L'ENFANCE.
Tout vient de l’enfance.
À l’occasion d’une demande qui me fut faite de participer à un recueil de récits sur ce thème, j’éprouvai le besoin de dire le désarroi de l’abandon et de l’oubli.
Je n’étais pas sûr de mes souvenirs.
Alors, j’avais imaginé qu’un matin de septembre on m’avait annoncé qu’elle n’était plus là.
Elle était partie à l’aube, sans rien dire, furtivement, reproduisant peut-être, malgré elle, pour n’avoir jamais fait le deuil de sa propre mère, ce vide en soi que l’on tente en vain de combler le restant de sa vie.
De fait, c’est ainsi que j’ai toujours perçu mon enfance, comme un pays d’exil, celui où elle n’était pas, où elle n’était plus, où s’est installé en moi, à jamais, la certitude de l’abandon, du délaissement, de la solitude absolue, de la blessure insupportable des limbes déchirés sur un monde aveugle.
Le départ de ma mère m’a donné aussi le goût des distances.
Je suis ici, je suis ailleurs, d’ici ou d’ailleurs, toujours sur le point d’arriver ou de partir, entre deux mouvements, deux désirs, deux amours, captif d’une séduction mortelle, d’une ivresse froide, d’une chorégraphie funèbre où la mémoire devient l’imaginaire de la mort.