Impact de l’insularité en Corse sur la performance économique des entreprises.
Impact de l’insularité en Corse sur la
performance économique des
entreprises
Juin 2019
Goodwill-management, cabinet de conseil en performance économique responsable
Les coûts cachés consistent en des frais supplémentaires supportés par une entreprise située en Corse par rapport à une entreprise similaire située en France continentale.
Dans la suite de l’étude, ces frais supplémentaires seront nommés « surcoûts ».
Ces surcoûts tiennent à 3 facteurs principaux :
-
L’étroitesse des marchés (emploi, approvisionnement...) et l’absence d’économies
d’échelles,
-
L’éloignement des bassins économiques avec la difficulté du transport de marchandises,
-
L’incertitude sur l’approvisionnement liée aux aléas météorologiques et sociaux
pouvant affecter le commerce maritime par exemple.
Le tissu productif de la Corse est composé à 96% d’entreprises comprenant moins de dix salariés.
Les micro-entreprises, dont le chiffre d’affaires est inférieur à 750 K€, comptent notamment pour 95% des entreprises corses.
Mécanismes de compensation existants en Corse :
Continuité territoriale.
La Collectivité Territoriale de Corse (CTC) reçoit une enveloppe de subventions de l’Etat dédiée à la continuité territoriale, dont la gestion est assurée par son agence dédiée aux transports, l’Office des Transports de la Corse (OTC).
Le rôle de l’OTC est triple :
Minimiser les tarifs du transport maritime et aérien en priorité
Financer le développement et la rénovation des infrastructures portuaires et aéroportuaires
Assurer l’entretien des infrastructures routières et ferroviaires.
Pour cela, le CTC a reçu en 2017 une enveloppe de près de 187 millions d’euros dont les modalités d’utilisation ne sont pas rendues publiques.
L’organisme opère sous la forme de DSP (Délégation de Service Public) pour le maritime et l’aérien, pour lesquels il fixe des critères de service dans le cahier des charges.
Par exemple, en 2008, la liaison maritime Ajaccio-Marseille devait répondre aux critères suivants :
-
Fréquences minimales imposées de 3 allers-retours par jour, y compris les dimanches et jours fériés.
-
Transport du courrier.
-
Capacité de base : 5 250 sièges par semaine (2 sens confondus), dont 750 par jour les
samedis et dimanches.
-
Renforcements hebdomadaires saisonniers de 6 300 sièges en pré- et post-été, 6300
sièges sur les 10 semaines de plein été, plus 6 300 sièges à répartir sur les pointes de la période octobre – mai.
Taux de TVA réduits.
La deuxième mesure pour diminuer les difficultés liées à l’insularité est l’exonération de TVA.
Le tableau ci-dessous synthétise les différences de taux de TVA entre le continent et la Corse.
Type de marchandise |
Taux en Corse |
Taux en France continentale |
Produits alimentaires, abonnement au gaz et à l’électricité, équipements de services à destination des personnes handicapées, repas servis dans les cantines scolaires13 |
2,1% |
5,5% |
Vente d’électricité, vente de boissons alcooliques à consommer sur place, travaux immobiliers (neuf compris) |
10% |
20% |
Vente de carburant
|
13% |
20% |
Si cette mesure abaisse les prix de vente pratiqués en Corse, elle n’implique pas forcément la consommation de produits locaux, puisque les importations sont également exonérées.
Elle n’impacte donc qu’indirectement les entreprises situées en Corse.
Programme exceptionnel d’investissements pour la Corse
Le Programme Exceptionnel d’Investissement est un programme mis en place en 2002 visant à soutenir le développement économique de la Corse jusqu’en 2018.
Les paiements pourront être versés jusqu’à 2022.
Doté d’une enveloppe globale de 1,94 milliards d’euros, il consiste en des investissements partagés entre l’Etat (70% au maximum) et les collectivités territoriales corses.
Ces investissements doivent concerner des axes prioritaires de développement.
Déchets : 48%
Transports : 24 %
Culture : 9 %
Education et formation : 7 %
Santé : 4 %
Développement urbain : 3%
NTIC : 3 %
Eaux et assainissement : 2 %
Crédit d’impôt pour les investissements des entreprises situées en Corse (CIIC)
De 1997 à 2001, les entreprises corses (industrie, commerce, artisanat) ont bénéficié d’une exemption entière d’impôt sur les bénéfices.
Cette mesure s’accompagnait d’allègements de charges patronales sur les salaires faibles (moins de deux fois le SMIC) et d’allègements de taxe professionnelle.
Afin de donner suite à la fin de cette zone franche, un crédit d’impôt de 20% ou 30% sur le montant des investissements des entreprises corses (TPE ou PME) a été mis en place en 2002.
L’ensemble de ces mesures visent à compenser les difficultés auxquelles les entreprises corses font face.
Cependant, les surcoûts importants, parfois cachés, de l’insularité, continuent à pénaliser les entreprises.
Autres spécificités fiscales :
Crédit d’impôt pour les investissements dans le capital d’entreprises situées en Corse.
L’investisseur bénéficie d’une réduction d’impôt sur le revenu de 38% de son investissement.
Ces réductions sont assurées des Fonds d’Investissement de Proximité (FIP).
Ces investissements doivent être composés à 70% au moins de titres et d’avances en compte courant de PME.
Cotisation foncière des entreprises (CFE)
Les entreprises en Corse bénéficient d’une exonération de 25% des bases imposées sur les Cotisation Foncière des Entreprises (CFE) et ne payent pas de parts régionales et départementales.
Le panorama des dispositifs de soutien à la Corse existants permet de mettre en évidence la prise en compte (au moins partielle) des difficultés de l’insularité dans les politiques publiques.
Identification des difficultés et des surcoûts liées à l’insularité :
24 difficultés ont été recensées à travers 20 travaux, que nous avons regroupé en 7 catégories :
-
Difficultés liées à l’isolement et à l’éloignement géographique,
-
Etroitesse des marchés insulaires,
-
Difficultés liées au transport routier insulaire,
-
Impact de la mono-activité sur l’économie insulaire,
-
Vulnérabilité face aux crises mondiales,
-
Manque d’attractivité pour la main d’œuvre et les entreprises,
-
Accès limité aux technologies de l’information et de la communication.
Identification des surcoûts associés :
Surcoûts identifiés en lien avec l’éloignement géographique
Tout d’abord, les difficultés liées à l’éloignement géographique entraînent des surcoûts dus au fret maritime et au déplacement de salariés vers ou depuis le continent.
Utilisation du fret maritime
Coûts supplémentaires du transport maritime.
Coût du sur-stockage
Coût du suréquipement
Déplacement de salariés et de dirigeants vers ou depuis le continent
Perte de productivité liée au déplacement
Frais de déplacement supplémentaires;
Surcoûts identifiés en lien avec l’étroitesse des marchés insulaires.
En conséquence, il est difficile pour les entreprises situées en Corse de bénéficier d’économies d’échelle pour leurs approvisionnements.
De plus, il est plus difficile aux entreprises situées en Corse de recruter.
Ces deux aspects se traduisent par des coûts supplémentaires pour les entreprises.
Main-d’œuvre réduite entraînant des difficultés de recrutement.
Surcoûts liés à la durée de vacance d’un poste plus longue.
Surcoûts liés au risque de recrutement « raté » plus élevé.
Surcoûts liés aux besoins de formation interne plus important.
Surcoûts liés au recours à des salariés ne résidant pas en Corse.
Etroitesse du marché d’approvisionnement
Surcoûts liés aux charges d’approvisionnement importantes
Désordre foncier
Surcoûts liés au prix du foncier plus élevés que la France continentale.
La Corse est pénalisée par un prix de l’immobilier relativement plus élevé qu’en France continentale.
Cela peut se traduire par un surcoût pour les entreprises du territoire nécessitant de louer des bureaux ou des entrepôts sur le territoire.
Surcoûts identifiés en lien avec les incertitudes sur l’approvisionnement.
Les approvisionnements intra et extra-Corse sont soumis à plusieurs incertitudes, liées aux infrastructures routières insuffisantes, à l’hyper-saisonnalité de l’activité économique, et aux aléas sociaux et météorologiques.
Celles-ci peuvent impacter les chaines logistiques.
Allongement des temps de transport routier intra-Corse.
Coûts liés aux sur-temps de transport routier intra-corse.
L’insuffisance des infrastructures routières corses et la géographie montagneuse de l’île entraînent des ralentissements dans le transport terrestre des marchandises, exacerbés en période estivale avec l’arrivée de touristes.
Aléas sociaux et hyper-saisonnalité.
Coût du surstockage
Nous avons vu que l’utilisation du fret maritime peut inciter les entreprises à surstocker des marchandises.
Ce phénomène est accentué en été en prévision du pic de population arrivant en Corse.
D’autre part, les aléas météorologiques ou sociaux (grèves) sont susceptibles de perturber les chaines logistiques des entreprises.
Cette autre imprévisibilité incite d’autant plus les entreprises à surstocker, accroissant ainsi les charges auxquels elles font face.
Coût du suréquipement
De même, nous avons vu que l’utilisation du fret maritime peut inciter les entreprises à se suréquiper en machines.
Ceci est accru par les aléas sociaux et météorologiques de ce mode de transport.
Ce phénomène est également accentué en prévision de la saison estivale et du pic de population arrivant en Corse et les incertitudes pesant sur les chaînes logistiques.