LE ROI JÉRÔME.
Jeune garçon turbulent, volontiers autoritaire, que les études n’attirent pas le moins du monde et qui souhaite par dessus tout profiter de la vie.
Il convient de se souvenir qu’il est encore très jeune lorsque la gloire rejaillit sur sa famille : les années difficiles, il les a peu connues et en a moins souffert que ses frères et sœurs.
Son éducation s’en trouve hachée, et ses pensées voguent vers la capitale, où tout se joue, où toutes les fêtes se donnent, où ses frères évoluent dans la sphère du pouvoir et s’affichent de plus en plus dans les cercles mondains.
Pour contenir ce caractère turbulent et (déjà !) dépensier, Napoléon l’envoie parcourir les mers.
Une formation qu’il espère salutaire.
Et quelle épopée, en effet !
Elle témoigne du goût déjà immodéré de Jérôme pour les plaisirs de la vie.
La femme par qui le scandale s’abat sur Jérôme Bonaparte : Elizabeth Petterson, cette belle américaine de Baltimore qui sera son seul véritable amour.
Napoléon adresse des lettres de recommandations aussi bien à sa famille qu’à ses ministres ou ses généraux, et qui montrent bien comment celui-ci conçoit les relations avec ses frères, et ce qu’ils risquent en lui désobéissant…
Jérôme n’y manque pas, en épousant cette américaine sans le consentement de son aîné !
Jérôme est encore jeune lorsque démarre la campagne de Silésie.
Les négociations autour du mariage du prince Jérôme et de la princesse Catherine de Wurtemberg, ainsi que la naissance du royaume de Westphalie sont autant d’occasions d’aborder la toute puissance de Napoléon.
Il peut se permettre de remanier des Etats à sa guise, d’en créer de nouveaux selon sa convenance, selon sa vision politique du monde et de la place que devait y occuper la France.
En hissant sur des trônes les individus gravitant autour de sa personne, se servant d’eux pour s’intégrer aux familles royales, il consacre une brillante politique matrimoniale.
Son pouvoir est finalement limité, et il doit obéir à Napoléon sous peine de se voir sermonner.
Et Napoléon, quand bien même Jérôme soit un membre de sa famille, ne prend jamais de pincettes pour lui faire savoir le fond de sa pensée !
La condescendance avec laquelle l’Empereur s’adresse à son frère transparaît très souvent dans le courrier qu’ils entretiennent presque quotidiennement.
Il ne cesse de se montrer mécontent de ses actes et de ses paroles, le mépris même perce parfois.
C’est surtout l’irritation qui ressort, la déception de Napoléon : il s’aperçoit que son frère ne possède nullement les mêmes capacités militaires ou diplomatiques que lui.
Il est vrai que Jérôme commet parfois des fautes, des inconséquences de débutant.
Ce qu’il est !
Pourtant Jérôme y met de la bonne volonté, et c’est avec dépit et même avec colère qu’il subit le rattachement du Hanovre (la plus riche province de son royaume) à l’Empire.
Pourtant, il continue à manifester une volonté indéfectible à servir l’Empereur, à suivre ses instructions, malgré une certaine amertume relevant de son incapacité à pouvoir prendre lui-même les décisions importante pour son royaume.
Au fil des années, des mois même, il se glisse dans le rôle de souverain « fantoche », ce qui l’exaspère.
Mais il demeure fidèle à Napoléon jusqu’au bout, conscient, à l’image de sa sœur Elisa, qu’il lui doit tout, ou presque.
Cependant, il n’est pas le seul à ressentir parfois cruellement le joug de Napoléon.
Il en va de même pour Joseph en Espagne, Elisa en Toscane, Louis en Hollande, Caroline à Naples…
Le couple ayant été stérile de nombreuses années.
Une citation de la princesse Mathilde (seule fille du couple) suggère qu’elle ne fut pas une mère très présente.
Elle parle de sa nourrice : « Je l’ai aimée mieux que ma mère, que je connaissais peu ».
Le caractère dépensier de Jérôme devient très frappent : éternel solliciteur, auprès de ses frères et sœurs notamment, il est toujours à court d’argent car il dépense allègrement.
Cette situation n’a pas semblé préoccuper Catherine, probablement car née véritable princesse, elle a été, dès sa naissance, habituée à ne manquer de rien.
Sous le Second Empire, Jérôme s’évertue à se tailler une place au sein du régime de son neveu Napoléon III.
La distance qui s’installe entre le père et la fille, qui ne manque pas de surprendre, ne l’y aide pas.
Il est vrai que la personnalité de Mathilde Bonaparte différait en bien des points de celle de son père.
Contrairement à lui, elle sait se forger un rôle de premier plan sous le règne de son cousin.
Une contradiction dans le caractère de Jérôme étonne : âme à la fois extrêmement sensible et généreuse, il est capable de s’entêter de façon absurde concernant tout ce qui touche à l’argent, allant jusqu’à se brouiller avec ses frères et sœurs et mêmes avec ses propres enfants.
Dernier frère de Napoléon, il est le seul à vivre le retour des Bonaparte au pouvoir, véritable revanche sur la vie !
Source : Plume d'histoire.
Le Roi Jérôme par Jacques-Olivier Boudon.