Napoléon à Sainte Hélène. Repro-tableaux.com

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LE MARQUIS DE MONTCHENU.

Sir Hudson Lowe – ses manies bureaucratiques agaçantes, son arrivisme, son anxiété, son indécision chronique, son absence totale de tact corroborent l’image du geôlier inapproprié que, comme tout un chacun, j’avais déjà en tête.

Et cependant, son opiniâtreté, sa résistance au harcèlement collectif, son imperturbabilité et sa place incommode dans la société anglaise élitiste de l’époque en font aussi un personnage captivant, tout droit sorti d’un récit par Thackeray ou Stendhal.

Il fut une de ces nombreuses personnes qui entrèrent dans l’histoire du début du XIXe siècle avec une éducation et des principes du siècle précédent, rendus totalement obsolètes par la rapidité des événements de la Révolution et l’Empire français.

Il ne se rendit pas compte que « Dix ans avaient suffi [à Napoléon] pour mettre dix siècles derrière lui. »

Et pourtant, encore plus déconnecté de son siècle que Lowe, il se trouva à Sainte-Hélène un Français envoyé par le ministère des Affaires étrangères en qualité de Commissaire de Louis XVIII qui en fut l’alter ego ultra-conservateur mais version soporifique.


Napoléon qui se rappela l’avoir vu à Valence dît de lui :

« Quel bavard ! Quel imbécile ! Quelle folie d’envoyer ici des commissaires sans charges et sans responsabilités.

Je connais ce Montchenu.

C’est un vieux con, un bavard, un général de carrosse qui n’a pas senti la poudre.

Je ne le verrai pas. ».

Et le comte de Balmain, à Sainte-Hélène pour les mêmes raisons mais pour le Tsar, de rajouter lorsqu’on lui rapporta ces propos : « ce qu’il y a de fâcheux, c’est que le portrait est ressemblant ; il a une haute idée de son poste, le seul qu’il ait occupé. »

Grâce au travail de transcription des archives du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, on réalise combien Lowe et Montchenu formaient le binôme idéal.

L’ultra-tory Gouverneur hostile par principe à tout changement, trouvait dans le rétrograde Montchenu, qu’il nommait sans malice « la vieille grenouille », encore plus conservateur que lui.

Que Lowe fût l’objet d’une moindre critique dans la presse de son pays ou dans les discussions sur l’île et ailleurs, immanquablement Montchenu se trouvait à ses côtés pour le rassurer et lui dire qu’il partageait son avis.

Montchenu fut le réconfort moral du geôlier qui, à Sainte-Hélène, se recula encore davantage de son siècle.

Michel Dancoisne-Martineau

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