LES FEUX DE BUSSO.

— Durant l’été, je suis allé contempler les feux de Busso, c’est impressionnant et tragique, à en croire la légende, le seigneur avait passé son chapelain au fil de l’épée, et il a été condamné à revenir chaque nuit sur les lieux de son crime.
François s’exclame en se tournant vers son ami d’enfance :
— Te souviens-tu, Ghjuvanni, nous étions allés voir ce phénomène durant notre belle adolescence.
Depuis la croix de Bocognano, nous avions distingué cette lueur incertaine, très pâle, qui s’élevait au-dessus du village, qui augmentait de volume et d’intensité et qui s’éteignait pour réapparaître quelques instants plus tard.
Nous avions passé plusieurs nuits à guetter cette lumière fantastique qui fait partie de la légende, mais qui est une pure vérité.
— Durant la journée, tu humais les fleurs et les plantes, et j’allais prospecter dans le hameau, examinant avec attention les vieilles pierres, repérant celle qui me paraissait mieux polie que les autres et qui devait faire partie des murailles du château.
Natallini a un air désabusé :
— Le château, il n’en reste rien. A-t-il seulement existé ?
— Avec certitude. Au fil des siècles, il s’est lentement écroulé, mais les indigènes avaient pour habitude de récupérer les pierres afin de construire leurs abris, leurs bergeries.
J’ai découvert de véritables chefs-d’œuvre provenant du castel, je les ai dessinés, notamment un sujet parfaitement remarquable qui n’est autre qu’un blason renversé dont l’emblème a été effacé par le temps.
On parle avec nostalgie de cette Corse magique que l’on garde au fond du cœur, de laquelle on s’absente, mais que l’on ne quitte jamais, on savoure cet accent qui rapproche ostensiblement du maquis, ce maquis dont on croit en respirer les parfums.
Seul Lorenzo reste songeur et taciturne, il s’intéresse peu à ceux qui l’entourent et fait des efforts pour éviter de poser les yeux sur Livia.
Cette dernière est sagement assise auprès de son époux qui caresse ses doigts, pose sa main sur son genou, tandis qu’elle lui adresse un regard tendre ou chargé de désir.