NAUFRAGE AUX LAVEZZI DE " L'ÉVÉNEMENT ".
NAUFRAGE AUX LAVEZZI DE " L'ÉVÉNEMENT ".
 
Et même si, contrairement à ce que l'on pense, Bonifacio n'est pas (et de loin) le lieu où il y a eu le plus de catastrophes maritimes.
 
Parmi eux, celui du paquebot-poste "L'Evénement" assurant le service Bastia-Bonifacio-Ajaccio par Propriano qui devait survenir, moins de quarante ans après celui de "la Sémillante", c'est-à-dire le 21 janvier 1893.

Le paquebot "L'Evénement" (commandant Ferrari) était affecté depuis plusieurs mois au service côtier cité plus haut.
 
Il faisait partie des cinq navires de la société corse Morelli absorbés en 1892 par Fraissinet ("Bocognano", "Ville de Bastia", "Comte Bacciochi", "Persévérant" et "Evénement") .

Il avait quitté Bastia le vendredi à sept heures (on suppose sept heures du soir) pour Bonifacio où il devait franchir les" Bouches " après avoir passé près des fameuses "îles Lavezzi".

L'équipage se composait de 22 hommes.


A Bastia il avait été chargé pour Bonifacio de 40 colis divers : pâtes alimentaires, balais, liquides etc. (soit 1130 kilos); pour Propriano, de 30 caisses de pétrole et de 10 colis de balais, aulx etc. (1180 kgs) et pour Ajaccio de 50 caisses de pétrole, 11 colis divers, des filets de pêche etc. (2830 kgs).


Il y avait à bord quelques passagers : MM. Piras, conseiller de préfecture ; capitaine Solmon du 61 ème ; Eugusses, sous-inspecteur des Douanes; Pietri, avocat ; Mmes Ceccarelli et Chiesa ainsi que deux enfants en bas âge ; MM. Progali, Lucci, Gennari, pêcheurs.
 


Dans le détroit de Bonifacio, la mer était agitée et le temps était brumeux mais rien de bien exceptionnel et, en tout cas, rien à voir avec la tempête de ce sinistre 15 février 1855 où périt "la Sémillante".


Il était quatre heures du matin ce samedi, lorsque, on ne sait trop pourquoi, le paquebot talonna sur le cap Rocche d'abord puis sur l'île à l'est.


Un rapport assez laconique de l'époque nous apprend que "fort heureusement tous les passagers et l'équipage purent parvenir à se sauver et à rejoindre la terre ferme, d'abord sur l'île Lavezzi puis à Cala-Longa, sur la côte est bonifacienne où ils furent transportés par la suite.


Les torpilleurs 127 et 140 qui se trouvaient au Vieux-Port de Bastia devaient se porter sur les lieux.

A bord de l'un de ces deux navires MM. Auguste Pierangeli agent général de la compagnie Fraissinet et Alfonsi, capitaine d'armement.


Le navire devait finir par couler car la voie d'eau était très importante.

Toutefois la marchandise qu'il transportait avait pu, tant bien que mal, être récupérée avant le naufrage total du petit paquebot.
 

Voici une version du naufrage que donnait à cette époque le "Journal de la Corse" :
"Le matin à 4 heures, le commandant Ferrari, étant de quart, aperçut les rochers des Lavezzi : " Bâbord !" ordonna-t-il aussitôt.
 
Mais le navire continuait à venir sur tribord et pourtant l'homme à la barre obéissait aux ordres.
 
Peine perdue, la direction ne changeait pas, une des drosses du gouvernail venait de se briser ".

Malgré les efforts du commandant, "l'Evénement" finit par toucher un rocher.
 
Le choc cependant ne fut pas très violent.
 
C'est à peine s'il réussit à réveiller quelques uns des passagers.
 
Mais le navire était vieux (il avait été construit à Greenock en 1862 et avait subi par la suite d'importantes réparations).
 
Le commandant le savait.
 
Il jugea que, jamais, il ne pourrait parvenir jusqu'à Bonifacio.
 
C'est pourquoi précise un rapport : "Dans l'intérêt commun, le commandant décida d'échouer son navire.

 

A quatre heures dix minutes "l'Evénement" se couchait sur les rochers.

 
Les canots furent immédiatement descendus et les marins aidèrent d'abord les passagers avant de prendre eux-mêmes place à bord .
 
Comme le veut la tradition, le commandant quitta le navire le dernier juste avant que ce dernier ne se brisât en deux, l'avant plongeant complètement.

Une heure après il était englouti par les flots.

 

Vers huit heures du matin les premières embarcations arrivèrent.

 
Dans l'une d'elles se trouvait M. Augustin Piras, maire de Bonifacio; les passagers avaient pris place dans le canot de la Douane.

Beaucoup d'entre eux avaient perdu leurs bagages, mais ils étaient tous vivants et c'était l'essentiel.

Épilogue de ce naufrage: le Tribunal maritime commercial qui avait à statuer sur le cas du Capitaine au long cours Charles Ferrari, commandant le paquebot "l'Evénement" devait l'a acquitter à l'unanimité :
"M. Le Président lui a serré la main et a tenu à le féliciter de sa conduite lors de ce naufrage".

Quelques mois après, le capitaine Ferrari était nommé officier aux Transports maritimes.
 
Source : "Corsica Marittima. Charles Finidori Editions Payan.
 
 
François CANONICI.
 
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