MELOS OU LA RAISON DU PLUS FORT.
MELOS OU LA RAISON DU PLUS FORT.
Paris hier, deux extraits significatifs du discours de Paul André Colombani au colloque sur l’autonomie.
Extrait n*1:
« ... La France est le seul grand pays d’Europe où il est sacrilège de dire que le Parlement national ne doit plus forcément avoir le monopole de l’élaboration des lois, que des lois devraient être faites en local, au plus proche des citoyens, dans une logique d’approfondissement de la démocratie.
C’est un peu comme l’histoire de Mélos.
Vous connaissez l’histoire de Mélos ?
C’est une petite île grecque.
Ses habitants les Méliens étaient une petite cité libre dans l’Antiquité.
Et puis un jour la très puissante cité d’Athènes a demandé aux Méliens de renoncer à leur autonomie.
Les Méliens, en ont appelé à l’humanité et au sentiment de Justice des Athéniens car ils ne pouvaient pas résister.
Les négociateurs athéniens leur avaient répondu :
« la justice ne vaut qu’entre puissance égales, quand ce n’est pas la cas les forts exercent leur pouvoir et les faibles doivent leur céder. »
Nous avons vécu pendant des mois un dialogue mélien : certes nous sommes est une petite île minuscule, pas grand-chose par rapport au gouvernement de la cinquième puissance mondiale.
Mais on avait gagné démocratiquement après la fin d’années de violence et on espérait que la démocratie changerait le rapport de force.
Mais non, tout ce à quoi on a assisté c’est à l’exercice décomplexé du privilège du plus fort. »
Extrait n*2:
« ... L’autonomie est vue en France comme un folklore périphérique : des petites populations minoritaires situées aux marges du territoire hexagonal demanderaient ce truc.
Je suis désolé de dire des choses qui pourraient fâcher ici mais de fait : aujourd’hui c’est le centralisme parisien qui est un folklore dans une Europe où l’autonomie régionale est la norme ultra-majoritaire.
Et je ne vois pas comment la France pourrait devenir plus européenne sans jeter à la poubelle son centralisme maladif.
On ne peut pas être Europhile dehors et jacobin dedans, c’est impossible.
Vous savez ce n’est pas un hasard si les régions votent des lois en Italie, en Espagne et en Allemagne : ces pays ont été des dictatures fascistes au 20ème siècle.
La première chose que les dictateurs ont fait c’était de tout centraliser à mort.
Alors quand la démocratie est revenue on a donné l’autonomie aux régions pour créer des SAS de résistance en cas de retour d’une dictature dans la capitale.
La séparation des pouvoirs elle n’est pas juste horizontale (justice, exécutif, législatif) elle est aussi verticale (Etat et région).
Et on ferait bien d’y réfléchir au moment où des gouvernements populistes arrivent au pouvoir dans les capitales européennes.
Pour l’opinion française l’autonomie ça équivaut souvent à avoir le beurre et l’argent du beurre.
C’est assez attristant parce que ça veut dire que les gens voient les dotations aux collectivités comme la contrepartie d’une forme de soumission politique : je te donne de l’argent donc tu te tais et tu acceptes que les décisions soient prises à des milliers de kilomètres de chez toi.
Moi quand je vois nos concitoyens européens, quand je vois le budget espagnol abonder celui de l’Estremadure qui vote ses lois, je vois une capitale qui aide une de ses régions à se développer en échange des impôts que paient les citoyens d’Estremadure... »
Source: Saveriu Luciani.
Photo : En 1820, au cours de fouilles dans les ruines de l'ancienne cité, on trouve à Milos une statue d'Aphrodite à laquelle il manque les deux bras. C'est la fameuse Vénus de Milo, actuellement visible au musée du Louvre.