5 MAI 1821 : NAPOLÉON MEURT À SAINTE HÉLÈNE.
En 1807, à Iéna, Hegel aperçoit Napoléon de loin ; bouleversé, il écrit ensuite :
« J’ai vu passer l’âme du monde à cheval ».
Le samedi 5 mai 1821, à 17h49, l’Empereur des Français rend son dernier souffle sur la petite île lourdement gardée de Sainte-Hélène.
« Né dans une île pour aller mourir dans une île, aux limites de trois continents »,
selon les mots de Chateaubriand qui l’admira autant qu’il le combattit, Napoléon Ier succomba vraisemblablement à un cancer de l’estomac au bout de six ans passés à l’écart du monde.
Quelques irréductibles l’auront accompagné dans son exil, dont deux généraux, Montholon et Gourgaud, le comte de Las Cases auquel il dicta ses mémoires, le grand maréchal du palais Henri Gatien Bertrand et Louis-Étienne Saint-Denis.
Louis-Étienne Saint-Denis, autrefois clerc de notaire à Paris, remplace en 1814 le mamelouk arménien Roustam Raza qui refusa de suivre Napoléon à Elbe.
Déjà proche de l’empereur depuis 1811, Saint-Denis prend le nom de « mamelouk Ali » ou « second mamelouk » et l’accompagne en exil à Sainte-Hélène, après l’avoir suivi en Russie, à Elbe et pendant les Cent-Jours.
Là, il s’affaire à adoucir l’exil de l’empereur déchu, lui sert de bibliothécaire et de copiste, met au point une eau de Cologne pour lui à partir de bric et de broc – car on manque de tout sur l’île -, l’accompagne dans ses promenades…
Reconnaissant de son dévouement, Napoléon ne l’oublie pas dans son testament : il lui lègue une somme à la hauteur de sa fidélité et le charge de transmettre sa bibliothèque à son fils l’Aiglon.
Rentré en France pour y mener une vie rangée après la mort de Napoléon, Saint-Denis publie en 1826 ses Souvenirs , véritable mine d’or pour les historiens ; en 1840, il part accompagner l’expédition qui doit rapatrier les cendres de l’empereur en France ; et en 1854, Napoléon III le fait chevalier de la Légion d’honneur pour ses dix ans de fidélité absolue à son oncle.
De juin à septembre 1921, la Revue des Deux Mondes republiait ces Souvenirs de l’empereur, dont Saint-Denis rapporte ici la nostalgie et l’amertume à Sainte-Hélène :
« Malgré les traverses que l’Empereur avait eu à essuyer dans tant de circonstances, le souvenir de sa puissance était toujours pour lui un songe très agréable.
« Je mettais toute ma gloire, disait-il, à faire des Français le premier peuple de l’univers ; tout mon désir, toute mon ambition était qu’ils surpassent les Perses, les Grecs, les Romains, tant dans les armes que dans les sciences et les arts.
La France était déjà le plus beau pays du monde, le plus fertile ; les mœurs y étaient parvenues à un degré de civilisation inconnu jusqu’alors ; en un mot elle était déjà aussi digne de commander au monde que l’avait été l’ancienne Rome…
Je serais arrivé à mon but si des brouillons, des intrigants, des hommes de parti, des gens immoraux ne fussent pas venus me susciter obstacles sur obstacles et m’arrêter dans ma marche.
Je sens bien qu’un pareil projet était gigantesque. Mais que ne peut-on pas faire avec des Français ? »
Source : Revue des Deux Mondes. Par Auriane de Viry.
Photo : Mort de Napoléon, tableau de Charles de Steuben (vers 1828).