LE "CATECHISME IMPERIAL" DE 1806.
LE "CATECHISME IMPERIAL" DE 1806.
Compromissions et avatars catholiques Napoléon nomme Jean Étienne Marie Portalis (1746-1807) "directeur des cultes" en 1801.
Jurisconsulte il négociera le Concordat.
Ce lèche-cul de première a le goût de l'adulation.
Il propose dans une lettre à l'empereur que l'épée portée par lui à Austerlitz fût déposée dans une église sous la garde d'un chapitre spécial.
Il a compris aussi que Bonaparte a l'intention bien arrêtée de dominer le clergé, au besoin de l'asservir à son propre profit.
La ligne est donc celle du "gallicanisme" hérité de la politique de puissance des rois très-chrétiens.
Les entretiens avec le cardinal Caprara, légat de Pie VII, seront difficiles.
Napoléon, dans la foulée du Concordat de 1802, veut créer une liturgie et un catéchisme nationaux.
Un catéchisme "civil" aurait pu être envisagé où en toutes matières depuis la conscription jusqu'au paiement des impôts auraient été exposées les obligations des sujets vis-à-vis de son gouvernement et de sa personne.
Finalement il parut plus astucieux de glisser dans un catéchisme religieux quelques-unes de ces notions bien senties, d'autant plus impératives alors qu'elles seraient appuyées sur l'autorité de la religion.
Il s'agit d'une fusion du politique et du religieux bien proche des pratiques islamiques.
Mais on connaît l'admiration de Napoléon pour l'islam : il y voyait sans doute un absolutisme qui convenait à son caractère.
Une créature de Portalis, son propre neveu, le jeune chanoine et vicaire général d'Astros, intelligent et arriviste occupe déjà une place de chanoine à Notre-Dame de Paris dès la (re)création du chapitre, mais vise nettement plus haut et plus loin.
D'Astros est chargé par son tonton de la rédaction du "catéchisme impérial".
Il va s'abriter derrière le catéchisme... de Bossuet dont il va développer une phrase consacrée par l'Aigle de Meaux aux devoirs des sujets du roi Louis XIV.
Il faut admirer le "Chapitre concernant les devoirs des sujets" :
Demande : - Quels sont les devoirs des chrétiens à l'égard des princes qui les gouvernent et quels sont, en particulier, nos devoirs envers Napoléon premier, notre Empereur ?
Réponse : - Les chrétiens doivent aux princes qui les gouvernent, et nous devons, en particulier, à notre Empereur l'amour, le respect, l'obéissance, la fidélité, le service militaire, les tributs ordonnés pour la conservation et la défense de l'Empire et de son trône; nous lui devons encore des prières ferventes pour son salut et pour la prospérité spirituelle et temporelle de l'État.
Demande : - Pourquoi sommes-nous tenus de tous ces devoirs envers notre Empereur?
Réponse : C'est premièrement parce que Dieu qui crée les empires et les distribue selon sa volonté, en comblant notre Empereur de dons, soit dans la paix, soit dans la guerre, l'a établi notre souverain, l'a rendu le ministre de sa puissance et son image sur la terre.
Honorer et servir notre Empereur est donc honorer et servir Dieu même.
Secondement, parce que Notre Seigneur Jésus-Christ, tant par sa doctrine que par son exemple, nous a enseigné lui-même ce que nous devons à notre souverain ; il est né en obéissant à César Auguste ; il a payé l'impôt prescrit ; et de même qu'il a ordonné de rendre à Dieu ce qui appartient à Dieu, il a aussi ordonné de rendre à César ce qui appartient à César.
Demande : - N'y a-t-il pas des motifs particuliers qui doivent plus fortement nous attacher à Napoléon premier, notre Empereur ?
Réponse : - Oui, car il est celui que Dieu a suscité dans les circonstances difficiles pour rétablir le culte public de la religion sainte de nos pères et pour en être le protecteur.
Il a ramené et conservé l'ordre public par sa sagesse profonde et active ; il défend l'État par son bras puissant ; il est devenu l'oint du Seigneur par la consécration qu'il a reçue du Souverain Pontife, chef de l'Église universelle.
Demande : - Que doit-on penser de ceux qui manquent à leurs devoirs envers notre Empereur ?
Réponse : - Selon l'apôtre saint Paul, ils résisteraient à l'ordre établi de Dieu même et se rendraient dignes de la damnation éternelle.
Demande : - Les devoirs envers notre Empereur nous lient-ils également envers ses successeurs ?
Réponse : - Oui, sans doute, car nous lisons dans la Sainte-Écriture que Dieu, Seigneur du ciel et de la terre, par une disposition de sa volonté suprême et par sa providence, donne les empires, non seulement à une personne en particulier, mais aussi à sa famille.
Napoléon était proprement déifié, mis par l'Église elle-même au rang du Tout-Puissant dont il est l'image sur la terre, sacré une fois de plus, promu à la vénération des fidèles, tel Jésus- Christ, et armé de la damnation éternelle pour combattre tes indifférents ou les réfractaires.
Le numéro de cirage de pompes s'étendait même à l'avenir en précisant que la succession à la tête de l'État était bien donnée par Dieu aux napoléonides.
Il fallut faire agréer cette monstruosité au cardinal Caprara, tout disposé à se coucher... et qui fut d'ailleurs mis devant le fait accompli par le décret du 4 avril 1806 portant qu’ « en exécution de l'article 39 de la loi du 18 germinal an X, le catéchisme annexé au présent décret, approuvé par Son Excellence le cardinal-légat, sera publié et seul en usage dans toutes les églises catholiques de l'Empire. »
Napoléon surfait sur les calendriers et les institutions.
Le cardinal de Belloy, archevêque de Paris, préconisa aussitôt l'adoption du catéchisme.
Mais l'histoire ne fait que commencer.
D'Astros dut constater que son zèle, sa courtisanerie n'obtenaient pas de l'Empereur la récompense qu'il eût dû recevoir.
Il s'attendait au moins à un évêché et il demeurait vicaire capitulaire de Notre-Dame de Paris.
Portalis, qui devait mourir l'année suivante, n'avait peut-être mis qu'un zèle mitigé à pousser les candidatures de son neveu.
D'Astros à partir de là marqua une nette tendance à se séparer des gallicans et à se rapprocher de Rome.
Or, les États pontificaux envahis par Napoléon, annexés à l'Empire, le pape a été arrêté et transféré à Savone avant de l'être à Fontainebleau.
Pie VII refuse en effet de donner l'investiture spirituelle aux évêques nommés par l'Empereur, vingt sept diocèses sont vacants et le catéchisme impérial risque de ne pas être enseigné partout dans de bonnes conditions...
D'Astros veut voir plus loin que l'actualité et complote en secret avec Rome.
Et c'est la rencontre de deux séries indépendantes qui va engendrer une violente bagarre ecclésiastique entre le vicaire capitulaire et celui qui va devenir son supérieur, le nouvel archevêque Maury.
Source : Tribune des Athées.
Photo : Pierre Bergé & Associés