GIUSEPPE OTTAVIANO NOBILI-SAVELLI.
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GIUSEPPE OTTAVIANO NOBILI-SAVELLI.
Giuseppe Ottaviano Savelli qui, après son mariage avec Melle Nobili de Feliceto, fit précéder son patronyme du nom de son épouse, était né en janvier 1742 à Sant'Antonino, dans une famille corse de vieille noblesse romaine, au cœur de la Balagne.
Par sa mère, née Valentini à Frasso di Rostino, il était cousin au troisième degré de Paoli.
Il apprit les premiers rudiments de latin auprès du père Simonpietro Antonini, bon versificateur, puis étudia la philosophie au couvent balanin des Mineurs de Saint-François-d'Aregno près de Corbara.
Après la prise du pouvoir par Paoli, il poursuivit ses études à l'école que le gouvernement national avait instituée en Balagne, avant de partir en 1765 étudier la philosophie, le droit, l'algèbre et la géométrie à l'université créée par Paoli à Corte l'année précédente et dont les cours commencèrent le 7 janvier 1765.
À la fin de ses études, en 1766, il fut nommé par Paoli président du magistrat de Balagne.
Après l'acquisition de la Corse par la France, par le traité de Versailles, le 15 mai 1768, Savelli prit activement part à la guerre contre l'armée de Louis XV.
Suite à la malheureuse issue de la bataille de Ponte-Novo, le 8 mai 1769, il fut donc contraint d'abandonner l'île ce même mois pour se réfugier à Oneglia, sous la protection du roi de Sardaigne, d'où il passa en Toscane pour rejoindre Pascal Paoli et son frère Clément, partis le 13 juin de Porto-Vecchio pour Livourne.
Une fois achevée la «normalisation» de la situation politique en Corse, Savelli, rappelé par son père, rentra brièvement en Balagne mais refusa les propositions d'emploi des Français et obtint du général de Vaux un passeport, préférant malgré tout opter pour l'exil volontaire en Toscane, où il resta – à l'exception de quelques brèves interruptions – de 1770 à 1790, se ralliant aux nombreux partisans de Paoli qui s'étaient retirés dans le grand-duché de Toscane.
Pendant les années que dura son séjour toscan, il fréquenta longtemps l'université de Pise, se rapprochant de savants comme Giovanni Maria Lampredi, Lorenzo Pignotti et Mgr Stratico, qui avaient soutenu la révolution nationale de Paoli.
C'est dans ce même contexte universitaire pisan qu'il connut aussi l'homme de lettres Giovanni Del Turco, qui avait projeté, après la bataille de Ponte-Novo, d'écrire une histoire de la rébellion de l'île, encouragé par Paoli et Savelli lui-même.
Finalement, il eut même l'occasion de se lier d'amitié avec Vittorio Altieri.
C'est précisément durant les premières années de son séjour toscan que l'on doit situer la composition du Vir Nemoris.
Dans une lettre datée du 11 janvier 1772 Paoli écrivait à Savelli que l'abbé Andrei, qui en 1792 sera l'un des députés corses à la Convention, était en train de traduire le poème.
Paoli écrit: «Je crois savoir que notre compatriote, l'abbé Andrei, est en train de traduire vos vers [sic]» Il n'existe aucune trace de la traduction annoncée par Paoli. Le même que Salvatore Viale devrait transcrire et envoyer à Tommaseo dans les années 1840, considérant que le poème «semblait avoir été écrit en 1771» et peut-être achevé après 1774.
Annotations de Viale au deuxième manuscrit du Vir Nemoris envoyé à Tommaseo contenant de nombreuses notes historiques concernant le poème de Savelli, dont l'une qui serait relative à la cruauté du comte de Narbonne en déduit que le deuxième livre du Vir Nemoris ne peut pas avoir été achevé avant 1774. Début 1782, Savelli entreprit un voyage à Vienne, où il connut Pietro Metastasio qui le poussa à traduire et publier quelques odes d'Horace, avant de mourir le 12 avril de cette même année.
Rencontre décisive si l'on en juge par l'élégie en terza rima que Savelli lui consacra.
Plusieurs de ces odes furent mises en musique et chantées à l'initiative du Napolitain Saverio de' Rogati, traducteur d'Anacréon et de Sapho.
En mars 1790, suite à la Révolution française, Savelli rentra en Corse, sous l'impulsion de Paoli lui-même, qui le 23 décembre 1789 lui avait écrit:
Rentrez vite dans notre Patrie pour apporter vos lumières à notre peuple, dont l'oppression vient [sic] maintenant de cesser avec le retour de la Liberté. Réveillez maintenant votre fibre poétique et annoncez dans vos vers qu'en ce jour de régénération du genre humain, je peux donner la nouvelle que notre pays brise ses chaînes.
Membre du Comité supérieur à Bastia, il fut d'abord secrétaire puis président de cette commission du 4 au 19 juin 1790.
Deux mois après le retour dans l'île de Paoli, le 14 juillet 1790, il fut nommé procureur syndic par le Directoire du district de L'Île-Rousse, présidé par Pascal Fondacci de l'Assemblée électorale d'Orezza, charge qu'il exerça jusqu'en 1792, le Directoire du département le relevant alors de ses fonctions suite aux incidents au cours desquels la maison des frères Arena fut dévastée le 28 février de cette même année.
Après le complot à la suite duquel Paoli fut mis hors la loi par le décret de la Convention du 2 avril 1793, Savelli resta fidèle à celui-ci et le suivit dans l'aventure qui aboutit à la création du royaume anglo-corse, le 19 juin 1794.
Le 21 juin 1794, il fut choisi, avec Giovanni Francesco Galeazzi de Penta di Casinca, Pietro Paolo Colonna-Cesari de Porto-Vecchio et Francesco Maria Pietri-Fozzano de Belvédère, pour aller présenter à George III la constitution de la Corse, votée le 19, qui en faisait une nation indépendante sous la protection de l'Angleterre.
Rentré en Corse au début de juillet 1795, il fut nommé conseiller d'État par le gouvernement anglo-corse, charge qu'il ne conserva toutefois que quelques semaines à cause de son différend avec le vice-roi de Corse, sir Gilbert Elliot, qui lui reprochait ses intrigues londoniennes, son hostilité envers Pozzo di Borgo et sa prise de position dans l'affaire du buste de Paoli.
Lettre à Portland, 16 août 1795. Quand, après l'exil de Paoli le 13 octobre 1795 et l'ordre d'évacuer l'île reçu en 1796 par sir Gilbert, l'expérience du royaume anglo-corse arriva à son terme et la Corse revint sous la domination française, Savelli fut exclu de l'amnistie octroyée par la République française pour avoir fait partie de la mission qui avait offert la souveraineté au souverain anglais, malgré son engagement à renoncer à la vie politique pour se consacrer à l'étude.
Il fut donc contraint de s'exiler de nouveau et revit en avril 1797 la Toscane, où il se retira à Montegufoni, près de Florence, chez son hôtesse la comtesse Marianna Acciaioli.
Là, Savelli continua d'étudier et de traduire des vers latins, et en 1800, fit un voyage de deux mois à Rome au retour duquel il s'arrêta à Foligno, donnant à imprimer la traduction entière d'Horace 8) grâce à l'aide financière mise à sa disposition par Paoli.
Mais il se remit un peu plus tard au travail pour parachever une version corrigée de la même édition, avant de mourir à Florence d'une longue maladie, le 27 mai 1807, moins de quatre mois après Pascal Paoli. Il fut enterré le 29 mai au prieuré de la villa de Montegufoni.
Sur son tombeau est gravée une inscription latine de l'abbé Zipoli, secrétaire du grand-duc Ferdinand III et précepteur du prince héritier:
Ci-gît la dépouille mortelle de Giuseppe Ottavio Nobili-Savelli, de l'une des plus illustres familles corses, remarquable par son ancienneté et par ses charges, qui, en homme très pieux, insigne adorateur des Muses, cher entre tous à sa Patrie, à tous les gens de bien et aux Toscans, est mort à Florence le 27 mai de l'année du Seigneur 1807, à l'âge de 65 ans. Le père Giovanni Battista et Filippo, en l'honneur de leur père aimé, et la comtesse Marianna Acciaioli en celui de son cher et doux ami ont posé non sans larmes cette plaque.
«HIC JACENT MORTALES EXUVIAE JOSEPH OCTAVII NOBILI-SAVELLI INTER PRAECLARAS CORSORUM FAMILIAS ANTIQUITATE ET MUNERIBUS CONSPICUI QUI RELIGIONE SPECTATISSIMUS MUSARUM CULTOR EXIMUS PATRIAE BONISQUE OMNIBUS ET THUSCIS APPRIME CHARUS FLORENTIAE OBIIT DIE XXVII MAII AN SALUT MDCCCVII AETAT SUAE LXV PRESBITER JO BAPT ET PHILIPPUS PATRI AMATO ET COMITISSA MARIANNA ACCIAIOLI EGREGIO ET DULCI AMICO NON SINE LACRYMIS POSUERE.»
Le Vir Nemoris, poème épique de Giuseppe Ottaviano Nobili-Savelli (1742-1807), doit sa survie à la collaboration entre un Bastiais, Salvatore Viale, et un Dalmate, Niccolò Tommaseo, qui le considérait comme « l'un des poèmes latins les plus remarquables qu'aient connus les lettres du siècle d'argent de la langue romaine jusqu'alors ». Il le publia à Florence en 1846 dans les Lettere di Pasquale de' Paoli, en effectuant cependant des coupes sombres dans le manuscrit original, par ailleurs profondément remanié. Trois traductions italiennes de cette édition, entachées d'arrière-pensées irrédentistes, virent le jour dans les années trente. Grâce aux manuscrits communiqués par Marco Cini et Jacques Thiers, François-Michel Durazzo nous livre donc pour la première fois le texte intégral de Vir Nemoris, accompagné d'un appareil critique et d'une traduction qui sont un premier jalon dans la découverte de cette ouvre injustement méconnue. Circinellu ou L'homme du bois sacré Texte établi, traduit, annoté et présenté par François-Michel Durazzo Précédé de « La faible voix des « vaincus » : le Vir Nemoris de Giuseppe Ottaviano Nobili-Savelli » par Marco Cini Les éditions Albiana exhument un ouvrage tout à fait incroyable, en latin, et qui est sans doute destiné à de longs développements. Déjà l'histoire du texte est digne d'un roman. Vir Nemoris (L'homme du bois sacré) est composé au cours des années qui suivirent la défaite de Pascal Paoli, en 1769 à Ponte Nuovo, défaite qui entraîna la dissolution de la toute récente nation corse. Ce n'est qu'après la mort de son auteur, et en Italie, que le texte sera publié par Salvatore Viale et Niccolo Tommaseo, à Florence en 1846 ! Dans le recueil des Lettere di Pasquale de'Paoli, pour combler un vide de deux ans dans cette correspondance ! C'est la première fois que ce grand poème est traduit (par les soins de François-Michel Durazzo), et publié en France ! Deux chants composent ce poème épique en beaux hexamètres dactyliques. Giuseppe Ottaviano Nobili- Savelli se sert, en fin lettré, des fleurs de rhétorique qu'il maîtrise de par sa fréquentation des textes latins (il est un brillant traducteur d'Horace), pour chanter son compagnon d'armes, le fameux « curé de Guagno » qui, selon la légende sera retrouvé mort un crucifix dans une main, un poignard dans l'autre, image vibrante d'un homme qui sacrifia tout à son peuple. Pourquoi écrire encore en latin au xviiie ? Parce que l'épopée est le genre le plus haut, la langue latine permet ici d'atteindre la gloire et l'universalité. L'originalité profonde de ce texte réside dans le fait que la légende se tisse au moment même où elle est vécue. Les événements rapportés sont contemporains de l'auteur et, déjà, les personnages évoqués prennent une stature légendaire : si le récit s'attache à la figure de Domenico Leca (le curé de Guagno), de superbes pages sont consacrées à la gloire de Pascal Paoli, homme des Lumières, cultivé et subtil, versé dans l'art de la guerre, mais aussi dans celui de la politique, du droit, de l'organisation de l'État. N'a-t-il pas mis en place le premier essai de démocratie suivant les principes des philosophes de son temps dont il suscitera l'admiration ? Savelli chante un combat qui est le sien et qui rejoint celui de Pascal Paoli. Il n'est cependant pas au service de quelqu'un, mais au service de la liberté. Comment lire Vir Nemoris ? Pourquoi donc un texte de cette qualité, de cette ampleur, n'a-t-il pas eu auparavant la place qu'il méritait ? Vae victis ? Un mythe qui ne conforterait pas ou qui contredirait le mythe national serait-il impardonnable ? Faut-il toujours évacuer ce qui gêne et étouffer des moments dont on ne peut tirer de gloire ? N'est-ce pas cependant le meilleur moyen de laisser, en cultivant les ignorances, la place aux mouvements les plus extrêmes, les plus étriqués, les plus dangereux ? L'Italie fasciste s'en empara. Il serait sans doute intéressant d'en tirer leçon. Car l'intérêt de cet ouvrage courageux est triple, les beautés latines de cette épopée, l'éclairage historique, le problème aigu de sa réception.
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