L’histoire au pays des Soviets, chez les Boers et de par le vaste monde
L’histoire au pays des Soviets, chez les Boers et de par le vaste monde
*Quand » le petit père dépeuple »
Certains petits dictateurs ont vécu dans le présent, sans grand souci de légitimité pourvu qu’ils soient craints. Quand la dictature est née de la volonté de changer le monde, l’enseignement de l’histoire est fortement impliqué dans le processus. « du passé faisons table rase » disait l’hymne communiste. Cette « bonne « idée ne fut pas tout à fait suivie au pied de la lettre, il fut bien plus intéressant de revisiter le passé avec des lunettes adaptées à la vision présente, que de l’ignorer. C’est ce qu’il advint en Russie après octobre 1917.
[7]L’URSS, naissante entendait se débarrasser de la légitimité impériale incarnée par le Tsar. Officiellement il fut très difficile de prouver l’implication de Lénine dans la mise à mort de Nicolas II, et encore moins de sa famille. De nombreux historiens sont d’ailleurs persuadés que la tsarine et ses enfants n’auraient pas été tués et auraient servi de monnaie d’échange avec l’Allemagne, Marc Ferro a récemment consacré un livre à ce sujet. La triste fin des Romanov et les doutes qu’elle laisse planer permettent de tirer sur la façon dont s’impose une vérité officielle, envers et contre tout. Et cela laisse songeur. Dans la version officielle, l’ordre d’exécuter le tsar n’aurait pas été donné par Lénine mais par les responsables locaux de l’endroit où il était gardé prisonnier. La crainte de voir échouer la révolution aurait conduit à la paix séparée avec le Kaiser, proche parent de la tsarine. Celle-ci et ses enfants auraient ainsi été épargnés. Ferro dévoile des éléments troublants, d’autant plus troublants que personne ne s’est donné la peine de faire disparaître les preuves qui infirmaient la vérité officielle. Il croise également des faits tangibles et connus en contradiction les uns avec les autres sur le sujet. Démocratie ou pas d’ailleurs – l’auteur a trouvé nombre d’arguments dans la presse anglaise ou américaine de l’époque du drame – le pouvoir semble se moquer de l’historien. Même les preuves existeraient en Russie sans avoir été détruites alors que les témoins immédiats sont morts « subitement » après le drame. …
Il faut qu’un pouvoir soit bien sûr de ce qu’il peut faire ingurgiter au peuple pour prendre si peu de précautions. Parce qu’en matière d’histoire, l’URSS présente un cas fort intéressant.
Sans refaire toutes les évolutions au fil du temps de 1917 à 1989, il faut tout d’abord mentionner que l’histoire de l’URSS n’est vue que sous le prisme de la lutte des classes et sa longue maturation pour arriver au bonheur socialiste. Elle connaît quatre période, l’esclavage, la féodalité, le capitalisme et socialisme. Une vision qui en valait sans doute une autre.
Par contre, les historiens de la période ne connaissaient qu’une solution avec les êtres ou les faits qui gênent, l’élimination. Au sein du Parti, beaucoup furent rayés au fur et à mesure dans Le Précis (l’histoire du Parti)
*Oublié Trotski, après sa disgrâce. Tous ses actes passés, même ceux où il avait agi dans le sens des intérêts de Lénine furent effacés des manuels. Effacé aussi son rôle de chef de l’Armée rouge et donc la gloire à son crédit de la bataille de Kazan, le Valmy soviétique. Son nom n’est cité que trois fois entre 1917et 1932 et encore sur des faits qui lui sont reprochés. Les autres gêneurs également tombés en disgrâce ( Kamenev, Zinoviev, Rykov) passent à la trappe.
*Effacé Staline, après 1956, ou presque…. Il est juste cité pour Stalingrad.
*Le même phénomène vaut pour les faits : aucun mot sur l’insurrection des marins de Kronstadt contre les Bolcheviks, ni bien sûr sur les horreurs des collectivisations forcées, et les déportations massives et massacres des petites nations du Caucase dont les Tatars de Crimée.
Tous ces personnages, héros, tortionnaires ou victimes ont disparu…..
Il faut cependant, d’après Marc Ferro reconnaître à l’histoire enseignée en URSS certaines qualités. Elle est aussi systémique et balaye le monde entier et de ce fait présente un parfait équilibre entre toutes les sociétés du monde.
En ce qui concerne l’histoire de la nation russe, il y a mise en valeur de l’identité russe, les Biélorusses et Ukrainiens sont considérés comme frères ( à l’époque ces pays avaient une existence politique commune) par contre les Varègues fondateurs de l’état russe étaient un peu passés sous silence. Ils étaient d’origine scandinave, donc germaniques et les Russes préféraient croire qu’ils étaient repartis dans le Nord ne laissant que quelques égarés se fondre au peuple slave des origines. Pourtant Marx, avait quant à lui mentionné le rôle primordial des Varègues dans l’histoire russe. Mais Marx était Allemand. Les conquêtes des pays voisins, devenus partie intégrantes de l’URSS avaient été faites dans l’intérêt de ces peuples. Les combats à la périphérie de l’empire contre les Polonais, les chevaliers Teutoniques et les Arabes valorisent le courage des Russes. Quand à la Seconde Guerre Mondiale, si les Alliés ont considéré les Soviétiques comme faisant partie des leurs, visiblement les Soviétiques ne s’en sont pas trop aperçus. Il ont gagné contre l’Allemagne mais aussi en devant se méfier en permanence des Anglo-Américains et dans une moindre mesure (moins présents), des Français. Vingt ans après la chute du mur de Berlin, l’histoire russe a sans doute évolué, les églises russes ont été réhabilitées, et des obsèques officielles ont été offertes au tsar et à sa famille, malgré les doutes de certains sur l’authenticité des dépouilles retrouvées à Iekaterinbourg.
En France, c’est incidemment, suite à un tragique accident d’avion ayant impliqué un grand nombre de dirigeants polonais, que les autorités russes avaient enfin reconnu leur implication dans le massacre de Katyn, l’occultation de cette ignominie faisant partie des exceptions culturelles dont se passeraient bien une certaine France… Les communistes ne furent pas les seuls à prendre des libertés avec l’histoire par idéologie. Ce qui se passa en Afrique du Sud au temps de l’Apartheid vaut un détour même si c’est terminé.