dirigeante, ignorant sans vergogne les torts causés aux minorités de plus en plus puissantes et de là, la nécessité revoir leurs positions et leur passé.
Il convient de préciser qu’en Amérique si l’école n’est pas sous la surveillance de l’Etat, les citoyens et les associations ont voie au chapitre.
Que l’enseignement soit tributaire de crédits publics, ou privés, les « payeurs » se sentent légitimes à influencer les choix des professionnels.
Ce sera la force et la chance des communautés.
Sauf pour les Indiens oubliés de cette révision alors qu’au tout début ils avaient été considérés officiellement comme relevant d’une « civilisation particulière ».
A chacun son histoire :
Les Noirs
A présent, leur histoire présente l’esclavage, non comme la raison originelle de leur présence aux Etats Unis, mais comme la résultante d’une évolution régressive de leur statut et son point paroxystique.
La vérité officielle à présent veut que certains d’entre eux arrivèrent peu de temps après les premiers blancs comme serviteurs libres.
Ils auraient été réduits progressivement en esclavage du fait de la traite organisée par une minorité de colons avides.
Les pères fondateurs de l’Amérique n’étaient pas esclavagistes.
Il est rappelé le rôle joué par certains Noirs durant la révolution américaine, (dont un certain Crispus Attucks), puis durant la Guerre de Sécession.
Les actions héroïques comme celle d’Harriet Tubman une esclave en fuite ayant réussi à faire passer trois cent des siens au Nord, est mise en avant.
La longue lutte pour les droits civiques est présentée comme la résultante des résistances perverses opposées à leurs droits par les Blancs du Sud appuyés sur la grande marge de liberté qu’offre la Constitution à l’indépendance de chacun des Etats.
Après l’hommage à Martin Luther King, on présente les leaders Black Panthers comme des révolutionnaires rejetés autant par la majorité des Noirs que par les Blancs.
Les Noirs sont aussi de bons Américains, la preuve ils rejettent la « pagaille » révolutionnaire, CQFD.
Aux Etats Unis les Noirs sont entrés dans l’histoire et y ont trouvé leur place.
Les Irlandais
Moins sujette à repentance mais presque aussi douloureuse fut l’histoire des Irlandais d’Amérique.
La pauvreté des immigrants, l’exploitation indigne de leur situation à leur arrivée en Amérique suite à la famine en Irlande, les accidents de travail journaliers et mortels (noyade ou incendie lors du creusement du canal Erié ), les conditions salariales pires que l’esclavage dans les mines… rien n’est occulté.
Tout ceci pour justifier qu’ils soient devenus ultérieurement les premiers dans la lutte syndicale et n’ont pas hésité à recourir à des méthodes terroristes pour se défendre.
Combattants valeureux dans les armées nordistes ils ont été ensuite confrontés à la concurrence des Noirs – récemment libérés de l’esclavage- sur le marché du travail.
Et ils furent amenés à recourir à des violences extrêmes contre eux.
On peut être surpris que ce rôle moins glorieux soit évoqué, de même que celui de la lutte syndicale (pratiquement assimilée à un délit sans l’esprit des Américains…), mais les Irlandais ont également su s’intégrer à la société par le vote, la main mise sur le parti Démocrate.
En un mot ils ont aussi su accepter « le code » de la vie américaine.
Deux présidents, Kennedy et Reagan furent d’origine irlandaise.
On peut supposer que le courage et la pugnacité admirables qui furent les leurs, ce côté « dur à cuire », entre en résonance avec cette image si chère aux américains du « brave-type-qui-n’a-peur-de-rien » et justifie sans doute qu’ils assument sans complexes leur histoire sous tous ses aspects.
Une histoire aux dimensions multiples :
L’histoire enseignée aux petits Américains est multiple, du fait du droit de regard des citoyens sur ce qu’on peut mettre dans la tête de leurs enfants.
On y a vu le grand Marc Twain être stigmatisé pour une satire de la Bible et encore plus drôle ( quoique…) Robin des Bois suspecté de communisme.
Mieux encore, des manuels scolaires ( déjà en 1939 ) furent pointés du doigt pour avoir présenté la publicité comme un vecteur « d’abrutissement des citoyens », on se demande bien pourquoi.
Si on considère par exemple l’histoire des Noirs telle qu’elle est à présent enseignée, sans doute comporte-t-elle une part de surestimation de certains faits, mais elle présente l’énorme avantage de donner aux enfants noirs des motifs de fierté bien plus gratifiants que la compassion suscitée par l’esclavage.
Elle ne stigmatise pas tous les Blancs.
Il est d’ailleurs à noter qu’en France à l’heure actuelle, la mise en place, sous l’influence désormais révélée de l’ambassade américaine, un copier coller douteux de cette fable se met en place à partir de l’existence prouvée de quelques Africains dans les ports de l’Atlantique au XVIIIe siècle, population non servile de petits artisans… sans doute pour en faire dans des esprits mal informés, les aïeux de nos actuels immigrés subsahariens.
Ce qui explique aussi l’hommage rendu à Alexandre Dumas par son entrée au Panthéon.
Jusqu’à présent, malgré l’immense succès de cet écrivain et son indéniable talent, personne n’avait pensé à lui faire cet honneur…
Quoiqu’il en soit, la société américaine croit à l’heure actuelle sortir par le haut de la partie la plus trouble de son passé.
En tout état de cause, elle a su passer, en matière d’enseignement de l’histoire, de l’idéologie du melting-pot à celle du salad-bowl.
L’histoire sociale n’est pas occultée, Ferro cite l’étude de l’histoire du mariage faite à la High School de Chicago, mais en tout état de cause, l’histoire américaine est auto centrée, les Américains ignorent délibérément le reste du monde.
Ils se considèrent comme une « synthèse du monde » de par la diversité communautaire qui est désormais la leur.
A quoi bon en conséquence s’embarrasser de l’histoire de ceux qui résident encore ailleurs ?
Tout cela est vrai, sauf à l’Université.
En effet, les scholars, sont à l’opposé du reste du pays dans le domaine historique.
En tant que Français on peut citer Paul Murray Kendall et sa biographie de Louis XI très détaillée, dont le succès –surtout en France- ne s’est jamais démenti.
Actuellement, un certain Robert Darnton de l’Université de Pennsylvanie a publié un ouvrage sur la période pré révolutionnaire en France traduit par « Le diable dans un Bénitier » ;
Il y traite de l’utilisation de la calomnie comme arme fatale contre la monarchie capétienne, la plus ancienne en Europe, sujet qu’il passe au peigne fin, ce qu’aucun historien n’avait fait jusqu’à présent même si le phénomène était parfaitement connu.
L’étude de la calomnie et le succès du livre dans le landernau des initiés, a d’ailleurs été évoqué jusque dans les colonnes du Canard Enchaîné au moment de l’affaire Woerth.
Les historiens américains compensent largement par la qualité, l’absence de quantité en matière de connaissance historique, du moins à l’extérieur des USA.
L’Amérique a su adapter son histoire à son évolution interne sans se renier.
Il n’en va pas tout à fait de même en Europe.
Entre les vaincus de 1945 auxquels l’histoire posait problème, les anciennes nations dominantes en passe de déclin politique comme la France et l’Angleterre, et les petits pays nés récemment et dont les peuples n’avaient pas forcément un long passé commun, l’histoire enseignée est très diverse.
Mais elle correspond toujours à un besoin consensuel, qu’il vienne des autorités ou des citoyens selon les cas.